Chers amis,

Si je vous dis « Mediator », vous savez de quoi je vous parle : un médicament retiré du marché il y a douze ans suite à un retentissant scandale pharmaceutique.

L’affaire du Mediator a éclaté lorsqu’une pneumologue, la Dr Irène Frachon, s’est battue contre vents et marées pour que soient reconnus les graves effets secondaires provoqués par ce médicament que le laboratoire Servier (qui commercialisait le produit) dissimulait.

Ces effets secondaires, des valvulopathies, ont provoqué entre 1500 et 2100 décès[1].

Le Mediator a été mis sur le marché en 1976. Mais il n’a été interdit qu’en novembre 2009.

Entretemps, il a été prescrit – essentiellement comme coupe-faim – à quelque deux millions de Français.

Pourquoi la reconnaissance de ces effets secondaires et l’interdiction de ce médicament meurtrier ont-elles mis 33 ans ?

Un livre, publié il y a trois semaines, nous en donne la terrible explication.

Du courage, et beaucoup de persévérance

Il faut rendre à César ce qui est à César.

Ces trois dernières années, j’ai souvent dénoncé l’asservissement complet des journaux mainstream aux discours sanitaires officiels du gouvernement et du lobby pharmaceutique.

Ces journaux, disais-je et dis-je encore aujourd’hui, ne font plus du journalisme : ils se contentent d’être les relais de la propagande gouvernementale.

Mais, il y a douze à treize ans, la situation était différente et c’est grâce à l’un de ces journaux que l’affaire du Mediator est devenue un sujet de santé publique, aboutissant à l’interdiction du médicament meurtrier.

Ce journal, c’est le Figaro ; et la journaliste qui a porté à bouts de bras cette enquête, c’est Anne Jouan.

Anne Jouan n’aurait pas pu publier ses articles au sujet du problématique Mediator sans le soutien du directeur du journal de l’époque, et ce alors que ces articles dérangeaient aussi bien industriels que politiques… proches de ce même directeur.

Surtout, elle n’aurait pas pu publier ces informations sans le concours de courageuses « sources » au sein même de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament) qui lui ont révélé à la fois les actions délictueuses de Servier (pour lesquelles le laboratoire a depuis été condamné) et les efforts du pouvoir politique pour étouffer l’affaire dans l’œuf.

Aujourd’hui, en 2022, le directeur du Figaro de l’époque est mort ; Anne Jouan ne travaille plus pour ce journal ; et sa principale source, surnommée durant toute l’enquête « Monsieur Rungis » tombe le masque : il s’agit du Pr Christian Riché, médecin et pharmacologue brestois qui a été président de la Commission nationale de pharmacovigilance, membre de la Commission d’autorisation de mise sur le marché à l’Agence du médicament.

Autrement dit : non seulement quelqu’un aux premières loges de l’affaire, mais surtout qui en fut un acteur de l’ombre, et même dans une certaine mesure une victime.

Anne Jouan et le Pr Riché ont publié, mi-septembre, La Santé en bande organisée ; dans ce livre, ils ne reviennent pas uniquement sur l’affaire du Mediator. Ils décrivent en détail la corruption, l’incompétence et le cynisme qui gangrènent l’appareil de santé en France.

On comprend à la lecture de ce livre qu’il leur a fallu beaucoup de courage et de persévérance pour faire éclater la vérité.

Et surtout, l’on comprend que la situation, loin de s’être assainie et améliorée depuis lors, a en fait empiré.

33 ans d’effets secondaires en toute impunité

La Santé en bande organisée nous éclaire sur les raisons pour lesquelles il s’est passé 33 ans entre la commercialisation du Médiator et son interdiction définitive.

Cette responsabilité peut se résumer en trois points :

  • Les magouilles du laboratoire pour dissimuler à tout prix les effets secondaires provoqués par le Mediator ;
  • L’incompétence de l’Afssaps (l’ancêtre de l’ANSM) puis de l’ANSM pour clairement identifier ces problèmes ;
  • La complicité des responsables politiques, plus préoccupés par la protection de ce fleuron de l’industrie pharmaceutique qu’est Servier que par la santé des patients.

Ce trio de choc explique toutes les « anomalies » dont l’affaire du Mediator est émaillée.

Ainsi, dès 1995, le composant du Mediator (le benfluorex) est interdit dans les préparations en pharmacie… mais continue d’être employé par Servier pour fabriquer son médicament !

La même année, 4 cas d’hypertension pulmonaire développée suite à la prise du Mediator sont identifiés par le centre de pharmacovigilance de Besançon.

Deux ans plus tard, en 1997, les États-Unis interdisent toute la famille des fenfluramines, le groupe de molécules dont le Mediator fait partie. Un autre médicament qui utilise cette molécule, l’Isoméride, est interdit par la France la même année alors qu’il est deux fois moins dosé que le Mediator !

L’Espagne en 2003, puis l‘Italie en 2004, retirent à leur tour le Mediator du marché.

Pourquoi faudra-t-il attendre encore 2009 en France ?

La « pharmacovigilance à la française »

L’affaire du Mediator a eu sa pasionaria : c’est le Dr Irène Frachon, qui a voulu faire remonter à la pharmacovigilance française les valvulopathies constatées suite à la prise de Mediator.

Elle s’est heurtée à un mur.

Un mur de mépris d’abord car, « clinicienne », le Dr Frachon est méprisée par les « experts » de la pharmacovigilance.

Le Pr Riché décrit ainsi la « pharmacovigilance à la française », appliquée depuis le début des années 1980 : « tout partait d’une bonne intention, celle de s’occuper des effets délétères des médicaments », mais le problème est que « les pharmacologues ne voient jamais de malades. (…) La pharmacovigilance présente donc cet incroyable avantage d’être au plus près des malades sans les avoir sur le dos. Nous les fréquentons à travers des documents papiers et ceux-ci, à la différence des souffrants, ne se plaignent jamais. (…) En fait, seule comptait l’accumulation de cas, plus prosaïquement, le nom de personnes touchées. On peut le dire, c’était au poids du papier[2]. »

Mais que se passe-t-il quand le laboratoire mis en cause par ces cas fait tout pour empêcher ces chiffres de remonter… et quand ils remontent, tout pour les discréditer ?

C’est le second mur auquel s’est heurtée Irène Frachon.

On connaît la méthode de la défense de Servier… car c’est exactement la même que celle employée depuis deux ans pour « défendre » les injections anti-Covid.

Cette méthode consiste à répéter, face à l’accumulation d’effets secondaires : « c’est un hasard » et « rien ne prouve que ces problèmes de santé soient imputables au produit désigné ».

En l’espèce, face aux milliers de cas rapportés pour le Mediator, le laboratoire n’en a reconnu que… trois.

Mais cette méthode de déni systématique, qui relève de la mauvaise foi et de l’irresponsabilité, à elle seule n’est pas suffisante.

Servier, pour tenter d’étouffer l’affaire, a eu recours à des moyens de pression encore moins orthodoxes, et dont La santé en bande organisée nous apprend qu’ils sont courants.

« Comment peut-on s’arranger ? »

Il y a d’abord la corruption.

Des tentatives de corruption, le Pr Riché comme la journaliste Anne Jouan en ont connu.

Cela se passe toujours de la même façon.

Le Pr Riché raconte notamment comment après avoir démontré de façon implacable l’hépatotoxicité (c’est-à-dire la toxicité sur le foie) d’un médicament développé par Synthélabo, il s’est entendu dire, dans les bureaux de la direction de ce laboratoire : « Comment peut-on s’arranger ? [3]»

Madame Jouan raconte elle aussi qu’à la veille de revenir de son congé maternité, la porte-parole de Servier lui téléphone pour connaître ses intentions (compte-t-elle se remettre à son enquête sur le Mediator ?) ; au moment de raccrocher, l’employée du laboratoire lui lance « Vous savez, on peut s’arranger.[4] »

Le Pr Riché et Mme Jouan n’ont pas répondu à ces appels du pied. On peut à bon droit dire d’eux qu’ils sont restés incorruptibles.

Mais tous ne sont pas incorruptibles, loin de là ; ils décrivent comment des experts de la pharmacovigilance, censés être indépendants, soit sont passés par ces mêmes laboratoires…

… soit touchent des avantages en espèces, ou en nature, de la part de ces laboratoires : cela va d’un abonnement annuel à une loge à l’Opéra de Paris au recours à des prostituées[5].

Tout cela est pudiquement appelé le « business des experts ».

Ces « échanges de bons procédés » ne se limitent pas au cercle des laboratoires et des experts d’agences d’État censées être indépendantes et transparentes : les auteurs insistent sur des « liens toxiques et incestueux entre les politiques, les laboratoires et les autorités sanitaires[6] ».

Les premiers concernés, ce sont les ministres de la santé et les membres de leur cabinet mais ne sont pas épargnés les proches des présidents de la République, de Jacques Chirac à François Hollande en passant par Nicolas Sarkozy.

« Tu vas le payer personnellement et professionnellement »

Quand les tentatives de corruption ne marchent pas, les laboratoires et leurs « défenseurs » affichés ou dissimulés (vous allez comprendre de quoi je parle) passent à l’intimidation.

Là encore, le Pr Riché – qui avait soutenu les interventions d’Irène Frachon auprès des experts – comme Mme Jouan en ont fait les frais.

Le Pr Riché déclare qu’un toxicologue réputé, le Pr Jean-Roger Claude, lui lance un jour, énervé par ce soutien à Irène Frachon : « On sait où va ta fille à l’école[7] » ; puis, de plus en plus énervé : « Tu vas le payer personnellement et professionnellement[8] ».

Ce Pr Claude n’est nul autre que l’un des membres les plus influents de la Commission d’autorisation de mise sur le marché, et conseiller de Servier depuis les années 1970.

Et sa femme est la responsable toxicologique du laboratoire !

Si ces menaces explicites ne réfrènent pas leur destinataire, c’est l’intimidation et les méthodes de barbouze qui sont employées.

« Un jour de 2012, écrit Anne Jouan, plusieurs sources demandèrent à me rencontrer de visu : depuis peu, des téléphones, dont le mien, étaient « surveillés ». Il ne s’agissait pas d’écoutes légales mises en place par les magistrats chargés d’une instruction judiciaire mais de captations sauvages, réalisées par des officines, ces entreprises de sécurité spécialisées dans l’espionnage[9]. »

La journaliste compte 70 officines de ce type.

Leurs méthodes : écoutes illégales, filatures, harcèlement, cambriolages à domicile.

On « visite » l’appartement ou la maison de la personne ciblée, on ne lui vole rien : cela vaut pour avertissement.

Plus troublant encore, le Pr Riché reçoit un jour un appel d’Aquilino Morelle le mettant en garde ; il lui adresse les mêmes mots que ceux qu’un « barbouze repenti » a un jour adressé à Mme Jouan « Vous devriez faire attention »… avant qu’une voiture brûlant un feu rouge ne manque de la renverser[10] !

Voici ce que conclut le Pr Riché de toutes ces « mises en garde » qui provoquèrent chez lui et ses proches de vrais moments d’angoisse voire de paranoïa : « Qui était derrière toutes ces menaces ? Mystère. Je sais juste une chose pour l’avoir apprise de hauts fonctionnaires ministériels au cours de toutes ces années : il existe une mafia très importante et très puissante de protection des intérêts de l’industrie pharmaceutique[11]. »

Mafia : le mot est lâché.

Il ne vient ni d’un complotiste, ni d’un journaliste cherchant à créer la sensation, mais d’un médecin ayant passé toute sa carrière dans la pharmacovigilance officielle.

Tout est-il pourri au royaume de la santé en France ?

De la corruption à l’intimidation, ces méthodes mafieuses nous forcent à nous demander : tout est-il pourri au royaume de la santé en France ?

L’interrogation est légitime quand, du propre aveu du Pr J.-R. Claude, que j’ai déjà cité, on apprend que « la moitié de l’Académie de médecine était en lien avec Servier.[12] » Et que l’industriel a pendant des années sponsorisé le bulletin de la même assemblée !…

Elle est encore plus légitime quand l’une des sources d’Anne Jouan lui affirme un jour de 2019 au téléphone : « tu as oublié l’essentiel : les liens des laboratoires, en général, avec les services de renseignements français. (…) Tu fais des cercles concentriques autour du pot mais ne vois pas que c’est beaucoup plus complexe et vaste. Il s’agit d’un système[13]. »

Pour faire bref : l’industrie pharmaceutique a non seulement investi les plus hautes fonctions de la santé en France, mais a à la fois recours aux services gouvernementaux pour faire valoir ses intérêts et aux services « d’amis » aux méthodes mafieuses.

Quand on apprend cela, on ne peut que se dire : oui, tout est pourri au royaume de la santé en France.

Cependant, l’existence même du livre d’Anne Jouan et du Pr Riché prouve que ça n’est pas le cas.

Durant douze ans, le Pr Riché a donné des informations de première main à la journaliste sur ce qui se passait réellement au sujet du Mediator.

Il l’a fait, hésitant et prudent au début, parce qu’il avait sous les yeux la corruption et la lâcheté des instances de pharmacovigilance face aux laboratoires industriels et aux politiques les protégeant.

Mais le Pr Riché, s’il est le seul – aujourd’hui à la retraite – à révéler au grand jour son identité, n’a pas été la seule « source » de la journaliste.

Ces 5 autres informateurs de l’intérieur, qui travaillaient au cabinet de la présidence de la République, à la DGS (Direction Générale de la Santé), ou travaillent aujourd’hui encore pour l’ANSM, exposent à la fin du livre leurs raisons d’avoir divulgué, et de continuer à divulguer des informations malgré leur devoir de réserve : par éthique, sens du devoir, et la conscience aiguë que quelque chose dysfonctionne dans la Santé de notre pays.

Ils expriment un désarroi, la défaite de la probité face à un « rouleau compresseur » piloté par une oligarchie : « la responsabilité de ces pratiques sanitaires désastreuses n’est pas univoque mais le fruit d’un système de santé publique et de sécurité sanitaire mis en place au début des années 1990, dans les suites de l’affaire du sang contaminé, par une faction affiliée à un ministre de la santé très médiatique, Bernard Kouchner. Or ce système, au départ valeureux, s’est mû en confrérie visant non pas à protéger les patients ni à promouvoir la santé des populations mais plutôt à veiller au bien-être physique et moral de ses élus[14]. »

Cette même source déclare : « je voulais être digne de mon serment d’Hippocrate ».

Combien de médecins haut placés en France pourraient sans rougir prononcer cette phrase ?

Et aujourd’hui ?

On pourrait penser que l’affaire du Mediator a permis de faire le ménage et que cette « oligarchie » a pris du plomb dans l’aile.

Plus de 12 ans après l’affaire du Mediator, le paysage sanitaire français a en effet bien changé. Mais en pire !

On constate en effet deux choses.

La première, c’est que l’ANSM, sous couvert d’une plus grande indépendance et d’une plus grande transparence autoproclamées suite à l’affaire du Mediator (l’agence a été mise en examen en 2013 pour « homicides et blessures involontaires », accusée d’avoir négligé les alertes sur la dangerosité du médicament) serait, d’après des sources d’Anne Jouan, « pire qu’avant ».

Pire comment ? Pour le dire simplement : les « experts » qui y travaillent aujourd’hui sont, pour la plupart, incompétents. « Certains ne connaissent même pas le nom des médicaments ![15] »

Selon une autre source, « le niveau scientifique a considérablement baissé dans le domaine clinique, au point que les salariés ne connaissent pas les pathologies.[16] »

La pharmacovigilance française serait devenue la risée de ses collègues européennes, tellement elle est « larguée ».

Et c’est à cette même agence que l’on est aujourd’hui réduit à s’en remettre pour « suivre » les effets secondaires des injections anti-Covid !

La seconde chose, c’est que cette toute-puissance de l’industrie pharmaceutique française paraît presque « gentille » comparée aux multinationales comme Pfizer.

Si Anne Jouan et Le Figaro ont, il y a une douzaine d’années, bataillé comme des fous pour livrer la vérité au sujet des effets secondaires du Mediator et des méthodes crapuleuses de Servier… qui aujourd’hui serait capable d’effectuer le même travail sur des produits dont l’injection a été décidée par les gouvernements des pays les plus riches de la planète ?

A force de ténacité et de foi, des personnes comme Irène Frachon et Anne Jouan ont réussi à faire triompher la vérité au sujet d’un médicament français, en France.

Mais combien d’Irène Frachon, combien d’Anne Jouan et combien de Pr Riché dans le monde faudra-t-il pour que les effets réels des injections anti-Covid soient un jour rendus publics dans les journaux, leurs victimes indemnisées, et la responsabilité des gouvernements reconnue ?

Portez-vous bien,

Rodolphe Bacquet

[1] RTSinfo.ch (12.04.2013). Le Mediator a causé la mort de 1500 à 2100 personnes, selon un rapport. https://www.rts.ch/info/monde/4814765-le-mediator-a-cause-la-mort-de-1500-a-2100-personnes-selon-un-rapport.html#:~:text=Selon%20un%20rapport%2C%20le%20Mediator,dues%20%C3%A0%20ce%20m%C3%A9dicament%20controvers%C3%A9.

[2] Jouan A, Riché C (2022). La Santé en bande organisée. Robert Laffont, Paris (France). EAN : 9782221262511. pp.34-36

[3] Ibid, P.54

[4] Ibid, P.173

[5] Ibid, P.208

[6] Ibid, P.132

[7] Ibid, P.121

[8] Ibid, P.122

[9] Ibid, P.168

[10] Ibid, P.171

[11] Ibid, P.272

[12] Ibid, P.218

[13] Ibid, P.259

[14] Ibid, Pp.298-299

[15] Ibid, P.280

[16] Ibid, P. 2080