Chers amis,
J’ai un ami, Laurent, qui, dès son premier jour de vacances, quel que soit le moment de l’année, tombe malade.
Oh, rien de très grave : un gros rhume, une angine, un peu de fièvre…
S’il a de la chance, cela passe au bout de quelques jours, mais le plus souvent… il passe l’intégralité de ses vacances malade !
Et à son retour au travail, au train-train quotidien, miracle, Laurent est guéri !
Est-il allergique aux vacances et au repos ?
Pas du tout.
Le travail, c’est la santé (si, si)
Le cas de Laurent n’a rien d’isolé.
D’ailleurs… cela m’arrive moi-même au début de certaines vacances, non pas systématiquement, mais lorsque ces vacances suivent une période de travail particulièrement intense et stressante – on va voir que c’est lié.
Ce phénomène est identifié et documenté depuis exactement 20 ans sous le nom de « maladie du loisir ».
La maladie du loisir, ce n’est pas une maladie en particulier : c’est le fait que la maladie survienne à un moment de repos ou de loisir, au cours des vacances et/ou du week-end.
En 2002, un psychologue néerlandais publie les résultats d’une étude menée sur près de 2000 individus (1128 hommes et 765 femmes) afin de mesurer l’incidence d’un syndrome qu’il a d’abord constaté… sur lui-même : le fait de tomber malade en vacances ou en week-end.
L’étude visait à identifier les symptômes associés à ce syndrome, et à mesurer leur prévalence dans la population.
Les symptômes les plus fréquemment ressentis sont d’allure grippale : c’est de la fatigue, du manque d’énergie, associées à des douleurs musculaires, des nausées et des migraines. Cela peut aussi prendre une forme plus handicapante, comme se bloquer le dos.
Ils peuvent survenir dès le vendredi soir, ou dès le premier jour de congé… et disparaître au retour au travail !
Les résultats de l’étude, dans la cohorte de volontaires, montraient que :
- chez les femmes, 2,7% ont déclaré ressentir des symptômes au cours du week-end, et 3,2% pendant leurs vacances ;
- chez les hommes, ils étaient davantage – 3,6% – à déclarer ressentir des symptômes au cours du week-end, et autant que les femmes (3,2%) pendant leurs vacances.
En gros, donc, ce serait près d’une personne sur trente qui serait concernée par ce syndrome de la maladie du loisir[1].
C’est-à-dire que, pour elles, être dans une période de travail, c’est globalement être en meilleure santé que quand elles ne travaillent pas.
Je sais bien que ça n’est pas l’expérience, ni le ressenti, d’une grande partie de la population… néanmoins ce phénomène s’explique de plusieurs manières.
Le profil du « malade du loisir »
Beaucoup d’explications ont été avancées pour expliquer ce syndrome, l’une d’elles proposant… la différence de consommation de café entre les jours de travail et les jours de repos !
Cette explication a une certaine logique, dans le sens où – je vous en ai déjà parlé à plusieurs reprises – la consommation de café, surtout si elle est quotidienne et commence tôt dans la journée, engendre une dépendance.
Et qui dit dépendance, dit manque, dès que l’on en consomme moins ou plus du tout ; et les symptômes de ce manque sont justement la fatigue, les maux de tête, l’irritabilité.
Cette explication est intéressante, mais elle ne suffit pas à couvrir l’ampleur du syndrome de la « maladie du loisir » – ne serait-ce que parce que certaines personnes qui en souffrent… ne boivent pas ou très peu de café !
L’explication la plus solide tient en réalité au stress : dans l’étude de l’université de Tilburg de 2002, les chercheurs dressaient un lien de cause à effet entre la personnalité des individus souffrant de ce syndrome, et sa manifestation.
Ils identifiaient ainsi comme « facteurs de risques » à la fois une forte charge de travail chez la personne concernée, mais aussi un sens des responsabilités, et une exigence au travail, particulièrement prononcés.
A l’inverse, ces mêmes personnes auraient des difficultés à s’adapter à une situation de « non-travail »… ce qui engendrerait chez elles de l’angoisse, et de la culpabilité.
Plutôt qu’une dépendance à la caféine, la « maladie du loisir » serait donc plutôt presque de l’ordre de la dépendance au travail !
Ça, c’est pour l’explication psychologique.
Mais ce n’est pas tout : il y a une explication plus physiologique.
Stress, vigilance et santé
Le syndrome de la « maladie du loisir » illustre toute l’ambivalence du stress.
Vous le savez, le stress, physiologiquement, a une utilité : il nous rend plus vigilant, plus alerte et, correctement géré, plus efficace.
C’est une réaction que nous partageons avec l’ensemble du monde vivant, et qui nous permet de nous adapter à une situation ressentie comme périlleuse ou menaçante.
Le problème, c’est quand le stress se prolonge, autrement dit, qu’il devient chronique : il est alors associé à un risque accru de développer certaines maladies de civilisation, comme les maladies cardiovasculaires.
Mais le stress et la vigilance accrues sont également, sur le moment, un bon bouclier immunitaire : la résistance de votre organisme aux pathogènes est améliorée lorsque l’ensemble de votre corps est « sous tension ».
Vous êtes donc mieux protégé… tant que cette situation dure.
Et c’est lorsqu’elle cesse brutalement que vos défenses tombent, dans un phénomène de relâchement au « double effet kiss cool » :
- des symptômes auxquels vous ne prêtiez pas attention lorsque vous étiez sous tension se font tout à coup davantage ressentir (exactement comme lorsqu’on se blesse en faisant une activité physique : dans le feu de l’action, ça va, mais dès que l’activité cesse, la douleur devient plus aiguë) ;
- virus et bactéries, qui ont ou auraient été efficacement repoussés lorsque votre organisme était en mode « combat », vous infectent plus facilement, profitant de la baisse de la garde immunitaire.
Tout le secret réside donc dans l’équilibre entre le stress, la vigilance et le repos : nous avons besoin de « bon stress », c’est-à-dire un stress qui nous maintient vigilant, nous aide à réagir correctement face aux situations que la vie quotidienne et des circonstances plus exceptionnelles mettent sur notre route…
Mais il faut éviter que ce « bon stress », ne dégénère en « mauvais stress » : qu’il prenne trop de place, devienne chronique et handicapant.
Or pour cela il n’y a pas de formule magique : cet équilibre est différent pour chacun.
Il dépend autant de votre personnalité, nous l’avons vu, que de votre environnement ; il repose sur la mise en place de « soupapes » pour décompresser au quotidien (ça peut être le sport, la lecture, la famille, les amis…) comme de rituels et, peut-être, de méthodes pour vous aider à canaliser ce stress et le transformer en efficacité si vous êtes « trop » stressé.
Mais le risque inverse existe : c’est de n’être pas assez stressé, c’est-à-dire tout simplement pas assez stimulé.
Pourquoi il est important de garder une bonne dose de stimulation et de vigilance
Et là encore, cela peut dépendre de votre personnalité… ou de votre environnement.
Un exemple typique, c’est celui de la retraite.
Nous savons désormais que de passer brutalement d’une existence active, avec son lot de stress et de contraintes, à une vie trop « douce », sans obligation ni horaires… favorise la survenue précoce de maladies neurodégénératives, comme Alzheimer.
En 2013, une étude avait conclu à une différence de 15% de risque de développer Alzheimer entre un départ à la retraite à 60 ans et à 65 ans : s’arrêter « trop tôt » exposerait davantage à une démence sénile précoce[2].
Entendons-nous : je ne défends pas là un départ à la retraite à 65 ans plutôt qu’à 60 !
Car vivre et évoluer dans un environnement stimulant, ça n’est pas forcément travailler au sens classique du terme : ça peut-être apprendre une nouvelle langue, à jouer du piano, ou s’engager dans une démarche qui fasse sens pour vous – ce que les Japonais appellent l’Ikigaï.
C’est, en somme, empêcher votre corps comme votre esprit de s’engourdir, afin qu’ils continuent à alterner ce cycle sain de l’action consciente, et du repos bien mérité.
Si vous connaissez ou avez connu cette « maladie du loisir », je serai heureux de lire votre témoignage en commentaire.
Portez-vous bien en ce dimanche,
Rodolphe
[1] Vingerhoets AJJ M, van Huijgevoort M & van Heck G L (2002). Leisure Sickness: A pilot study on its Prevalence, Phenomenology, and Background. Psychotherapy and Psychosomatics, 71(6), 311-317. https://research.tilburguniversity.edu/en/publications/leisure-sickness-a-pilot-study-on-its-prevalence-phenomenology-an
[2] Perez M (16.07.2013). La retraite tardive protégerait contre la maladie d’Alzheimer. Le Figaro. https://sante.lefigaro.fr/actualite/2013/07/16/20982-retraite-tardive-protegerait-contre-maladie-dalzheimer#:~:text=En%20repoussant%20l’%C3%A2ge%20de,%C3%A9tait%20%2Den%20partie%2D%20erron%C3%A9%3F
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En soumettant mon commentaire, je reconnais avoir connaissance du fait que Total Santé SA pourra l’utiliser à des fins commerciales et l’accepte expressément.
Que ce soient les enseignants ou les scolaires, étudiants,… même chose : On lâche tout quand les vacances arrivent, et ce qu’on a » retenu » inconsciemment, se transforme en maladie, parce qu’on » s’autorise » enfin une faiblesse qu’on s’interdisait pour être présent au travail, même si très fatigué ou en petite forme… Le corps reprend ses droits et s’exprime à sa façon. Ce qui prouve aussi qu’on ne se respecte pas! Il y a là matière à réflexion sur l’obligation de performance dans la durée. Et quelle différence si on exerce un métier qu’on aime ( on en fait encore plus!) ou un métier de survie ( bof on en fait le moins possible mais on s’ennuie). De quoi faire une thèse!
bonjour Rodolphe
tout d’abor merci pour votre magasine santé libérée il est super . je le recommande vivement .
quand je partait en vacances ou que se soit je prenais un rdv en même temps que ma réservation chez un ostéo . des que j’arrivais sur mon lieu de vacances je me bloquais le dos .j’avais une vie bien remplie que j’aimais mais a 300 a l’heure . je suis a la retraite depuis trois ans je vis ma première passion qui est le sport . judo’ boxe française musculation marche de plus j’ais découvert la méditation que je pratique un peu tout les jours et une retraite silencieuse d’une semaine tout les ans . je n’ai plus jamais eu le dos bloqué depuis .
bonne continuation a vous .
Merci pour cet article intéressant et très explicatif. Je faisais partie de ces personnes qui tombaient malades les week-ends (migraines). Très active, consciencieuse, travailleuse au possible, le brusque arrêt du week-end me rendait malade. Ceci explique cela. Pour moi, le « travail c’est la santé » et même à la retraite, je suis constamment occupée.
Bonjour Rodolphe
J’ai lu avec attention votre lettre . Le fils d’une amie (50 ans) est malade tous les week-ends ou
presque : migraine , vomissement , au lit dans le noir . Pendant 2 jours . Il prend des anti-inflammatoires et d’autres comprimés très puissants dont j’ignore les noms . J’attends de connaître s’il y a une solution pour ce genre de maux . Merci de me lire .
Merci pour votre lettre où je me suis très vite reconnue! Depuis des années, je commence régulièrement mes vacances avec une bonne angine, que j’ai appris à gérer (la propolis en goutte est pour moi le meilleur remède dans ces cas là). Architecte paysagiste à mon compte avec 3 enfants, j’ai effectivement une charge mentale qui me semble parfois trop lourde, et un rythme de travail intense. Alors je me disais que c’était le lâcher prise des vacances, et que cela me force à me reposer, car je en m’écoute pas beaucoup au quotidien…Merci d’avoir présenté l’aspect positif et stimulateur de ce rythme, cela fait aussi du bien à lire…