Chers amis,

Deux tiers, un tiers : c’est le ratio nuit/jour que nous vivons ces jours-ci, et qui va culminer samedi prochain avec le solstice d’hiver.

Sur 24 heures nous avons seize heures de nuit, huit heures de jour.

2/3 d’obscurité, 1/3 de jour. En tout cas sous nos latitudes car, vous le savez, la proportion de nuit augmente à mesure que l’on monte au nord.

Comme notre fille de 5 ans et demi nous demandait le week-end dernier pourquoi il y avait tellement différence entre l’hiver et l’été, sa mère et moi avons pris un citron.

Le citron et la boule anti-stress

Le citron, c’était le soleil. Nous avons fait tourner autour une boule anti-stress qui représentait notre planète.

(Plus tard une cacahuète a fait office de lune.)

Le solstice d’hiver a lieu lorsque l’hémisphère nord atteint son inclinaison maximale à l’écart du Soleil, en raison de l’axe de rotation incliné de la Terre : nous avons donc fait tourner la boule anti-stress « penchée ».

L’axe de la Terre reste en effet incliné à 23,5° par rapport au plan orbital tout au long de l’année, mais il pointe toujours dans la même direction dans l’espace (vers l’étoile polaire, dans l’hémisphère nord).

Et donc, au moment du solstice d’hiver – samedi prochain – les rayons solaires touchent la surface terrestre sous leur angle le plus faible de l’année dans notre hémisphère, ce qui explique la faible durée d’ensoleillement.

Sans inclinaison, pas de saison

Sans cette inclinaison permanente de notre planète 23,5°C, il n’y aurait pas de saison.

La durée du jour et de la nuit serait toujours la même à un endroit donné.

Vous ne verriez pas les arbres perdre leurs feuilles en automne et bourgeonner au printemps, ni les marmottes faire leurs réserves de graisse en automne et se réveiller de leur hibernation au printemps, ni même votre chat adapter sa fourrure chaque année.

Cela signifie aussi que vous n’auriez pas tant de poils de chat à ramasser partout aux beaux jours !

Il serait absurde de croire que ce qui affecte les végétaux et les animaux n’affecte pas l’être humain.

En hiver, tout comme la nature qui ralentit son rythme, votre corps et votre esprit ressentent eux aussi le besoin de se replier, de se rétracter.

Une pause nécessaire pour votre corps et votre esprit

Vous le savez peut-être, vous êtes doté d’une horloge biologique qui suit grosso mod un cycle d’environ 24 heures.

Cette horloge biologique est appelée le rythme circadien. Il est synchronisé avec l’alternance jour-nuit causée par la rotation de la Terre.

Le rythme circadien détermine votre cycle veille-sommeil : votre température corporelle, qui atteint son minimum la nuit et son maximum en fin de journée ; la sécrétion de vos hormones, avec un pic de production cortisol le matin pour favoriser l’éveil et de mélatonine le soir pour favoriser le sommeil.

Lorsque votre rythme circadien est déréglé (par exemple à cause du décalage horaire ou du travail de nuit), cela peut entraîner des troubles du sommeil, des problèmes métaboliques, ou encore une baisse des fonctions cognitives.

Mais, en plus de ce rythme circadien, l’être humain présente des rythmes biologiques saisonniers, appelés rythmes circannuels, qui se manifestent sur une période d’environ un an.

Ces rythmes influencent diverses fonctions physiologiques et comportementales, notamment la reproduction, le sommeil et l’humeur.

Tout comme le rythme circadien est calé sur le tour que fait la Terre sur elle-emême en 24 heures, le rythme circannuel est calé sur le tour que fait la terre du soleil en 365 jours.

Autrement dit, il est calé sur les saisons.

Tout comme les animaux ajustent leur comportement aux saisons — hibernation pour certains, migration pour d’autres —, l’être humain, même moderne, reste intimement lié aux variations lumineuses et climatiques qui rythment l’année.

En ce moment, à l’approche du solstice d’hiver, nous atteignons le point où la nuit engloutit presque toute la journée. Le soleil s’élève peu, la lumière se fait rare et la nature, en apparence, se retire dans le silence. Ce repli est aussi le vôtre.

Votre corps vous demande de ralentir. C’est un appel presque instinctif : la baisse de luminosité réduit la production de sérotonine, cette hormone qui contribue à votre humeur et votre énergie. Simultanément, votre production de mélatonine augmente, vous rendant plus enclin au repos, au sommeil.

Ce phénomène peut entraîner fatigue, baisse de moral et, chez certains, un trouble affectif saisonnier[1], comme je vous en parlais le mois dernier.

Ce ralentissement naturel, qui s’inscrit dans notre biologie, nos contemporains ont tendance à l’oublier, voire à en être complètement coupés.

L’éclairage omniprésent, le chauffage à volonté, la surabondance alimentaire, nous donnent l’illusion que nous pouvons continuer à vivre, en hiver, en décembre, comme au cours de n’importe quelle autre période de l’anéne.

Certes, il fait plus froid, il faut sortir couvert ; mais pour l’essentiel la plupart d’entre nous observent assez peu ce ralentissement nécessaire que leur organisme réclame.

L’une des conséquences de ce manque de respect pour l’adaptation du corps au rythme hivernal, ce sont les infections : si l’on souffre davantage de grippes et de rhumes en hiver, ça n’est pas seulement parce que l’on est davantage confinés, c’est parce que cette période n’est pas propice aux activités tous azimuts, mais bel et bien au retrait, au silence, au repos.

Nos ancêtres, sans électricité ni chauffage central, devaient, savaient s’adapter aux longues nuits et aux journées courtes.

Honorer le solstice d’hiver

Les soirées aux coins du feu ne sont pas seulement une image d’Épinal.

Ces longues soirées étaient propices à la lecture, aux moments en famille, aux activités manuelles, aux jeux, aux contes et aux histoires que l’on racontait aux plus petits à la lueur dansante des flammes qui crépitent ; bref : au partage, au travail de la mémoire et de la réflexion.

Ce n’est pas parce que l’hiver est une période de repos que c’est une période d’inaction : c’est une occasion de cultiver la chaleur humaine, un moment d’introspection, un temps pour nourrir votre énergie intérieure en vue du renouveau printanier​​.

Il est donc essentiel d’accueillir cette pause saisonnière comme une opportunité.

Plutôt que de résister à ce ralentissement — en essayant de garder le rythme effréné de l’été — je vous invite à l’embrasser pleinement.

Le solstice d’hiver, moment où la nuit est la plus longue, est aussi un nouveau départ : la lumière commencera à gagner du terrain, timidement d’abord, puis de plus en plus.

Dans la plupart des cultures de l’hémisphère nord, des fêtes marquent ce moment de l’année : Noël, Hanoukka, ou encore Yule chez les anciens païens.

Toutes mettent l’accent sur la lumière, qu’elle soit représentée par des bougies, des feux de joie ou des guirlandes lumineuses.

Cette lumière extérieure reflète et nourrit aussi une lumière intérieure.

Cultivez cette lumière intérieure, votre lumière intérieure.

Le solstice d’hiver nous rappelle que même dans les périodes sombres, une étincelle d’espoir demeure. Nourrissez cette lumière par des gestes simples : vous pouvez exprimer votre gratitude, partager un repas chaleureux, vous plonger dans un roman dont l’ambiance et l’histoire vous seront un cocon.

Allumez des bougies pour symboliser la lumière qui renaît. Méditez sur les mois passés et définissez vos intentions pour l’année à venir.

L’écriture, par exemple, peut être un excellent moyen de clarifier vos pensées et vos objectifs​​.

Quelques conseils autour du solstice

Ce n’est pas parce que le soleil est à son plus bas niveau qu’il ne faut plus chercher sa compagnie, bien au contraire.

Profitez des heures d’ensoleillement, même courtes, pour sortir. Une simple marche en plein air peut faire des merveilles, pour votre moral comme pour votre énergie​.

L’hiver est le moment idéal pour renforcer votre organisme par une alimentation essentielle et réconfortante.

Traditionnellement, l’alimentation autour du solstice est frugale : légumes et potages vous apportent à la fois les fibres nécessaires et l’hydratation chaude dont votre corps a besoiN.

Privilégiez les aliments de saison : légumes racines, agrumes, noix, et épices réchauffantes comme le gingembre et la cannelle. Ces derniers stimulent la circulation sanguine et soutiennent le système immunitaire.

Cette frugalité, croyez-moi, n’en donnera que plus de relief à vos repas de fêtes, qui constituent également de préciseuses exceptions !

La vitamine C, abondante dans les agrumes, est par ailleurs l’une de vos meilleures alliées contre les infections hivernales.

Pourquoi ne pas en faire une habitude quotidienne ? Par exemple, savourez une tasse d’infusion au citron et au gingembre pour commencer votre journée avec vitalité​.

En cette période où le monde ralentit, prenez donc le temps de ralentir aussi. Soyez attentifs à votre bien-être, sans chercher à accomplir des exploits.

Parfois, il suffit de rester présent, de savourer une tasse de thé chaud ou de contempler une étoile dans le ciel nocturne – plus longue et noire est la nuit, plus visibles sont les étoiles ! – pour vous sentir pleinement vivant.

Le solstice d’hiver n’est pas qua nuit la plus longue de l’année, où les ténèbres semblent triompher de la lumière : il est l’aube d’un nouveau cycle.

En prenant soin de vous pendant cette période, vous préparez votre esprit et votre corps à accueillir la lumière qui reviendra bientôt.

Alors, chers amis, rallumez vos feux intérieurs et célébrez cette belle transition.

Portez-vous bien,

Rodolphe


[1] https://arxiv.org/abs/2312.02953