Chers amis,
Les archéologues qui, dans quatre ou cinq siècles, essaieront de comprendre comment nous autres, hommes et femmes de 2023, exprimions nos sentiments et nos pensées, n’auront pas la tâche facile.
Mettez-vous une minute à la place de cet archéologue : pour toutes les décennies précédentes, vous pouvez dénicher dans des archives publiques ou privées de vieux papiers éloquents – voire des parchemins ou des tablettes d’argile en ce qui concerne les siècles et même les millénaires passés.
Chaque carton, dossier ou liasse de papiers que vous ouvrez, vous plonge immédiatement dans un quotidien depuis longtemps révolu, et témoigne de façon tangible d’émotions éprouvées par des êtres humains comme vous, ayant foulé la terre comme vous, en laissant ces traces fragiles de leur passage.
Mais, pour les années 2020… vous, archéologue du futur, ne trouvez quasiment plus rien : les « traces » des émotions des habitants de cette époque tout comme de leurs pensées ont pour l’essentiel été effacées comme un disque dur qui a grillé, ou que l’on a formaté.
Et pour cause : la plupart des mots doux ou réflexions que s’échangent les gens d’aujourd’hui se font par SMS, messagerie type Telegram ou Whatsapp, sans parler des réseaux sociaux.
À de rarissimes exceptions près, rien de tout cela ne survit au support numérique : les messages disparaissent généralement avec le smartphone qui les a envoyés ou reçus, et ils disparaissent dans le néant.
Mémoire individuelle et mémoire collective
C’est le grand paradoxe de notre époque : le numérique permet la sauvegarde d’une mémoire collective et patrimoniale à une échelle stupéfiante dans l’histoire de l’humanité, mais la mémoire intime de cette même humanité disparaît désormais avec une facilité et une rapidité désarmantes.
Sous l’impulsion des GAFAM, des archives nationales gigantesques et des collections considérables sont scannées et enregistrées dans le monde entier : c’est Google qui a, pour l’essentiel, numérisé le fonds de la Bibliothèque Nationale de France[1].
Des scans d’ultra haute définition permettent de sauvegarder l’apparence de découvertes archéologiques menacées de disparition voire d’en créer des répliques, comme la grotte de Lascaux[2] ou des tombes antiques de pharaons[3].
Parallèlement à ces prodiges de sauvetage patrimonial que permet la technologie contemporaine, cette même technologie précipite nos existences d’aujourd’hui dans une fugacité et une obsolescence accélérées.
Prenez un objet aujourd’hui omniprésent dans nos existences : l’image.
La photographie et la vidéo se sont non seulement démocratisées, mais banalisées et vulgarisées : notre rapport à l’image est devenu aussi compulsif que jetable.
Nous pouvons prendre des dizaines de photos par mois, mais combien en reverrons-nous encore dans cinq ans, si tant est que nous les ayons gardées ?
Il y a encore vingt ans, avant le déferlement du tout numérique, prendre des photos était une pratique accessible à tous, mais encore ritualisée : il fallait mettre une pellicule dans son appareil, puis l’apporter à un spécialiste pour la faire développer et obtenir des tirages.
C’était plus long, plus coûteux aussi (quoique, quand on voit aujourd’hui le prix de certains smartphones..) mais cette rareté et ce temps conféraient de fait une plus grande valeur à la photographie, que l’on plaçait respectueusement dans un cadre, ou dans un album dédié.
Combien d’entre nous, aujourd’hui, faisons l’effort de faire faire des tirages de nos photos, ou de constituer un album ?
Elles s’entassent dans des téléphones, des cartes mémoire voire des « clouds » que la plupart d’entre nous ne consultons que rarement ; et lorsque, pris d’une bonne résolution, nous entreprenons d’en faire le tri, nous reculons ou renonçons face à l’ampleur de la tâche.
L’instantanéité sidérante de l’image en a fait un objet de grande consommation, vite périssable, sans plus guère de valeur ni de mémoire.
Cette accélération de l’oubli de notre vécu, de notre intimité, est encore plus spectaculaire pour l’écrit.
Les lettres d’amour de nos grands-parents
Regardez cette lettre d’amour de Léon Bloy à « sa Jeannette », qui a près de 200 ans :
Lettre d’amour de l’écrivain Léon Bloy à la jeune Danoise Johanne Charlotte Molbech en 1889.
Cette lettre, comme celle de d’autres grands écrivains, ont été rassemblées il y a dix ans dans un recueil[4]. Elles nous font entrer dans le cœur de personnalités des XIXe et XXe siècles ; je trouve certaines bouleversantes.
Dans ma famille, nous avons gardé quelques-unes des lettres échangées entre certains de mes arrière-grands-parents et grands-parents, notamment au moment des deux guerres mondiales.
Ces lettres, qui sont parfois des lettres d’amour échangées entre des êtres séparés par une incertitude et des difficultés difficilement imaginables aujourd’hui, sont un témoignage inestimable de l’histoire de notre famille.
Ces documents poignants me rapprochent de façon troublante de personnes qui me sont à la fois inconnues et familières.
Je pense aujourd’hui aux petits-enfants et aux arrière-petits-enfants des soldats engagés sur le front russo-ukrainien : auront-ils accès à des témoignages aussi vivants de l’expérience terrible qu’ont vécu leurs aïeux ?
Je l’ignore, mais comme tout laisse à croire que les échanges en Europe de l’Est se font en majorité, comme en Europe de l’Ouest, par smartphones, il est vraisemblable que cette histoire intime – celle des familles – va partir en fumée en même temps que celles et ceux qui l’ont traversée.
Les lettres manuscrites traversent plus facilement les décennies que les « clouds » associés à un compte, les mémoires internes de téléphones portables ou d’ordinateurs.
Le vécu intime de nos grands-parents, qui, il y a un siècle, n’avaient accès qu’à des outils de communication dont la technologie nous parait dérisoire à présent – du papier, de l’encre, éventuellement (mais rarement) des photographies – est parvenu plus facilement jusqu’à nous, que notre vécu intime hyper-numérisé ne pourra le faire, à nos propres petits-enfants, dans cent ans.
Regardez comme il est compliqué, aujourd’hui déjà, d’accéder aux documents que vous avez enregistrés sur disquette dans les années 1990 et jusqu’au début des années 2000.
Avez-vous enregistré des documents sur disquette ? Que sont-ils devenus ?
Cette mémoire-là est, pour l’essentiel, « piégée » par l’incoercible évolution technologique, qui rend caducs les supports apparus comme à la pointe il y a ne serait-ce que dix ans.
Alors, je ne suis pas naïf, je sais que l’écrasante majorité des lettres du passé ont fini soit dans une poubelle, soit dans les cendres d’une cheminée. Le quotidien, les nettoyages de printemps, les tris après un déménagement ont fait, dans chaque famille, leur œuvre.
Celles qui nous sont parvenues n’ont pu le faire que par le truchement d’une attention particulière, soit à l’inverse par accident.
Mais justement. Pour que ces témoins du passé arrivent jusqu’à nous, il a fallu qu’ils surnagent de ce grand et nécessaire débarras qui a brassé un volume inimaginable de papiers et de photos ayant fini à la déchetterie.
Or aujourd’hui qu’est-ce qui peut surnager des lettres que nous n’écrivons plus, et des photos que nous ne faisons plus tirer ?
Rien, ou presque.
Ce gâchis ne pénalisera pas seulement nos petits-enfants et nos arrière-petits-enfants, pour lesquels nous serons d’aussi énigmatiques individus que le sont pour nous nos ancêtres de l’âge de pierre : il nous pénalise déjà, nous, vivants, maintenant.
Qui écrit encore des lettres ?
Le courrier manuscrit, sous toutes ses formes – de la carte postale à la lettre d’amour – est aujourd’hui « vintage », le mot gentil pour « ringard ».
Les services postaux sont aujourd’hui davantage occupés à livrer des colis Amazon ou des factures, que des lettres.
En France, La Poste a pris acte de cette raréfaction du courrier manuscrit en supprimant, depuis le début de cette année, le timbre rouge (je vous en avais parlé ici).
Cette suppression est accompagnée d’une désarmante « innovation » de La Poste : un service d’impression du contenu de votre courrier que vous aurez donc envoyé au préalable par mail sur le site[5] ! Pour la garantie du respect de votre vie privée, vous repasserez…
Cette absurdité n’est qu’un impact de tir de plus sur une ambulance : les gens s’écrivent de moins en moins de lettres, c’est ainsi. À la place, ils s’écrivent au mieux des e-mails, ou font des visio-conférences, ou s’enregistrent des messages audio.
Et je fais partie du lot. Je suis le premier à envoyer des messages vocaux à ma compagne, à faire des appels vidéo avec mes parents et, évidemment, à rédiger des e-mails… ce que je fais en ce moment même.
Tout cela est formidable. Je le dis sans ironie.
Mais qu’en restera-t-il ? À peu près rien. Peut-être certains e-mails survivront-ils à la clôture de la boîte mail, d’accès de toute manière privée, de leur auteur ou destinataire ; pour le reste nous sommes entrés de plain-pied dans cette ère d’instantanéité fugace dont je vous parlais plus haut.
Étrangement, et de façon assez touchante en vérité, les dernières personnes à s’écrire des lettres de nos jours, sont les enfants.
Et de façon très symbolique, ces lettres sont avant tout des lettres d’amour. Des lettres de premier amour.
Il y a deux ou trois ans, le journal Le Parisien a consacré un article[6] à la « collection » qu’avait commencé à former une écrivaine, Morgane Pellennec, de lettres d’amour écrites par des enfants à d’autres enfants, âgés entre 4 et 13 ans.
C’est une collection de déclarations attendrissantes et maladroites, comme celle de Ruben adressée à Maëlie : « Quand je te vois mon cœur bat plus que jamais, comme quand on fait une dictée et que j’ai oublié de réviser ou qu’il y a des hamburgers-frites à la cantine ».
Mais il n’y a pas que le texte qui est émouvant : il y a aussi, justement, la forme de la lettre – en l’occurrence celle d’un cœur (visible sur la page du Parisien que j’ai indiquée en source).
Morgane Pellennec a rassemblé sa collection de lettres d’amour d’enfants dans un recueil publié chez Albin Michel, en 2021[7].
Il est touchant de voir que les enfants, dès qu’ils ont appris à écrire, écrivent des lettres, et des lettres d’amour.
Cet acte n’est jamais anodin. Il est l’expression singulière d’une vérité intime ; je me souviens de ma gêne profonde, et même du sentiment de trahison, quand mes parents ont un jour, en vidant mon cartable, trouvé la déclaration d’amour que je destinais à une camarade de classe, Fanny, âgée de dix ans comme moi.
Une lettre d’amour, pour un enfant comme pour un adulte, est une façon de mettre son cœur à nu, qui n’a pas vraiment d’équivalent.
Mais, après les adultes, les enfants perdront sans doute l’élan spontané d’écrire des lettres : l’enseignement de l’écriture cursive – c’est-à-dire l’écriture manuscrite, avec les lettres tout attachées – est en déclin : aux États-Unis, déjà deux tiers des étudiants sont incapables de l’écrire ou de la lire, et certains pays comme la Finlande l’ont abandonnée au profit du seul apprentissage de l’écriture via un clavier[8].
Il ne tient qu’à nous que les lettres d’amour de nos grands-parents ne soient pas, un jour, aussi indéchiffrables que les hiéroglyphes le furent avant Champollion.
Et nous pouvons contribuer à cet effort, en faisant plaisir à quelqu’un.
Si vous l’aimez, écrivez-lui
Recevoir une lettre d’un ami, d’un parent ou d’un être aimé – et, naturellement, en écrire – est de plus en plus une expérience sacrifiée sur l’autel de cette immédiateté appréciable sur le moment, mais promis à un oubli quasi-définitif.
De quoi nous privons-nous en faisant ce sacrifice ?
Du plaisir de trouver un matin, dans sa boîte aux lettres, une enveloppe qui ne contient ni une réclame, ni une facture.
De l’excitation de la décacheter. De la curiosité de déplier les feuillets qu’elle contient.
Peut-être, avant même de lire la lettre, reconnaissez-vous l’odeur de la personne qui a passé un moment à la tenir sous ses doigts, pour la noircir.
Et, en la lisant, vous ne lisez pas des caractères d’imprimerie : vous reconnaissez, dans la façon dont la bille ou la plume du stylo a tracé ces mots, l’allure de votre correspondant. Sa personnalité s’exprime dans la densité de ses lignes, dans les points de ses i, dans les boucles de ses « b », de ses « h » et de ses « j ».
Une telle lettre, autrefois si courante, est bien davantage qu’un texte : c’est un objet portant l’empreinte indélébile de celui ou celle qui s’adresse à vous, de son état d’esprit, de ses sentiments au moment précis où il a consacré ces minutes voire ces heures, à vous.
C’est un cadeau. Une expression quasi-charnelle du lien que vous entretenez avec votre correspondant. Vous la conserverez, la relirez peut-être le lendemain ou dans 10, 20 ou 30 ans ; ou bien au contraire vous la déchirerez de rage (il y a aussi des lettres de rupture !) ou demanderez à la brûler après votre mort.
Il y a, dans la lettre manuscrite, à la fois plus un plus grand don de soi, de son temps, et une sincérité qui s’expriment au-delà des mots seuls.
Écrire une lettre, aujourd’hui, est autant un acte de résistance, que d’amour.
Si vous aimez quelqu’un, écrivez-lui.
Et vous, écrivez-vous encore des lettres ? Je lirai avec plaisir vos témoignages en commentaire.
Portez-vous bien,
Rodolphe Bacquet
[1] Denis BRUCKMANN et Nathalie THOUNY, « La numérisation à la Bibliothèque nationale de France et les investissements d’avenir : un partenariat public-privé en actes », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 2012,. https://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2012-04-0049-010
[2] « Lascaux : la première réplique intégrale de la grotte ouvrira le 15 décembre », Franceinfo, 2016, https://www.francetvinfo.fr/culture/patrimoine/lascaux-la-premiere-replique-integrale-de-la-grotte-ouvrira-le-15-decembre_3313827.html
[3] « Remaking Egypt : the ressurection of the tomb », service d’impression 3D, http://fr.insta3dp.com/info/remaking-egypt-the-resurrection-of-the-tomb-o-79272715.html
[4] Laurence Houot, « Piaf, Cocteau, Prévert, Napoléon… leurs lettres d’amour dans un beau livre », Francetvinfo.fr, octobre 2013
[5] Rodolphe Bacquet, « Suppression du timbre rouge : le coup de génie de La Poste », Alternatif Bien-Être, 26 juillet 2022, https://alternatif-bien-etre.com/alimentation/suppression-du-timbre-rouge-le-coup-de-genie-de-la-poste/
[6] Elise Viniacourt, « Paris : elle recherche des lettres d’amour… écrites par des enfants », Le Parisien, 24 août 2020, https://www.leparisien.fr/paris-75/paris-elle-recherche-des-lettres-d-amour-ecrites-par-des-enfants-24-08-2020-8372499.php
[7] Morgane Pellennec, « Tu n’es pas belle, tu es pire ! », Albin Michel, 3 février 2021, https://www.albin-michel.fr/tu-nes-pas-belle-tu-es-pire-9782226457318
[8] « L’écriture cursive est-elle vouée à disparaître? », Slate.fr, 21 septembre 2022, https://www.slate.fr/story/233890/disparition-ecriture-cursive-manuscrite-etudiants-histoire-technologie
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Oui j aime ecrire a mes enfants et petits enfants pour l anniverdaire c est un plaisir j ai 3 enfants et 7 petits enfants donc je fait du courrier je vais continuer et cela lors plaît merci de votre lettre
Bravo Rodolphe,
J’ai lu votre lettre jusqu’au bout, vous écrivez très bien et ce que vous relatez est touchant et tellement vrai ! Cela fait réfléchir.
Cordialement.
Marie
J’ ai 75 ans. Je suis retraitée de l’éducation nationale; et j’ai un petit-fils de 9 ans qui éprouve des difficultés en français; j’aimerais pouvoir l’aider , mais c’est compliqué car il habite à 500 km de chez moi!
Alors, depuis quelques semaines, j’ai décidé de l’aider en correspondant avec lui par courrier:
il m’écrit un texte sur ce qu’il vit, et en retour, je lui envoie mes propres textes sur ma vie. En même temps, je lui corrige ses « fautes d’orthographe » (qui sont nombreuses!) et cela marche bien.
Je sens que les parents en sont touchés et ravis. Et je leur ai dit de bien conserver ce courrier. Mais que la poste est lente!!!
A tous les grand-parents qui vivent loin de leurs petits-enfants, je conseille de faire un échange de courrier; c’est bon pour le moral, et comme le dit Rodolphe, cela laissera des traces.
A tous ceux de mon âge (ou plus jeune!) qui se désolent je dis: n’abdiquons pas. nous avons des valeurs à transmettre : faisons-le par écrit
Courage à tous.
Magnifique et tellement
vrai.
Bonjour Rodolphe,
Oui, écrire à la main est une façon de mettre son cœur sur le papier….
Je suis d’une époque où l’apprentissage se faisait encore à la plume Sergent Major ou autre… Ah l’odeur de l’encrier! Le désarroi de se retrouver après tant d’efforts avec les doigts tachés d’encre violette…Mais aussi quel plaisir quand on avait réussi à créer le beau dessin d’une cursive…Et déjà l’arrivée du stylo bille avait causé une mini révolution, provoqué de forts mécontentements et une résistance chez des institutrices qui l’interdisaient….
Oui, oui à l’émotion de reconnaître une écriture avant d’ouvrir l’enveloppe… Oui au plaisir de lire ET relire des mots qui parfois expriment ce qui n’a jamais été dit ! Et qui est souvent si précieux….
MERCI de nous faire réfléchir et prendre conscience de ces changements si importants qu’ils sont en réalité des bouleversements sans retour. Et je me demande si dans d’autres cultures, d’autres écritures sont également vouées à cette évolution ….
Et finalement, en y réfléchissant, la disparition de cet apprentissage de l’écriture me paraît être une perte plus grave pour la dextérité manuelle qu’elle permet d’acquérir (et qui longtemps fut un privilège réservé à une élite), plus grave disais-je qu’un simple changement de mode d’expression.
Bonjour,
Il est vrai que de nos jours ça devient rare d’écrire des lettres. Néanmoins, cela fait 17 ans que je suis mariée à un homme formidable et je lui écris des lettres d’amour ou des poèmes . Nous les gardons et parfois les relisons et c’est magique comme sa donne du bonheur.
Merci cher Rodolphe, votre texte, non, votre lettre est magnifique ! Pleine de sensibilité,je suis touchée par la profondeur des sentiments que vous exprimez.Le regard clairvoyant que vous avez au sujet de l’évolution technologique de son impact délétère sur l’humain,la banalisation, la superficialité induite par l’immédiateté…
Bien à vous
Magnifique!
Nous voyons de nos propres yeux, ce en quoi nous voulons croire et ce en quoi on veut bien nous montrer ! Cependant sommes-nous conscient que les personnes qui ne connaissent pas les mêmes choses que nous, ne souffrent pas, puisqu’elles ne connaissent pas.
Les personnes qui souffrent sont des personnes attachées aux choses, à leur égoïsme, à leurs croyances, à leurs possessions et à leurs illusions.
La découverte de la
vie ne devrait pas avoir un goût de réchauffé pour pouvoir exister convenablement.
Oui, sommes une grande famille et la plupart d’entre nous écrivons encore nos vœux de fin d’année, d’anniversaire et de naissance sur de jolies cartes ‘postales’ – (conservées dans de jolies boîtes). Nous montrons ainsi l’exemple à la toute jeune génération qui a tendance à le faire par le net vite fait-bien fait ? et dont il ne restera pas de trace pour plus tard.
Comment vous remercier pour cet article parfait… C’est peu dire que je partage totalement votre avis, et que tout ce que vous exprimez, sur tout ce que nous sommes en train de perdre d’irremplaçable, perte immense que trop peu réalisent, je le ressens pareillement… La lettre manuscrite de Léon Bloy est bouleversante, et véhicule en elle, déjà sous forme de simple image, ce qu’aucun sms ou email ne saurait rayonner avec autant d’intensité. Comme une danse des pleins et des déliés sur la page, qui épouse au plus près la danse des sentiments…
Je suis d’une génération qui n’a connu le développement de l’ordinateur, puis du smartphone, que jeune adulte. Et je crois que c’est cela, la ligne de démarcation : avoir grandi sans la déferlante de ces “nouvelles technologies” est radicalement différent d’une l’enfance et d’une jeunesse passées dans l’envahissante compagnie de ce qui était censé rester un outil, et qui pourtant n’en finit pas de déborder dans nos vies. Avoir grandi “avant”, c’est avoir appris, avant tout, le temps, l’attente, et même le sens du vide et de l’absence. Tout ce temps passé à écrire, à attendre une réponse – « J’attends sa lettre au crépuscule… », écrivait d’émouvante manière Aragon -, puis, comme vous le rappelez, cet entre-deux si fort où l’on ne sait rien encore du contenu, où l’on décachète le cœur battant l’enveloppe pleine de promesses…
Avec la disparition des lettres, c’est toute une poésie d’être que l’on perd. Et même si un e-mail voire un sms peuvent garder, selon leur auteur(e), quelque chose de cette poésie-là, cela ne pourra jamais atteindre un tel degré d’intensité, comme si quelque chose d’impalpable s’évanouissait en même temps que le support… Et si poésie il y avait tout de même, oui, ce sera une poésie bien souvent perdue, matériellement aussi, sur ces supports volatils brassés par millions où l’inutile côtoie l’essentiel…
Pour moi, la main qui écrit est le prolongement direct du cœur, et cela, chatGPT ne pourra jamais le singer ! L’IA aura beau ramer pendant des siècles, rien ne remplacera notre fragile et belle humanité.
Je suis une épistolière compulsive (il y aurait de quoi en remplir des volumes entiers, comme au temps de Mme de Sévigné !), mais au fil des ans, ce n’est pas l’envie d’écrire des lettres à la main qui m’a quittée, mais mes correspondant(e)s qui ont disparu l’un(e) après l’autre dans le grand magma du numérique… Pourtant, je persiste… et je signe, chaque fois que je le peux, et ne serait-ce que pour une petite carte de-ci de-là. J’aime faire du « mail art », agrémenter mes enveloppes de collages, en harmonie avec le timbre… Je tiens à la créativité, à la liberté que la correspondance manuscrite permet. Je tiens à ce geste merveilleux de la main qui court sur la page, geste qui garde quelque chose de sensuel, autant que d’esthétique, geste dans le prolongement direct de notre être, sans l’intermédiaire de machines, d’ondes, de satellites… En tant qu’auteure, j’écris beaucoup, et toujours à la main, dans un premier jet, avant de passer au « tapuscrit » : j’aurais sinon l’impression que toujours un écran, au sens propre comme au figuré, s’immisce entre mon monde intérieur et son expression ; avec quelque chose une fois encore d’essentiel se perdant dans le processus… Je noircis des carnets que je trimballe partout ; prendre des notes sur un smartphone (que je n’ai d’ailleurs pas : juste un petit portable on ne peut plus « vintage » !) ? quelle horreur… Ces carnets, ce sont autant de mémoires vivantes, de cailloux semés sur le chemin… On peut prendre un caillou avec émotion entre ses doigts : pas un fichier numérique…
Ecrire à la main est clairement une forme de résistance. Une parmi toutes celles qu’il nous faut mettre en œuvre désormais – pour l’eau, l’air, pour la vie sur terre, pour une alimentation saine, une santé naturelle, pour la démocratie…
Plus nous serons de résistant(e)s, moins ce dont toutes les générations avant nous avaient compris l’infinie importance pourra disparaître !
A vos stylos, stylos-plume, feutres et autres crayons, citoyens, citoyennes !
Tout à fait d’accord. Rien ne valait les photos papiers d’avant, rares mais éternelles que les photos de nos portables que nous ne regardons jamais.
Bravo pour ce sujet Monsieur Bacquet!
J’ecris encore des cartes postales et j’ai gardé les lettres de mes arrières grands-parents et mes grands-parents. J’ai aussi fait un double et gardé les lettres échangées avec mon véritable premier amour. Il m’est arrivé de les relire et votre courrier me donne l’envie de les rouvrir.
Merci beaucoup!
Superbe !
Je parlais dernièrement avec un ami de la Beauté de ces lettres liées par un ruban, déposées au fond d’un tiroir…
Merci Rodolphe
Toit cela est vrai hélas ! Alors moi je retranscris dans un journal tout ce qui se passe dans la famille, pour la postérité. Mes enfants et petits enfants auront ainsi un héritage, des souvenirs. Pour les photos je tâche d’en avoir sur papier quelques unes par an. J’ai 75 ans et tout ceci me desole