Chers amis,

La Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) vient de publier son rapport sur « L’état de la santé de la population en France en septembre 2022. »

Le rapport complet est téléchargeable dans le lien indiqué en source[1].

On y fait deux constats : les maladies dites de « civilisation », soit le diabète, les maladies neurodégénératives ou le cancer, sévissent toujours de façon spectaculaire dans notre pays.

Mais, surtout, on y est plus ou moins exposé selon l’âge – on le savait – et selon… le revenu.

La France vieillit…

A mesure que la population française vieillit (9% de citoyens de plus de 75 ans aujourd’hui, une proportion qui devrait monter à 16% d’ici trente ans), il est « normal » de constater la progression de ces pathologies dont le risque augmente avec l’âge.

Les cancers et les maladies cardio-neurovasculaires sont ainsi les causes de décès les plus fréquentes, représentant à elles seules un quart des morts, chaque année, dans le pays.

Cependant nous ne sommes pas tous égaux face au risque de développer ces maladies.

… mais seuls les riches vieillissent longtemps

Ainsi, le développement d’une maladie chronique serait directement lié au revenu et au niveau de vie.

Les chiffres sont éloquents : les 10% de la population française les plus modestes développent presque trois fois plus de diabète que les 10% les plus riches.

Ce risque plus important concerne également d’autres maladies puisque les 10% les plus modestes développent :

  • 2,2 fois plus de pathologies du pancréas et du fois ;
  • 2 fois plus de maladies psychiatriques ;
  • 1,5 fois plus de maladies neurodégénératives (comme Alzheimer) ;
  • 1,4 fois plus de maladies cardiaques.

Le revenu seul n’est pas en cause et les professions, autrement dit les catégories socioprofessionnelles, sont impliquées : un ouvrier a deux fois plus de chances de développer une pathologie mentale qu’un cadre supérieur.

Si l’on fait les comptes, au bout du bout cette inégalité se traduit par une différence en termes d’espérance de vie.

Une personne naissant et évoluant dans un milieu social riche vit en moyenne six ans de plus qu’une personne naissant et évoluant dans un milieu modeste.

Ce n’est pas que l’accès au soin

Il n’y a pas une seule explication à ces écarts spectaculaires.

L’une de ces explications, c’est évidemment l’inégalité de l’accès au soin : lorsque l’on est aisé, on a plus facilement recours à des experts santé de haut vol.

Cette inégalité a été aggravée par la désertification médicale et la paupérisation de l’hôpital public, au profit des cliniques privées, lesquelles offrent des soins de pointe auxquels le ticket d’entrée se négocie en fonction du compte en banque.

Mais ça n’est pas tout.

Car les pathologies concernées nous enseignent également que l’une des principales explications à ces écarts, c’est le mode de vie et la nourriture.

Cela est particulièrement clair, à mon sens, concernant le diabète qui touche, donc, trois fois plus les plus modestes que les plus riches.

Les facteurs de risque du diabète de type 2, on les connaît : c’est avant tout une sédentarité excessive et une alimentation ultra-transformée.

Or ces fléaux touchent particulièrement les plus modestes : moins d’argent, dans nos sociétés « riches », ça ne signifie pas moins de nourriture.

Ça signifie une nourriture – et des habitudes alimentaires – de bien moindre qualité.

Autrement dit : des aliments bas de gammes hyper-transformés pleins de produits chimiques (conservateurs, édulcorants, etc.), de la junk food (hamburgers ou pizzas industriels, chips), des sodas hyper-sucrés…

… et ce dès le plus jeune âge.

Soyons francs : aujourd’hui, bien manger, ça n’est pas seulement une question de porte-monnaie et de temps (pouvoir acheter des aliments bio et les cuisiner demande qu’on y consacre du temps, et de l’argent), c’est une question de culture et d’accès à l’information.

Or qui sont les « cibles » marketing des fast food, des compagnies industrielles de boissons sucrées et des produits préparés et conditionnés comme les chips ?

Les plus jeunes, et les plus modestes, qui s’abreuvent aux sponsors des évènements sportifs populaires, qui consomment les publicités télévisées et des applications favorisant une alimentation compulsive.

Et face à cela, les campagnes ministérielles du type « mangez-bougez » ou « 5 fruits et légumes par jour » ressemblent à un cautère sur une jambe de bois.

L’exception du cancer

Dans ce tableau qui décrit la victoire cynique des campagnes marketing des géants de l’agro-alimentaire sur la santé des plus modestes, il y a une exception : c’est le cancer.

Le cancer touche toutes les catégories sociales, quel que soit le revenu, ou la profession.

Que faut-il en conclure ?

Mille choses, là encore ; je n’en retiendrai qu’une : c’est qu’il est plus difficile d’acheter l’air que l’on respire.

Une dernière chose : ce rapport pointe l’explosion des tentatives de suicide chez les plus jeunes depuis la pandémie de Covid.

Or sur ce point la France rejoint de nombreux autres pays : l’Australie, le Canada, Hong Kong.

Il y a quelques jours Libération a eu le culot de qualifier d’« inexpliqués » ces suicides des plus jeunes dans ces pays, parmi lesquels le nôtre[2].

Y’a-t-il s’il vous plaît quelqu’un pour leur faire remarquer que ces pays sont justement les mêmes que ceux qui ont le plus confiné ?

Que ces pays ont, sous prétexte de sauver les vies des plus âgés, ceux-là même qui ont mis sous cloche leur jeunesse ?

Ce rapport nous prouve que les choix que font nos gouvernements ont des conséquences concrètes sur la santé de la population.

Les choix qu’ils font… et ceux qu’ils ne font pas – pour des raisons financières.

Portez-vous bien,

Rodolphe Bacquet


[1] https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2022-10/DD102_MAJ.pdf

[2] Gouthière F (04.10.22). Explosion des gestes suicidaires des adolescentes depuis le Covid : un phénomène sans frontière qui demeure inexpliqué. Liberation. https://www.liberation.fr/checknews/explosion-des-gestes-suicidaires-des-adolescentes-depuis-le-covid-un-phenomene-sans-frontiere-qui-demeure-inexplique-20221004_QMROD5TT4JEFTFLD5G2FAAWR2A/