Chers amis,

Le père d’un ami, qui a fait une rechute métastasée d’un cancer de la prostate, reçoit actuellement un traitement hormonal fort répandu dans les hôpitaux français.

Il s’agit d’une technique visant à baisser au maximum le taux de testostérone du patient.

Ce traitement est problématique à deux égards :

  • Il affaiblit la forme physique et morale des malades ;
  • Il repose sur un vieux dogme médical remis en cause depuis quelques années, qui associe un taux de testostérone élevé à une augmentation des risques du cancer de la prostate.

Cette étude de 1941 a déterminé toute la politique en matière de cancer de la prostate

La testostérone n’a rien de « dangereux » en soi, j’imagine que vous le savez.

C’est une hormone de la famille des androgènes qui détermine la différenciation sexuelle entre les hommes et les femmes : le développement du pénis, la pilosité, la voix grave de l’homme…

Mais ce n’est pas le seul rôle des androgènes, qui contribuent aussi à maintenir la masse musculaire ainsi que les fonctions cognitives (raison pour laquelle une réduction médicale de la testostérone « ramollit » le corps et l’esprit du patient).

Deux médecins, Huggins et Hodges, ont reçu le prix Nobel en 1941 pour avoir montré une relation entre adénocarcinome de la prostate et testostérone.

Dans leur étude, réduire la testostérone était associée à un recul de ce cancer ; en injecter, à une progression de la maladie[1].

Cette étude a déterminé toute la politique en matière de cancer de la prostate et testostérone pendant plusieurs décennies.

Or des études récentes ont fait apparaître les faiblesses de cette approche.

Un peu de logique…

Vous le savez peut-être, les taux de testostérone baissent chez un homme tout au long de sa vie.

D’après les conclusions de l’European male aging study, portant sur 3200 hommes âgés de 40 à 79 ans, ce taux diminue en moyenne de 0,4% à 1,3% par an[2].

Chez l’homme, une cellule est spécialisée dans la production de testostérone : la cellule de Leydig (située dans les testicules). Or, entre 18 et 80 ans, le nombre de ces cellules chute spectaculairement : de 7 millions à l’âge de 18 ans, elles ne sont plus que 2 millions à 80 ans. Cette « chute » s’accélère à partir de la quarantaine[3].

En somme, la production naturelle de testostérone est à son niveau le plus bas après 60 ans… précisément au moment où les cancers de la prostate, eux, explosent.

En restant logiques on aurait tendance à conclure de cette observation que moins de testostérone provoquerait, en réalité, plus de cancers de la prostate…

…confirmée par des études récentes

Eh bien figurez-vous qu’une telle hypothèse a été confirmée par des études récentes[4]qui vont à l’opposé de l’hypothèse de Huggins et Hodges : un taux de testostérone trop bas augmenterait le risque du cancer de la prostate.

On est en plein mystère : comment se fait-il que la majorité des médecins tiennent fermement à la thèse Huggins et Hodges, et oeuvrent à réduire le taux de testostérone de leurs patients cancéreux, alors que des études de plus en plus étayées affirment l’exact contraire ?

Je n’ai pas de réponse à cela.

Le mystère s’épaissit encore : plusieurs autres études ont démontré que les hommes ayant subi une ablation de la prostate après un cancer, et prenant de la testostérone, ne font pas plus de récidive ni n’ont un taux de mortalité supérieure que les autres[5],[6].

Et j’ai gardé le meilleur pour la fin : sur un patient atteint d’un cancer de la prostate avancé ou agressif de la prostate, et qui ne répond plus aux traitements classiques, l’administration de testostérone aurait, ont établi certains chercheurs, des effets positifs : elle rendrait la tumeur plus sensible au traitement et ralentirait sa progression, prolongeant sa survie[7] !

« Rodolphe, vous n’êtes pas médecin »

Je ne suis pas médecin.

C’est ce qui me permet d’émettre de telles interrogations justement, sur des bases purement scientifiques j’y insiste.

Un médecin français qui prendrait publiquement de telles positions, m’a confirmé un de mes amis médecin, risquerait d’être « radié » de l’Ordre, où l’interaction testostérone / cancer de la prostate est un dogme absolu.

Lorsqu’ils réduisent les taux de testostérone de leurs patients atteints d’un cancer de la prostate, les médecins sont évidemment animés de bonnes intentions.

Mais ils font un pari incertain. Inutile d’après un nombre croissant de chercheurs, dangereux pour les plus « remontés » contre cette pratique.

Je vous invite à lire un rapport récent de la très respectée Revue Médicale Suisse, qui dit :

« L’affirmation selon laquelle la testostérone stimule la croissance du cancer de la prostate a été réévaluée au regard des connaissances scientifiques actuelles. A ce jour, aucune étude n’a pu démontrer que de rétablir le niveau sérique de testostérone totale dans des valeurs physiologiques entraînait une augmentation de l’incidence du cancer de la prostate chez des patients initialement hypogonades.[8] »

Dans les sources que je cite ci-dessous, vous constaterez que bien des chercheurs vont dans le même sens.

Je résume : baisser artificiellement les taux de testostérone chez des cancéreux de la prostate
– est de plus en plus contesté si l’on prend le critère du gain d’espérance de vie du patient,
– dégrade de manière incontestable, et forte, la qualité de vie du même patient.

Cela devrait suffire, à mon sens, à susciter une remise en question sérieuse. Au sein du corps médical mais aussi au plus haut niveau de nos autorités de santé !

Portez-vous bien,
Rodolphe


[1]Huggins C, Hodges CV. “Studies on prostatic cancer. I. The effet of castration of estrogen and of androgen injection on serum phosphatase in metastatic carcinoma of the prostate”. Cancer Res 1941;1:293

[2] WU Frederic et al., “ Hypothalamic-Pituitary-Testicular Axis disruptions in older men are differentially linked to age and modifiable risk factors : The European mal aging study” , The Journal of Clinical Endicronology and Metabolism, Volume 93, Issue 7, 1 July 2008, Pages 2737–2745, https://doi.org/10.1210/jc.2007-1972, disponible sur :
https://academic.oup.com/jcem/article/93/7/2737/2598963

[3] KALER LW, NEAVES WB. “Attrition of the human Leydig cell population with advancing age” Anat Rec. 1978;192(4):513-518. doi:10.1002/ar.1091920405, disponible sur :
https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/736271/

[4] Pourmand G, Salem S, Mehrsai A, et al. “The risk factors of prostate cancer: a multicentric case-control study in Iran”. Asian Pac J Cancer Prev. 2007;8(3):422-428., disponible sur :https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18159981/

[5] Imamoto T, Suzuki H, Fukasawa S, et al. “Pretreatment serum testosterone level as a predictive factor of pathological stage in localized prostate cancer patients treated with radical prostatectomy”. Eur Urol. 2005;47(3):308-312. doi:10.1016/j.eururo.2004.11.003,disponible sur : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/15716191/

[6] Kwon T, Jeong IG, You D, et al. « Effect of prostate size on pathological outcome and biochemical recurrence after radical prostatectomy for prostate cancer: is it correlated with serum testosterone level?” BJU International. 2010 Sep;106(5):633-638. DOI: 10.1111/j.1464-410x.2009.09182.x.,disponible sur : https://europepmc.org/article/med/20067448

[7] Prout, G.R., Jr. and Brewer, W.R. (1967),” Response of men with advanced prostatic carcinoma to exogenous administration of testosterone”. Cancer, 20: 1871-1878. , disponible sur :https://acsjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/1097-0142%28196711%2920%3A11%3C1871%3A%3AAID-CNCR2820201112%3E3.0.CO%3B2-D

[8]  VAUCHER Laurent et al., «  Testostérone et prostate » Rev Med Suisse 2011; volume 7. 2399-2403Rev Med Suisse 2011; volume 7. 2399-2403, disponible sur :
https://www.revmed.ch/RMS/2011/RMS-320/Testosterone-et-prostate
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