Chers lecteurs,
Je voulais vous envoyer un petit mot important consacré au yoga.
Victime d’un succès inattendu et foudroyant, cette activité apparait aujourd’hui comme la panacée, le remède miracle de tous les maux, l’anti -médecine façon Zorro.
Une sorte de victoire assurée sur nos faiblesses physiques ou morales.
Si vous me le permettez, je fais un petit rappel : Esculape, le Dieu de la médecine, avait deux filles : Hygiée, et Panacée. Hygiée représente l’hygiène de vie, c’est-à-dire tous les efforts nécessaires pour rester en bonne santé. Quand cela ne suffit plus, quand la maladie a dominé, il faut faire appel à Panacée, celle qui guérit.
Dans les acteurs de santé c’est la même chose : il y a ceux qui sont dans l’art de soigner et ceux qui sont dans l’art de guérir. Seuls les docteurs en médecine sont classés dans l’art de guérir.
Grand risque de déception
Le yoga a toujours été un modèle d’hygiène de vie. Il imbrique plusieurs niveaux : le travail sur le corps par les postures et la respiration, la notion de « nettoyage » et de drainage, la concentration, la détente, la visualisation.
Il met en œuvre les outils habituels d’Hygiée : la méditation, l’auto hypnose (yoga nidra), la diététique, le jeûne, l’équilibre.…
Dans un monde moderne qui glorifie l’effort intense et le muscle (« il faut bouger ») et la psychologie (« c’est dans la tête ») le yoga apporte quelque chose de différent, où le corps et le mental sont toujours associés.
Le problème aujourd’hui est que le yoga prétend devenir thérapeutique, ce qui n’a jamais été sa vocation.
Le risque de déception est grand et avec lui le risque de rejet. Sur des engagements intenables car erronés.
C’est pourquoi je lance cet avertissement, moi qui enseigne cette discipline : méfiez-vous des fausses promesses du yoga.
Ce n’est pas parce vous vous persuadez que vous êtes bien, que vous avez l’impression de respirer profondément et d’être détendu… que c’est la réalité.
Un regard extérieur averti vous ferait reconnaitre la différence.
Des « professeurs de yoga » jeunes, beaux et musclés
Les grands maîtres en yoga avaient une très grande expérience, un recul, un niveau de pratique et d’observation, qui leur permettait de guider réellement l’élève pendant des années, en s’assurant qu’il était physiquement et mentalement prêt à passer à l’étape supérieure.
En particulier pour les pratiques de « pranayama », c’est-à-dire des respirations particulières, dont le pouvoir est très puissant. L’une d’elle s’appelle Kapala Bati (nettoyage du cerveau !) … elle modifie les gaz du sang et peut entrainer des crises de spasmophilie et de panique qu’un enseignant débutant ne pourra jamais gérer.
Aujourd’hui le yoga attire les jeunes, en particulier les jeunes sportifs. Ce qui est très positif et change l’image du yoga « mamie ».
On voit de plus en plus de « professeurs de yoga » jeunes et beaux, musclés comme des Apollons et plus proches des body builders que du citoyen moyen.
Ces nouveaux enseignants sont-ils prêts à enseigner et à guider tous ceux qui ont mal au dos, aux genoux, à l’estomac, à aider efficacement et durablement les épuisés ?
Rien n’est moins sûr.
Les images de yoga sur Internet montrent de plus en plus d’acrobates en tous genre, prouvant leurs capacités à faire des performances et à « réussir » des postures spectaculaires…souvent dangereuses.
Cela n’a plus rien à voir avec l’esprit du yoga. C’est leur ego qui s’exprime, une exposition narcissique très éloignée de ce que monsieur et madame tout-le-monde pourraient faire.
Enseigner le yoga, c’est mettre son ego en veilleuse
Le problème est que l’élève veut « faire comme le professeur », même s’il n’en a pas du tout les capacités physiologiques, même si sa morphologie interdit mécaniquement la posture si facile pour l’enseignant-superman.
Un bon professeur de yoga est capable de mettre son égo en veilleuse et de chercher ce qui est accessible et bénéfique à chacun. S’il ne le fait pas il devient dangereux, il pousse trop loin, trop vite, il ne voit pas les erreurs et les risques.
Cela s’apprend … Tous les moniteurs de natation, de ski, ou d’équitation ont des repères pour faire progresser les élèves, en procédant par étapes bien définies.
Le problème est qu’il n’y a pas de diplôme officiel de professeur de yoga. Parce qu’il est inclassable ! Entre le sport, la santé et l’éducation… On peut se déclarer professeur de yoga sans aucune formation.
Aux débuts de la diffusion du yoga en France il y avait deux ou trois fédérations et quelques grands noms : Eva Ruchpaul, André Van Lysbeth, Roger Clerc, ainsi que les Indiens Sri Mahesh, Yengar, etc, qui avaient leurs écoles.
La formation durait quatre ans en général et nécessitait le parrainage d’un professeur.
Aujourd’hui on peut se former en 200 heures en Inde, 50 heures dans certains cursus et parfois seulement par e-learning !
De nombreux dangers mal identifiés
On pense qu’il suffit d’être souple – du coup on l’est souvent trop (hyperlaxe) pour les filles – d’avoir quelques muscles bien dessinés pour les garçons…pour penser être « fait » pour enseigner le yoga, une activité d’ailleurs lucrative en ces temps de chômage de masse !
Personne n’avertit ces futurs « professeurs » que le yoga, par exemple, est dangereux pour les hyperlaxes. Ils se réveilleront un jour avec des genoux, des hanches, des épaules, des cervicales bien abimés… et auront entraîné avec eux leurs « élèves ».
Un des autres problèmes du yoga est la relation élève – professeur. Il y a très souvent, surtout vis-à-vis du premier professeur rencontré, un très fort « transfert », beaucoup plus que pour les moniteurs ou professeurs de sport. Gérer un transfert demande une grande maturité, surtout si on a affaire à des gens vulnérables, psychiquement fragiles, très demandeurs.
C’est pour cela que le risque de dérive sectaire existe. Il ne s’agit pas seulement des manœuvres de quelques gourous crapuleux – il y en a – il s’agit d’un risque de dépendance créée par l’adepte lui-même.
Je suis donc inquiète de cet engouement effréné et mal contrôlé pour le yoga.
Le yoga peut -être tellement bénéfique qu’il serait dommage de le voir se dénaturer et s’auto détruire.
Le yoga ne doit jamais faire mal
En conclusion je dirais que le yoga reste une discipline merveilleuse, qui a l’avantage de rendre actif l’élève, contrairement aux traitements médicamenteux, chirurgicaux, ostéopathiques qui laissent le patient passif. C’est donc une discipline de choix dans le domaine de la prévention, et complémentaire en cas de pathologie avérée.
Mais il ne faut pas lui demander des miracles et il faut lui accorder un long investissement.
Je vous donne un repère et un seul : le yoga ne devrait pas « faire mal ». Ni au niveau articulaire (épaules, genoux, hanches, nuque, bassin… ), ni déclencher des douleurs de type sciatique. Il peut être exigeant pour les gens raides, mais ce sont des douleurs musculaires qui s’arrêtent immédiatement dès qu’on cesse l’étirement du muscle récalcitrant. En réalité ce sont les plus raides qui ont le plus besoin du yoga … mais ils se découragent souvent car gagner en souplesse est très long, millimètre par millimètre, à recommencer sans cesse car toute pause fait régresser. C’est ingrat et peu gratifiant, surtout au début.
Le yoga est exigeant, mais c’est la condition pour que son potentiel soit bien utilisé.
A très bientôt !
Dr Bernadette de Gasquet
P.S. Si vous voulez lire un point de vue québécois sur les dérives du yoga, je vous invite à lire l’article suivant, un peu extrême mais révélateur : https://www.lapresse.ca/actualites/enquetes/201904/09/01-5221563-les-derives-du-yoga.php
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Bonjour Docteur
Une de vos premières phrases me choque un peu. « Seuls les docteurs en médecine sont classés dans l’art de guérir ». Panacée avait-elle son doctorat ?
Cela dit, je trouve votre article intéressant. Et je me réjouis que vous enseigniez le yoga qui, je pense, est le meilleur des « sports ». Pour autant, lancer une alerte sur les conséquences du rugby, des sports violents en général me semblerait également judicieux. Je suis toutefois de votre avis, sur le côté sectaire qui peut toutefois se retrouver un peu partout.
Je suis vos articles, ai vu votre conférence parlant de l’arthrose. C’est aussi ma spécialité, je suis kinésithérapeute. Je suis sur le point de terminer un livre sur le sujet. Je me suis même permis de vous y citer, car ,comme vous, je pense que trop faire travailler les abdominaux, ou les dorsaux d’ailleurs n’est pas bon. Pour moi, la musculation ne peut qu’accroître la pression exercée sur les cartilages par les muscles spasmés.
Ces spasmes me semblent à l’origine de l’arthrose. Je travaille à les détendre près de 10 h par jour depuis plus de 25 ans. J’obtiens de très bon résultats.
Mais contrairement à vous , si je ne me trompe pas (et à la plupart des ostéopathes), je ne pense pas que l’arthrose débute par la base du crâne. Je pense qu’elle débute par le bassin. Les lombalgies sont d’ailleurs bien plus fréquentes que les cervicalgies et je pense en connaitre la cause principale qui ne se trouve ni dans le squelette, ni dans les muscles, ni dans les nerfs.
Si mon avis vous intéresse, si vous voulez échanger quelques idées, vous pouvez me joindre par mail.
Merci. CB
Bonjour,
Je suis moi-même professeur de yoga depuis plus de 25 ans et suis entièrement d’accord avec cet article. Lorsque je vois certains reportages à la TV ou que j’entends certaines personnes me parlant de leur pratique, ça « m’affole » tout simplement. Je ne fais jamais faire de postures « compliquées » ayant trop peur d’abîmer mes élèves. Je donne des cours de perfectionnement à des élèves motivées, « capables d’un peu plus » mais toujours avec modération malgré tout. On m’a enseigné le respect du corps et de la personne dans son intégralité. Je remercie mon école Viniyoga à qui je dois tant… J’essaie d’expliquer aussi tout cela dans mes cours pour que la graine germe. NE PAS S’ABIMER, cela est si important ! Merci pour votre article qui me conforte un peu plus dans mon enseignement. Bonne continuation aux vrais profs de yoga….
alerte opportune
Je tenais à témoigner que la méthode de Bernadette de Gasquet a révolutionné ma pratique du yoga,a changé mon regard et a donne un nouvel élan, une attention encore plus bienveillante sur et avec les personnes qui participent à mes cours. Je cherche ainsi à communiquer mon enthousiasme à la pratique du yoga et jamais à imaginer être dans le savoir. Merci à Bernadette de Gasquet,j »en ai une infinie reconnaissance de cette prise de conscience.
Merci pour cet article dont je partage les propos. Pour avoir été auprès d’un maître en ashram, précisément GANESHPURI, j’ai été très tôt attristée de voir le Yoga réduit à une pratique gymnastique. Swami MUKTANANDA était maître en SIDHA YOGA exactement « SWADHYAYA SUDHA », une pratique intensive du chant, mantras et textes rituels, et bien sur méditation qui est l’aboutissement de toute séance avec l’espoir de la réalisation du SOI.
Depuis maintenant 15 ans je pratique Qi Qong et Taï Chï et la même dérive peut se retrouver. Il est important de conseiller de participer à une séance et de bien se connecter à son ressenti. En Inde c’est le disciple qui choisit son maitre.
Bien à vous. G. de LA SOUJEOLE
Je suis tout à fait d’accord avec vous. J’ai changé de région, et je pratiquais depuis plusieurs années le yoga avec un excellent professeur. J’ai donc voulu continuer des séances de yoga là où je suis maintenant., et ça a été l’horreur. Au bout de 3 mois j’étais bloquée de partout et il m’a fallu 6 mois de séances de kiné pour retrouver ma forme. Je n’ose plus renouveler l’expérience ….
Merci pour vos vidéos très bien expliquées et utiles.
Comme vous avez raison, en vous lisant je crois entendre les propos de ma femme professeur de yoga qui a suivi un long et précieux apprentissage dans l’école autrefois dirigée par Sri Mahesh. Hélas trop souvent le yoga est devenu un bizness comme un autre enseigné par des gourous plus avides de pognon que de la santé de leurs élèves… Pauvre société! Heureusement, il reste des gens comme vous, mais il faut les trouver!
Bonjour. Je suis entièrement d accord avec le commentaire. Je viens de sortir d’opération du pied qui n ‘est pas forcément mon pied d’ appuis, et pour faire bref je gagne seulement au fur et à mesure de l’assurance, je fais souvent des postures et étirements chez moi et le yoga m’aide afin de faire des respirations plus longues et lentes. Je suis sportif et 56 ans, sachant que je ne suis pas Zorro, mon ego bien range au fond du garage… J aspire à la détente et reprendre les Arts Martiaux en septembre si je peux, pour dire que nous avons un passé qui aide a renforcer physiquement et mentalement à prendre de l’assurance, sans se faire du mal. Je travaille encore et pas dans un bureau. J ai enseigner le roller à des enfants et des adultes ce qui est plus difficile par ailleurs. J ai retrouvé l’autonomie et avec du recule je sais se que je peux faire et ne pas faire… Bonne continuation.
Cordialement.
Je suis tout à fait d accord avec cet article. Tout est très bien expliqué. J ai pratiqué le hâta yoga il faut vraiment y croire, les postures sont difficiles et pour la respiration on pense y arriver mais ce n est pas exactement ça. J ai quand même persisté mais cela ne m apporte rien. Voilà mon ressenti c est un peu une mode pour les mamies surtout’!! Cordialement
Suite à des tendinites aux épaules j’ai Du arrêter le yoga hâta.
Aujourd’hui je cherche désespérément un cour de hatayoga (sans musique, sans bougie etc… )qui est devenu de plus en plus rare dans les plannings des cours tant il y a yoga de ceci et cela ! Et j’ai du mal à trouver un(e) enseignant SIMPLE sans Ego Justement. Merci
Je suis d’accord avec ce manque de conscience de beaucoup de profs de yoga sur les risques de blessures. B. de Gasquet l’exprime clairement. Doit-on pour autant appliquer une loi imposant des règles façonnées par quelques gourous de la sciences sur ce qu’il faut faire ou pas. Pour ma part, vouloir le bien d’autrui c’est déjà induire un contrôle sur son autonomie décisionnelle.
Bonjour !
Je n’aurais pas imaginé de dérives sectaires à partir du yoga, mais par les temps qui courent, on peut tout craindre. L’ego adore les sectes et les sectes tuent le moi, qui pourrait lui rappeler que la toute-puissance est illusoire.
Bonjour Madame,
J’ai beaucoup aimé votre article, touchée par votre mise au point concernant la place du yoga comme pratique d’hygiène et par votre souci d’attirer l’attention des personnes qui se sentent appelés par cette pratique.
Permettez moi de vous partager ma joie et ma gratitude 🙏
Bonne journée de pleine lune 🌕
Je vous remercie pour votre intervention que je partage intégralement. De plus le Yoga est une discipline philosophique qui est désacralisée par certain que ,hélas l’appât du gain attire uniquement !
Merci pour :votre dernier paragraphe. Je me croyais définitivement exclu de cette discipline en raison:d’une raideur peu commune.
J’ai pourtant été souple et grand sportif, mais avec l’âge, je n’ai pas vu venir cette carapace qui entrave mes mouvements et postures.
Je vais chercher un club qui voudra bien accepter un manche à balai de 75 ans.
Bien cordiale?ent