Chers amis,

Un message un peu « spécial » aujourd’hui. Je vais vous parler de santé, mais auparavant il faut me laisser vous emmener en voyage… dans des sables lointains.

Le désert du Taklamakan est l’une des zones les plus inhospitalières du monde.

Situé aux confins occidentaux de la Chine, au-dessus de l’Himalaya, il est plus vaste que la France. Les vues satellite nous font voir une région uniformément jaune, de la forme d’un immense œil humain.

Du sable, du sable et encore du sable.

Mais pas n’importe quel sable.

Les anciens Chinois appelaient le Taklamakan le « désert des sables qui coulent »[1]. Agitées par des vents ultra-violents, les dunes du Taklamakan sont les plus mobiles de la Terre.

Un mouvement pareil à celui des vagues de la mer… qui lui vaut le surnom, aujourd’hui, de « mer de la mort ».

Les conditions sont extrêmes. Température l’été : +50 °C. L’hiver : -40 °C.

Pourtant, certaines routes de la soie passaient par le Taklamakan.

Mais c’était la route la plus risquée et de nombreux voyageurs n’ont jamais réussi à sortir de ce désert.

Le nom même de Taklamakan signifierait : « le désert dont on ne revient pas ».

Les conditions extrêmes n’expliquent pas tout. Le Takamaklan a depuis des temps reculés la réputation d’être un désert hanté.

 « Des voix, des pleurs, des lamentations »

Les voyageurs qui ont traversé, au fil des siècles, le désert du Taklamakan, témoignent de manifestations terrorisantes qui « perdent » ceux qui s’y aventurent.

Les témoignages les plus célèbres sont ceux de moines chinois, et d’un certain… Marco Polo.

Le voyageur vénitien écrit, au XIIIe siècle :

« Lorsqu’on chevauche de nuit par ce désert, et qu’un des marchands ou autre reste en arrière, et se trouve séparé de ses compagnons pour dormir ou pour autre cause, si la compagnie en marchant disparaît derrière une colline ou montagne, quand il veut aller rejoindre ses compagnons, lors souvent arrive qu’il ouïsse en l’air esprits malins parler en manière que semblent être ses compagnons ; car souventes fois l’appellent par son nom, et souventes fois, lui faisant croire qu’ils sont ses compagnons, il suit ces voix et sort de la bonne route ; de la sorte, ne rejoint jamais ses compagnons, et jamais plus on ne le retrouve.[2] ».

Marco Polo parle plus loin d’esprits qui « ont pris la forme d’une armée et les ont chargés d’assaut ».

L’historienne Lucette Boulnois, spécialiste de la route de la soie, confirme avoir trouvé beaucoup de témoignages du même genre sur le Taklamakan, les voyageurs rapportant à toutes époques des bruits de « voix, des pleurs, des lamentations » et même « des roulements de tambours »[3].

Une autre découverte a amplifié la légende autour de la « mer de la mort ».

Les mystérieuses tombes du désert

Un très ancien cimetière y a en effet été trouvé par des archéologues, avant la Seconde Guerre mondiale.

140 poteaux de peuplier gardent cette nécropole des sables, que le temps et les vents ont en partie cassés…

Des troncs de peuplier en plein désert…

Des fouilles récentes y ont dénombré 350 tombes superposées. Le cimetière aurait été utilisé cinq siècles durant. Les tombes les plus profondes remontent à 4 000 ans…

Ce qu’on a découvert dans ces tombes est plus ahurissant encore.

Le peuple de nulle part

Les défunts étaient vêtus d’habits de laine, de bonnets de feutre, de chaussures de cuir ; certaines femmes, de jupes à frange.

Mais surtout on avait placé auprès de leurs corps des sculptures en bois, des cornes de taureau ou de bouc, des miroirs de bronze, des bagues en or.

Or ces objets ne ressemblaient pas à ce qu’on connaît de la culture chinoise de la même époque.

En fait, même leurs visages n’ont absolument rien d’asiatique.

Leurs traits sont caucasiens.

Depuis, les analyses ADN menées sur une dizaine de ces momies (parmi les mieux conservées au monde) ont confirmé que ces personnes inhumées en plein désert il y a 3 500 à 4 000 ans, venaient de l’ouest[4].

Plusieurs indices témoignent même de leur appartenance à la civilisation celte[5]. Autrement dit, ces momies viendraient possiblement de France ou des îles Britanniques !

La « beauté de Loulan », aux cheveux auburn et aux traits remarquablement conservés, fait partie des momies trouvées.

Comment ces personnes « de chez nous » se sont-elles retrouvées dans les sables de ce désert reculé ?

On ne sait pas.

Mais une autre découverte majeure a été faite dans ces tombes.

Le plus vieux fromage du monde

Les archéologues ont retrouvé, sur le cou et la poitrine de plusieurs de ces momies, des petites boules jaunâtres.

Il s’agissait de matière organique. En 2014, une analyse a révélé qu’il s’agissait de fromage.

Le fromage du Taklamakan est le plus ancien fromage découvert à ce jour, attestant de sa fabrication et de sa consommation il y a près de 4 000 ans !

Il est d’un genre très particulier : il s’agit de kéfir, fermenté sous l’action de bactéries et de levures.

Les analyses montrent que 80 % de ce kéfir vieux de 4 000 ans a été formé à partir de lait de vache – le reste à partir de chèvre et de brebis[6].

La fermentation du lait sous l’action des « lactobacillus » et des « saccharomyces » permet d’éliminer le lactose du lait.

Or ce lactose, vous le savez, est un glucide qui rend difficilement digeste les produits laitiers pour une grande partie de la population.

Ainsi, il y a déjà quatre millénaires, des hommes maîtrisaient déjà le processus de transformation du lait en produit digeste.

L’aboutissement de cette lettre est bien le kéfir, produit qu’on peut facilement fabriquer chez soi et dont l’intérêt dépasse de loin la suppression du lactose peu digeste.

Je vous expliquerai dans mon prochain message comment le kéfir transforme le lait en produit probiotique, avec des bienfaits considérables sur la flore intestinale.

Portez-vous bien,

Rodolphe Bacquet

[1] Boulnois Lucette. Démons et tambours au désert de Lop : Variations Orient-Occident. In: Médiévales, no 22-23, 1992. Pour l’image. p. 94

[2] Hambis Louis (éd. et présenté par), Marco Polo. La description du monde, Paris, Librairie C. Klincksieck, 1955, pp. 65-66.

[3] Boulnois Lucette, Démons et tambours au désert de Lop : Variations Orient-Occident, 1992, collection « Médiévales », no 22-23, p. 100.

[4] Li (C.) et al., « Evidence that a West-East admixed population lived in the Tarim Basin as early as the early Bronze Age », BMC Biology, 17 février 2010, vol. 8, no 15, consulté en août 2019, disponible sur https://bmcbiol.biomedcentral.com/articles/10.1186/1741-7007-8-15

[5] « Archéologie. Le mystère des momies celtes du Xinjiang », Courrier international, 13 septembre 2006, consulté en août 2019, disponible sur https://www.courrierinternational.com/article/2006/09/14/le-mystere-des-momies-celtes-du-xinjiang

[6] Yang (Y.) et al., « Proteomics evidence for kefir dairy in Early Bronze Age China », Journal of Archaeological Science, mai 2014, vol. 45, pp. 178-186, consulté en août 2019, disponible sur http://dx.doi.org/10.1016%2Fj.jas.2014.02.005