Chers amis,
De temps à autres, un lecteur me reprend lorsque j’écris : « le » Covid.
« Vous faites une faute : on doit dire « la » Covid ! » me tance-t-on.
Non.
Regardez du côté de la Belgique, de la Suisse ou du Canada : là-bas, on continue à écrire et dire « le » Covid.
L’Académie française a décrété (unilatéralement, comme elle sait si bien le faire) qu’on devait dire « la » Covid, au prétexte qu’il s’agit d’une maladie, et qu’elle devrait donc être un nom féminin.
Cet argument est singulièrement machiste : toutes les maladies seraient donc du genre féminin ?!
C’est, pardonnez-moi Mesdames et Messieurs les Académiciens, idiot et surtout… faux !!!
- Si vous avez le nez pris et la gorge enflammée, vous n’avez pas « une » rhume, mais bien un rhume ;
- Si vous développez une tumeur, ça n’est pas « une » cancer qu’on vous diagnostique mais bien un cancer ;
- Si votre vue commence à être altérée, il n’est pas impossible qu’on découvre non pas « une » glaucome, mais bien un glaucome ;
- , etc., etc.
Il s’agit pourtant bel et bien de maladies !
Bref, l’Académie française ferait bien de revoir son dictionnaire de la médecine (j’ai le mien sur mon bureau et il est rempli de maladies « masculines »).
Tout cela est, je suis d’accord, anecdotique et peut prêter à sourire, cependant questionner le « genre » d’une maladie soulève une vraie question de santé, trop méconnue et pourtant capitale : oui, les maladies ont un « sexe ».
Je ne vous parle pas de langue française, mais bel et bien de risques accrus de développer telle ou telle maladie en fonction de votre genre.
Homme ou femme, nous ne sommes pas exposés aux mêmes maladies
Il y a des maladies d’homme, et il y a des maladies de femme.
Cela paraît évident : seuls les hommes peuvent développer des pathologies de la prostate ou des testicules ; seules les femmes peuvent développer des pathologies de l’utérus ou du sein…
… et encore le cancer du sein touche-t-il quelques hommes par an (1% de tous les cancers du sein diagnostiqués[1]) !
Ces maladies « spécialisées » touchent les hommes et les femmes en fonction de leur dimorphisme sexuel.
Certes, chez nous, ce dimorphisme est bien moins « spectaculaire » que chez d’autres espèces, comme le paon et la paonne (lui a de grandes plumes pour parader, pas sa partenaire), le cerf et la biche (lui a de grands bois pour se battre, pas elle) ou la mante religieuse (la femelle, plus grande, mange le mâle, et pas l’inverse).
La partie la plus visible de ce dimorphisme chez nous… on la cache ! Ce sont les organes reproducteurs, et rappelez-vous Molière : « cachez ce sein que je ne saurais voir ! »
Mais il y a beaucoup d’autres différences physiologiques, moins « évidentes » entre l’homme et la femme, et qui ont pourtant un impact considérable sur la santé.
Effets inattendus des hormones sexuelles
Le système hormonal fait évidemment partie de ces grandes différences entre l’homme et la femme.
Les hormones sexuelles jouent un rôle essentiel dans la santé, l’équilibre et le bien-être.
Au moment de la puberté, ces hormones vont faire se développer par exemple les seins des jeunes filles, et les poils des jeunes hommes.
Mais cette influence se répercute tout au long de la vie : la vie de la femme est rythmée par ses cycles menstruels, dont la régularité dépend des œstrogènes et de la progestérone.
Ensuite, chez la femme (ménopause) comme chez l’homme (andropause), c’est la baisse de ces hormones sexuelles qui peut entraîner des désagréments et être mal vécue.
Mais ça n’est pas tout : ces hormones spécialisées ont des répercussions dans des domaines plus inattendus, comme le système immunitaire.
Ainsi, de forts taux de testostérone chez les hommes a des effets « immunosuppresseurs », c’est-à-dire altérant l’efficacité du système immunitaire. Cet effet est bien connu des médecins car les hommes répondent moins bien à la vaccination antigrippe, par exemple[2].
Inversement, c’est ce qui explique que les femmes résistent en moyenne mieux aux infections… mais qu’en contrepartie elles ont un risque accru de développer des maladies auto-immunes, comme une sclérose en plaques, ou un lupus, une maladie chronique qui résulte de la production de différents auto-anticorps, et qui touche 9 fois plus de femmes que d’hommes[3].
Les femmes, les hommes et les peines de cœur
Le cœur et le système cardio-vasculaire diffèrent eux aussi selon qu’on est une femme ou un homme.
Le cœur des femmes est non seulement plus petit que celui des hommes, mais il fonctionne aussi de façon différente !
Ainsi, l’hypertension est plus fréquente chez les femmes, en particulier après la ménopause.
De plus, une forme d’hypertension particulière qui dépend spécifiquement du rétrécissement de l’artère rénale est huit fois plus fréquente chez les femmes[4].
Une légende urbaine veut que les hommes soient plus souvent touchés par l’infarctus que les femmes… mais c’est faux : en réalité les maladies coronariennes tuent plus de femmes que l’ensemble des cancers, y compris les cancers du sein et du poumon !
Depuis 1984, la mortalité liée aux attaques cardiaques est même plus élevée chez les femmes que chez les hommes.
L’une des origines de cette « légende » de l’infarctus plus masculin que féminin, c’est que les symptômes de l’infarctus sont différents dans les deux sexes.
Chez l’homme, il s’annonce par une douleur dans la poitrine et des douleurs irradiantes dans le bras gauche.
Or, ces signaux d’alerte sont souvent absents chez la femme, où les premiers signes consisteront en des nausées, une sensation de fatigue ou des douleurs dans le ventre, ce qui induira souvent à diagnostiquer une indigestion.
Le côté atypique et moins caractéristique de ces symptômes conduit à de fréquentes erreurs de diagnostic… et au fait que, même après hospitalisation, les femmes meurent plus souvent que les hommes de crise cardiaque.
Hystérie ?
Vous vous rappelez de l’hystérie, cette maladie à laquelle Jean-Martin Charcot a consacré des études et des photos spectaculaires à la Salpêtrière ?
On a reproché par la suite à Charcot d’avoir trop associé la maladie – au tableau clinique assez vaste d’ailleurs – aux seules femmes (le mot d’hystérie vient… d’utérus).
Les maladies « nerveuses » ne sont évidemment pas l’apanage des femmes. Les hommes en souffrent également… mais ce ne sont pas les mêmes !
Les maladies touchant le système nerveux central et le cerveau sont sexuellement différenciées : la probabilité que vous développiez la maladie d’Alzheimer ou des maux de tête nocturnes dépend donc de façon importante de votre sexe !
Ainsi :
- Sur 100 malades d’Alzheimer, 74 sont des femmes, et 26 des hommes.
- Sur 100 personnes souffrant de maux de tête nocturnes, 84 sont des femmes, 16 des hommes.
- Sur 100 boulimiques, 75 sont des femmes, 25 des hommes.
À l’inverse :
- Sur 100 autistes, 80 sont des hommes et 20 des femmes ;
- Sur 100 schizophrènes, 77 sont des hommes et 23 des femmes ;
- Sur 100 personnes souffrant du syndrome de Gilles de la Tourette, 90 sont des hommes, et 10 des femmes[5]!
Ces prévalences trouvent leurs origines profondes, en réalité, dès la différenciation chromosomique de l’être humain quand il est conçu.
Ces chromosomes sexuels, XX chez les femmes, XY chez les hommes, engendrent une réaction en chaîne génétique, hormonale, et métabolique, qui nous suivra toute notre vie.
Ça ne veut pas dire que tout est écrit, naturellement : comme toujours, le mode de vie et l’environnement, mais aussi l’aventure individuelle, jouent leur rôle.
Mais cela signifie bel et bien que, homme ou femme, notre probabilité de souffrir voire de mourir de telle ou telle maladie n’est pas la même…
À mes yeux il vaut mieux le savoir pour s’y préparer, que de le nier en bloc !
Portez-vous bien,
Rodolphe
[1] Institut National du Cancer. Cancer du sein chez l’homme. https://www.e-cancer.fr/Patients-et-proches/Les-cancers/Cancer-du-sein/Cancer-du-sein-chez-l-homme
[2] Casselyn, M. (2014). Testostérone et réponse immunitaire. Angiologie-Hémostase 416. https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2014/revue-medicale-suisse-416/testosterone-et-reponse-immunitaire
[3] LucPerino.com (09.02.2014). Les maladies ont un genre. https://lucperino.com/87/les-maladies-ont-un-genre.html?id=139#139
[4] Philippe, F. Maladie coronaire de la femme : particularités épidémiologiques, diagnostiques et thérapeutiques. Sang Thrombose Vaisseaux. Volume 7, Numéro 8, 535-42, Octobre 1995
[5] Swaab, D. F., Chung, W. C.J., Kruijver, F. P.M. et al. (2003). Sex differences in the hypothalamus in the different stages of human life. Neurobiology of Aging 24 :S1-S16. https://doi.org/10.1016/S0197-4580(03)00059-9.
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