Chers amis,
Quelles que soient votre religion et vos opinions politiques – car il était, volontairement, un pape très engagé sur des questions sociales et politiques – la mort du pape François ce lundi ne vous a certainement pas laissé indifférent.
Je ne vais pas, ici, vous faire l’exégèse du pontificat de Jorge Mario Bergoglio, qui fut notamment archevêque de Buenos Aires avant d’être élu pape en 2013.
En revanche, je veux souligner un trait qui vous a peut-être, comme moi, frappé, concernant les circonstances et « l’agenda » de son décès.
Un décès attendu survenu dans des circonstances inattendues
Lorsque j’ai appris le décès du pape François, je me trouvais encore en Grèce, où j’ai passé le week-end de Pâques.
Cette année, comme le pape François l’a lui-même souligné la veille de sa mort, les Pâques catholiques et orthodoxes sont tombées à la même date.
Ma compagne et moi, en arpentant la petite île où nous avons passé ce week-end de fête, avons croisé dimanche dernier moult moutons en train de tourner à la broche, destinés à être dégustés en famille comme le veut la tradition pascale grecque.
Pendant la nuit de dimanche à lundi, j’ai été saisi d’une étrange angoisse latente. Au petit matin, nous sommes partis arpenter un site archéologique perché sur une colline rocailleuse, exposée littéralement à tous les vents.
Nous étions seuls sur ce site plusieurs fois millénaire, empreint de spiritualités successives – grecque, égyptienne, puis chrétienne, puisqu’il y avait là une « paléo-basilique » – sous un soleil éclatant, entourés par la mer Égée.
Et c’est en redescendant de cette colline que j’ai reçu « l’alerte » d’un site de presse indiquant la mort soudaine du Pape François, survenue à l’âge de 88 ans.
Comme vous sans doute, je m’attendais à une telle annonce… mais je m’y attendais il y quelques semaines ; c’est-à-dire au cours de sa longue séquence d’hospitalisations en février-mars pour les complications d’une pneumonie.
L’annonce de sa mort le lundi de Pâques est pourtant apparue inattendue dans la mesure où elle est survenue au lendemain d’une apparition publique remarquée.
À bord de sa papamobile, le pape François avait salué les fidèles sur la place Saint-Pierre. Il semblait aller… mieux !
Et, paradoxalement, c’est sans doute le fait qu’il semblait aller mieux qui explique sa disparition soudaine.
Une santé en sursis
Pour vous en expliquer la raison, il faut revenir sur l’état de santé du Pape François quelques semaines avant son décès, voire plus loin encore.
Le pape avait quitté l’hôpital le 23 mars dernier, après 38 jours d’hospitalisation pour une pneumonie bilatérale[1].
38 jours d’hospitalisation, c’est long. Trop long pour un homme aussi âgé et fragilisé.
On sait que cette infection respiratoire grave était survenue sur un terrain déjà très affaibli : troubles pulmonaires chroniques (il avait été atteint d’une pleurésie à l’âge de 21 ans et amputé d’une partie d’un poumon), fatigue extrême, assistance respiratoire.
Le voir revenir de l’hôpital vivant était une bonne nouvelle, mais plutôt une exception médicale, comme le souligne un infectiologue français :
« II a survécu à une pneumopathie terrible qui aurait dû l’emporter. Il a défié les statistiques, mais elles l’ont rattrapé. Le surrisque de mortalité dans le mois suivant une hospitalisation comme celle-ci est très important. »[2]
En réalité, c’est finalement un AVC après « un coma et une défaillance cardiocirculatoire irréversible » qui a emporté le pape[3], qui souffrait par ailleurs d’hypertension, un autre facteur de risque déterminant de l’AVC.
Or on sait qu’une pneumonie affaiblit considérablement le cœur et les vaisseaux. L’oxygénation du cerveau est altérée. Et même si le corps semble aller mieux – parce que les antibiotiques font effet, parce que l’inflammation baisse – le cerveau, lui, reste à risque.
Bref, d’un pur point de vue clinique, les causes de la mort du pape sont très claires, et même, pourrais-je dire, cousues de fil blanc.
Il n’en reste pas moins que les circonstances de sa mort restent étonnantes, parce qu’il semblait, je le répète, aller mieux.
Le « mieux avant la fin » : une amélioration trompeuse
Vous avez peut-être entendu parler du phénomène du rally before death, ou, en bon français, du « mieux avant la fin ».
Il s’agit d’une amélioration spectaculaire – mais brève – de l’état de santé d’une personne condamnée, juste avant son décès.
Ce phénomène est bien connu des soignants en soins palliatifs. Peut-être y avez-vous été confronté dans votre proche famille.
Il est assez spectaculaire, en particulier lorsqu’il s’agit de personnes atteintes de maladies neurodégénératives comme Alzheimer, qui, pendant quelques heures ou une journée, semblent redevenues « normales », telles qu’elles étaient avant la maladie.
Le « mieux avant la fin » peut donc être assez déconcertant ; et donner de faux espoirs… quand on ignore qu’il s’agit d’une ultime et surprenante résurgence de vitalité avant la mort.
Ce phénomène a pu – c’est mon interprétation – jouer un rôle dans les derniers jours du souverain pontife.
Son apparition « surprise », souriant, debout, sans ses canules à oxygène, le dimanche de Pâques, avait tout sinon du miracle, du moins de la confirmation rassurante qu’il était tiré d’affaire pour un moment.
Cependant, ceux qui l’ont observé de près ce jour-là ont noté un visage fermé, une voix presque absente, un souffle court[4]. François avait beau vouloir bénir la foule, c’est son collaborateur qui a dû prononcer l’Urbi et orbi à sa place.
Ce n’était pas une guérison.
C’était un adieu.
« C’est un plaisir de vous voir en meilleure santé »
Vous le savez peut-être, la dernière audience officielle qu’a accordée le pape moins de 24 heures avant son décès était pour James David Vance, le vice-président des États-Unis.
Cette ultime rencontre a fait couler d’encre, puisqu’on a même reproché à J. D. Vance d’avoir tué le pape (volontairement ou non)[5] !
Je laisse de côté les théories les plus abracadabrantes ; on peut estimer plausible le fait que cette rencontre avec un homme dont il combattait la politique ait épuisé les dernières ressources vitales du pape.
Ce qui m’intéresse ici, c’est un autre détail, qui a aussi beaucoup fait parler ; c’est le commentaire du vice-président adressé au pape : « C’est un plaisir de vous voir en meilleure santé »[6].
On a raillé le manque de clairvoyance du politique américain.
Je pense, plutôt, que J. D. Vance a été le témoin de ce « mieux avant la fin » au cours duquel, en effet, une personne très affaiblie et au seuil de la mort connaît un sursaut d’énergie et de lucidité.
Ce sursaut, cette façon de jeter ses dernières forces dans une ultime action, est compatible avec un autre phénomène bien connu en soins palliatifs.
S’autoriser à partir
Les soignants en soins palliatifs témoignent souvent que certaines personnes en fin de vie semblent littéralement retenir leur dernier souffle jusqu’à ce qu’un but soit atteint.
Il peut s’agir d’un anniversaire, de la naissance d’un petit-enfant, d’un pardon donné ou reçu, de la dernière occasion de voir et de s’entretenir avec un proche parent, d’une date symbolique…
Le corps tient bon, parfois contre toute attente médicale, comme s’il répondait à une force intérieure plus puissante que tous les indicateurs biologiques.
La personne devrait être déjà décédée, mais tient envers et contre tout jusqu’à un moment précis auquel elle s’autorise à partir.
Je suis certain que vous avez, dans votre histoire familiale ou amicale, été témoin d’une telle fin de parcours.
Une fois ce but atteint, cette attente comblée, ce cap franchi, le moribond s’autorise à lâcher prise.
Ce phénomène, mystérieux et bouleversant, nous rappelle que nous ne sommes pas seulement faits de chair et d’os, mais aussi de désirs, de liens, de sens – d’une âme, qui peut faire durer notre corps en dépit de la désagrégation de notre état physique.
Comment ne pas penser que ce phénomène a, dans le cas du pape François, joué un rôle déterminant ?
Pâques est la plus importante célébration de la tradition catholique, avant même Noël.
C’est la fête de la résurrection, de l’espoir, de la promesse d’une transcendance.
Je crois donc à titre personnel que le pape François a effectivement tenu jusqu’à cette date parce qu’elle comptait pour lui, pour les fidèles, et pour le message qu’il voulait faire passer à cette occasion.
Rester vivant jusqu’à ce moment précis semble être la dernière expression de sa volonté, de son amour ou de sa foi.
Ou des trois à la fois !
Portez-vous bien,
Rodolphe
[1] Vey Tristan, « Comment expliquer la soudaineté du décès du pape François », Le Figaro Santé, 21 avril 2025, disponible sur : https://sante.lefigaro.fr/medecine/comment-expliquer-la-soudainete-du-deces-du-pape-francois-20250421
[2] Ibid.
[3] « Mort du pape François : plusieurs facteurs ont pu précipiter l’AVC du souverain pontife », www.linternaute.com, 22 avril 2025, disponible sur : https://www.linternaute.com/actualite/personnalites/7777567-mort-du-pape-francois-plusieurs-facteurs-ont-pu-precipiter-l-avc-du-souverain-pontife/
[4] « Le Figaro », art. cit.
[5] Yataghene Maya, « Le vice-président américain J.D. Vance a-t-il tué le pape François ? », www.france24.com, 21 avril 2025, disponible sur : https://www.france24.com/fr/%C3%A9missions/info-ou-intox/20250421-le-vice-pr%C3%A9sident-am%C3%A9ricain-j-d-vance-a-t-il-tu%C3%A9-le-pape-fran%C3%A7ois
[6] « Malgré les critiques réciproques, le pape a reçu le vice-président américain JD Vance au Vatican », Le Temps avec l’AFP, 20 avril 2025, disponible sur : https://www.letemps.ch/monde/malgre-les-critiques-reciproques-le-pape-a-recu-le-vice-president-americain-jd-vance-au-vatican?srsltid=AfmBOopGlTBUb9DY23LX33KIK1y0aJFFjgXS_G0Zpm2Z0jFmVUdVSgDU
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Je suis pleinement d’accord et je l’ai vécu 2 fois mon père qui a attendu à l’hôpital Purpan de Toulouse que je revienne avec femme et enfant de Rome où j’étais installé pour mon travail avant de mourir sereinement et une autre fois en soin palliatif où une dame pratiquante de méditation transcendantale qui a attendu que sa famille divisée sur sa pratique soit réunie autour de son lit et à qui elle a pu faire ses adieux en paix totale (unité soins palliatifs à Bordeaux)
Merci pour vos articles bienveillants et vrais !
Borto
Je partage votre sentiment ,comme si ce sursaut avant la mort serait une » faculté de l’âme »…
MERCI pour ce bel hommage à notre cher Pape François !
Je me régale et bois vos paroles,,,je vous feste fidèle car en vous lisant je me sens comprise vous avez votre vérité et n1aime la partager oui il a été au bout et nous y avons je pense participer outre manière
Je suis entièrement d’accord avec vous, j’ai eu le même sentiment, j’ai eu l’occasion de le voir il y a quelques mois, dans ma belle famille..
tout a fait d’accord avec vous. Le pape a lutté pour accomplir sa mission jusqu’au bout,
c’est très beau.
Oui vous avez totalement raison dans votre analyse et merci d’en parler. Nous ne sommes pas seulement un tas d’os avec des chairs, mais aussi un esprit que l’on a beaucoup de mal à discerner. Un jour ou deux avant la mort, très souvent il y a comme un sursaut du corps comme pour dire un « au revoir ». Et, le plus surprenant : nous avons connu ce phénomène avec une chatte (très proche de nous) après 3 semaines de maladie grave. Elle avait repris ses habitudes comme si elle était guérie ! Les animaux sont-ils comme nous ? La culture indienne pourrait peut-être y répondre ?
Je suis tout a fait d’accord! A ce moment la ,j’ai fait la remarque a ma femme. Personnellement, Je me BAT pour tenir le coup. J’ai 82 ans et 3 vieux chiens.Je ne voudrais pas mourrir avant eux. C’est tout.Ca peut paraitre ridicule, mais.
Complètement d’accord avec vous ! ‘j’avais suivi le même raisonnement que vous ! Il a tenu à mener sa mission jusqu’au bout et s’est autorisé
à s’abandonner à son destin. Je trouve cela très beau !
Oui, il est connu que les personnes en fin de vie ‘tiennent’ jusqu’à un événement particulier (anniversaire, naissance dans la famille, procès,…).
Je suis tout à fait d´accord avec vous .
Mon mari atteint d´un cancer du poumon et en soin paliatif a eu un regain de vie la veille de son décès, il a passé la journée à mes cotés, a voulu manger et avait retrouvé le sourire , une amie était venu lui dire bonjour et a même trouvé qu´il allait bien….et le lendemain soir son état s´est aggravé et il est décédé le lendemain matin
Je n´oublierai jamais ce dernier moment ….
Mon papa qui avait la maladie
d´Alzeimer , m’a regardée 2 jours avant son décès et m´ a dit : merci ….
Merci pour votre réflexion
Je pense pour ma part qu’il s’agit d’une mort programmée, que ce pape était mort depuis longtemps déjà….nous sommes manipulés jusque là. Vous décrivez très bien tous les symptômes de sa maladie, comment un homme de 88 ans aurait-il pu résister à tant de maux? Une « résurrection » provisoire? je n’y crois pas. Tout cela n’est que mensonge, comme tout le reste. Et quelle hypocrisie de déclarer des hommages par tous ces gouvernants qui sont athés (en particulier celui qui nous gouverne) et qui plus est font partie de la franc-maçonnerie. (comme ce pape????)
Je partage complètement ces interprétations de la fin de vie du pape
Bonjour Monsieur Bacquet, j’adore vos articles, je partage complètement votre interprétation, merci beaucoup.
je suis tout a fait d’accord avec cet analyse