Chers amis,

Si vous êtes comme moi, vous êtes encore sous le choc de l’adoption mardi dernier, en France, de la loi Duplomb, laquelle nous promet un avenir copieusement arrosé et imprégné de substances hautement cancérigènes et neurotoxiques (entre autres joyeusetés) en toute légalité.

Empoisonnés, mais légalement !

Jeudi, je vous écrivais une lettre dans laquelle je me demandais si les 316 élus ayant voté pour cette loi à l’Assemblée nationale étaient inconscients ou criminels.

La réponse est évidemment : les deux.

Mais, tout bien réfléchi, il y en a une autre, qui la complète : ils sont, également, stupides.

Ou bien, pour ne pas les définir par ce seul acte, disons qu’ils ont agi par bêtise.

Je ne les insulte pas ; la bêtise n’excuse pas leur vote, mais elle l’explique.

Et cette explication a été « prévue » par une règle qui, à mon avis, est en train de prendre une dimension de plus en plus décisive dans notre quotidien, et dans notre avenir : la règle dite du « rasoir de Hanlon ».

Malveillance ou stupidité ?

Depuis des mois, les agriculteurs criaient à l’aide.

Entre sécheresses, dettes, suicides d’exploitants, concurrence déloyale et normes européennes kafkaïennes (ces deux adjectifs étant presque devenus synonymes), ils n’en peuvent plus.

Que réclamaient-ils ?

Moins de contraintes. Davantage de flexibilité sur les intrants. Moins de contrôles jugés « humiliants ».

Alors nos 316 députés ont voté le texte de la loi Duplomb, croyant, peut-être sincèrement, répondre à cette détresse.

Était-ce la bonne réponse ?

Non.

Était-ce la réponse d’un politicien vendu aux intérêts de l’agro-industrie ?

Parfois, oui – ne nous leurrons pas.

Mais souvent… non !

Beaucoup ont agi par réflexe tribal, par discipline de groupe, par précipitation dans un calendrier parlementaire surchargé.

On peut estimer que, pour une bonne partie, peut-être pour la majeure partie de ces 316 députés, l’intention n’était pas de nuire à la santé publique…

… et ce, malgré la présence, le jour du vote, de médecins, de scientifiques et de représentants de la société civile tels Fleur Breteau, présidente du collectif « Cancer colère », qui les ont alertés sur la catastrophe sanitaire qu’entraînerait l’adoption de cette loi.

C’est là que le « rasoir de Hanlon » peut nous aider à comprendre ce qui s’est joué mardi dernier.

« Ne jamais attribuer à la malveillance ce que l’incompétence suffit à expliquer »

La règle du « rasoir de Hanlon » est un principe de raisonnement qui consiste à « ne jamais attribuer à la malveillance ce que la bêtise suffit à expliquer.[1] »


Elle invite à ne pas tirer de conclusions hâtives sur les intentions des autres.


Plutôt que de postuler une mauvaise volonté, le rasoir de Hanlon invite à envisager des causes plus simples comme l’oubli, l’ignorance ou une erreur.


Ce principe aide à éviter les malentendus et à adopter une posture plus bienveillante.


Il ne nie pas l’existence de la malveillance, mais suppose que cette dernière est l’exception plutôt que la règle ; la règle étant que l’être humain est « naturellement » plus stupide ou ignorant que malveillant.


Le rasoir de Hanlon est proche des autres « rasoirs » philosophiques (comme le célèbre rasoir d’Ockham) : il simplifie l’analyse d’un problème et permet d’aller à l’essentiel.


C’est un outil de discernement, qui favorise la tolérance et la prudence dans nos jugements.

Et, peut-être, la réparation.

La bêtise explique (sans doute) ce vote, mais peut-on s’en tenir là ?

Ainsi, si j’utilise le rasoir de Hanlon, j’admets que les 316 députés qui ont fait adopter la loi Duplomb ont agi par sottise plutôt que par malveillance.

Qu’en faisant adopter cette loi, ils ont cru de bonne foi soulager notre agriculture et nos agriculteurs… mais ont, en réalité, contribué à creuser un peu plus vite non seulement la tombe de cette agriculture et de nos agriculteurs – mais aussi la mienne, la vôtre, et même la leur !

Bref, qu’ils n’ont pas agi avec l’intention de faire le mal – ce n’est donc pas une théorie du complot… Mais que, en revanche, ils n’étaient de toute évidence ni suffisamment informés, ni surtout conscients de ce qui se jouait au-delà de leur satisfecit immédiat.

Le rasoir de Hanlon ne blanchit pas les responsabilités. Il nous rappelle simplement que la dérive ne vient pas toujours d’un projet malveillant mais de l’aveuglement, de l’incompétence, de la panique ou de la compromission molle.

Domaine dans lequel les hommes politiques excellent souvent hélas.

Ce vote est donc moins un complot contre la santé publique… qu’un désastre par paresse intellectuelle, démagogie et faiblesse politique.

Peut-on s’en tenir là ?

Non. Car le résultat est là.

Autoriser à nouveau un néonicotinoïde, alors même que l’EFSA (l’agence européenne de sécurité sanitaire) reconnaît que ces substances peuvent endommager le système nerveux et qu’elles persistent plusieurs décennies dans l’environnement, est gravissime.

C’est d’autant plus grave que plusieurs de ces pesticides ont été classés cancérogènes.

Et dans un pays, la France, où l’incidence des cancers continue d’augmenter – plus de 430 000 nouveaux cas en France sur la seule année 2023, dont une part croissante attribuée à des expositions environnementales ! – et où l’on détient les records d’Europe de cancers du sein et du pancréas, on attendait autre chose de nos représentants.

Ce n’est pas parce que 316 élus ont voté d’une façon stupide et dangereuse que nous devons nous en tenir là ; aussi je vous invite à signer et à partager cette pétition qui demande tant qu’il est encore temps le retrait de la loi Duplomb avant sa promulgation.

Hélas, trois fois hélas, le rasoir de Hanlon est un outil explicatif auquel nous allons selon toute vraisemblance devoir de plus en plus souvent recourir au cours des prochaines années et décennies.

Et cela est ettayé par des travaux venant de pays du monde entier, et dont je vous parlerai la semaine prochaine.

Portez-vous bien,

Rodolphe


[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Rasoir_de_Hanlon – « Rasoir de Hanlon » (fiche Wikipedia)