Chers amis,


Il y a quinze ans, j’ai passé un été à Menton, à la frontière italienne.


Pour le petit-déjeuner, mon amie et moi nous offrions régulièrement le
plaisir d’associer les croissants au beurre français, que nous achetions
dans une bonne boulangerie de Menton, et que nous allions manger à
Vintimille… avec un café italien.


Viennoiseries françaises et café italien : nous avions le meilleur des deux
mondes.


Les clichés ont toujours une part de vérité, ce qui ne nous empêche pas de
les remettre en question et de les discuter ; pour ma part, mon expérience
confirme régulièrement que les croissants ne sont jamais meilleurs qu’en
France et le café, jamais meilleur qu’en Italie !


Mais pourquoi ?


La Nonna sait faire un bon café


Je laisse la question du croissant de côté : c’est un plaisir gourmand
auquel je ne cède que très occasionnellement. C’est très bon, mais c’est
une réelle catastrophe d’un point de vue nutritif et métabolique.


Le café, lui, se défend du point de vue santé, même si pour profiter de ses
bienfaits et limiter le risque d’addiction , il convient d’observer quelques
règles simples.


Pour ma part, je ne bois pas tous les jours du café, mais lorsque j’en bois,
je suis très exigeant. J’aime le café noir (je le bois sans sucre ni lait), fort,
aromatique, complexe.


C’est pour cela que lors de mes excursions en Italie, j’en bois tous les
jours, voire plusieurs fois dans la journée, tant je les trouve bons…


… et que lorsque je reviens en France, je suis déçu, voire dégoûté, par le
liquide marronnasse qu’on m’amène trop régulièrement dans une
tasse.


Désolé si je vous parais snob ou méprisant. Évidemment, cela dépend en
grande partie de l’établissement dans lequel on commande un café, mais
dans l’ensemble, soyons honnêtes : on court beaucoup plus le risque de se
voir servir un café insipide voire infâme en France qu’en Italie.


On dirait vraiment qu’un mot comme « expresso » ne recouvre pas du tout
la même réalité en Italie et en France !


Eh bien, vous savez quoi ? C’est le cas. Si le café italien est objectivement
meilleur que le café français (je parle du français, mais je pourrais tout
aussi bien parler de l’anglais, pire encore, ou de l’allemand…), c’est parce
qu’il est différent.


Les trois secrets du café italien


Le caféier ne pousse pas sur le sol italien. Nos voisins transalpins sont
donc, comme nous, obligés de l’importer.


C’est une fois que le café est sur leur sol qu’ils le traitent d’une manière
spécifique.


D’aucuns disent que la qualité du café italien tient à la qualité de l’air et
de l’eau ; cela me semble peser peu dans la balance.


En réalité la spécificité du café italien tient à 3 secrets :

  • La torréfaction ;
  • La dose et le tassage du café dans la préparation ;
  • La pression et la température de l’eau

Une torréfaction plus poussée


Si, dans des cafés ou restaurants, vous avez l’occasion d’observer les
grains de café d’une machine italienne et d’une machine française, vous
constaterez que les grains de café n’ont ni la même couleur, ni la même
texture.


Les grains ne sont pas torréfiés de la même façon, tout simplement : la
torréfaction italienne dure plus longtemps, et se fait à plus haute
température.


C’est pourquoi les grains de café sont très sombres, presque noirs, et ont
une apparence huileuse (de fait le café « transpire » et fait ressortir
davantage d’huile), tandis qu’ailleurs (comme en France) ils sont plutôt
marron et secs[1].


Cette différence de torréfaction a plusieurs avantages : elle permet de
réduire l’acidité de l’arabica, mais aussi de développer davantage les
arômes.

Au printemps dernier, j’ai acheté un paquet de café chez un torréfacteur
artisanal à Trieste, la capitale italienne du café (c’est notamment le fief de la marque Illy) : jamais de ma vie je n’avais respiré un arôme de café aussi exquis. Son parfum a embaumé mon sac, et plusieurs semaines après mon retour à la maison, je pouvais encore le sentir en l’ouvrant !


En Italie, il est encore courant de trouver des torréfacteurs artisanaux.
Presque plus en France, où quasiment tous les cafés sont torréfiés
industriellement.


La dose ne fait pas que le poison : elle fait aussi le bon ou le
mauvais café !


Pour réussir un « jus de chaussette », c’est très simple : peu de café,
beaucoup d’eau. C’est pourquoi, à titre personnel, je trouve le café
américain absolument imbuvable.


Les Italiens sont très à cheval sur les doses quand ils préparent un café.


Si vous avez déjà pris un espresso au comptoir en Italie, vous aurez
remarqué que le liquide n’occupe qu’environ un tiers de la tasse.


Un « expresso », en France, remplit la quasi-totalité de la tasse, à taille
égale.


En fait, l’espresso italien (100 % arabica, ou 50 % arabica, 50 % robusta)
est calibré pour 30 ml, et utilise 16 à 20 grammes de café moulu. En
France, on utilise le même grammage de café moulu, pour… deux fois plus
d’eau : un « expresso » peut atteindre 60 ml.


Bref, plus de café, torréfié plus longtemps, plus tassé, avec moins d’eau.
Règle arithmétique de la qualité du café iItalien.


Tout le monde n’a pas une machine à expresso chez soi ; pour ma part j’ai
une cafetière Moka, et là encore le dosage est important : il faut mettre
beaucoup de café dans le réceptacle au-dessus de l’eau, mais sans le
presser.


Le cockpit de la machine à espresso


Enfin, la pression et la température jouent un rôle également
déterminant dans la qualité du café italien.


Je parle une fois encore de celui préparé à la machine, laquelle machine
est redoutable de précision : la pression est maintenue à 8/9 bars pour
l’extraction de l’espresso, la température de sortie est de 92 °c, et le
temps d’écoulement, de 25 secondes[2].

En réalité, ultimement, le secret d’un bon café italien, c’est donc… une
bonne machine qui est utilisée tout au long de la journée : elle est toujours
à la bonne pression, l’eau à la bonne température, la café fraîchement
moulu et la personne préparante le café, rôdée !


Donc, même si vous aviez les moyens de vous acheter une telle machine –
les meilleures professionnelles coûtent environ 20 000 euros – il faudrait
encore la faire fonctionner tout au long de la journée pour qu’elle reste à
la pression et à la température idéales.


Un café, des cafés


Ensuite, ce qui est beau en Italie, c’est que les mélanges et les
torréfactions ne sont pas tout à fait les mêmes sur l’ensemble du
territoire : le café que vous boirez à Trieste – le « nero » (noir), servi dans
un verre – n’est pas le même que celui que vous boirez à Naples – plus
amer, servi dans une tasse en porcelaine chaude.


Il y a, au moins, une dizaine façon de préparer un café, toutes ces façons
ayant encore leurs particularités régionales.


Bien sûr, on peut boire du bon café en France… mais c’est rare, et il faut
connaître les bonnes adresses. Et il n’y a rien de plus triste que de prendre
un café par habitude, sans plus sentir sa douceur, son amertume sa
rondeur.


C’est pourquoi je préfère encore me préparer chaque matin un bon
matcha, une bonne infusion ou encore un bon maté, que de prendre un
café « automatiquement »… sans guère de goût.


Et vous, comment aimez-vous votre café, si vous en buvez ? Quels sont
vos secrets de préparation ?


Portez-vous bien,


Rodolphe


[1] « Quels sont les secrets des cafés italiens ? », Ekita Café, consulté le 26 septembre
2023 ; disponible ici : https://www.ekita-cafe.com/cafe-italien-c1200x70470

[2] « Le café à l’italienne », Gusto d’italia, consulté le 26 septembre 2023 ; disponible ici :
https://www.gustoditalia.com/inspirations/le-cafe-a-italienne