Chers amis,
Souvenez-vous, c’était il y a un peu plus de deux ans : vêtus de pulls à col roulé, le président Macron et celui qui était alors son ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, nous annonçaient la « fin de l’abondance » et un hiver difficile, sous la menace du black-out de l’énergie.
Cette séquence politico-médiatique avait mis en relief notre dépendance aux dispositifs modernes de chauffage.
Et il est vrai que, en cette période où il fait plus froid sur votre balcon que dans votre frigo, sans chauffage central, vous feriez votre toilette à l’eau glacée et dîneriez revêtu d’une polaire et d’une couverture en mohair, muni de moufles et de gants.
Qu’il soit électrique, au mazout ou photovoltaïque, le chauffage est un progrès dont beaucoup ne sauraient plus se passer et un luxe ordinaire dont certains abusent en surchauffant leur appartement quand quelques-uns en manquent cruellement.
Et pourtant, pourtant… rien ne réchauffe comme un feu de cheminée.
Avez-vous déjà remarqué que, quand une personne entre dans une pièce dans laquelle brûle un feu, elle est instinctivement attirée par le foyer ?
La danse hypnotique des flammes, leur douce chaleur et leur crépitement familier ont quelque chose d’irrésistible, de rassurant ; ils nous transportent dans un autre temps, loin de la frénésie moderne.
À l’inverse, vous conviendrez que votre chaudière n’a rien de très réconfortant et votre radiateur rien de particulièrement romantique, bien qu’ils vous rendent de précieux services !
Une enfance au coin du feu
J’ai fait le compte : à ce jour, j’ai habité dans 12 maisons ou appartements différents.
Je classe tous ces logements que j’ai habités au cours de ma vie en deux catégories : ceux qui avaient une cheminée, et ceux qui n’en avaient pas.
Le compte de ces derniers est vite fait : il y en a 3.
Et les plus chaleureux, ceux dans lesquels j’ai les souvenirs les plus chers, sont précisément ceux qui en étaient dotés.
Il y a la maison dans laquelle j’ai vécu jusqu’à mes 14 ans et où, l’hiver, le rougeoiement des braises dans la cheminée du salon était un spectacle qui, tout petit, me fascinait.
Bien des années plus tard, j’ai occupé durant trois ans un petit appartement dans un immeuble du XVIIème siècle doté d’une ancienne, mais excellente, cheminée. De toute ma vingtaine, c’est l’endroit où j’ai préféré rentrer lire et dîner le soir venu.
Et puis, il y a bientôt six ans, quand ma compagne et moi cherchions une maison assez grande pour accueillir notre famille qui venait de s’agrandir avec un troisième enfant, la présence d’une cheminée a été un critère décisif (en plus d’une chambre supplémentaire !).
La perspective de pouvoir offrir à mon tour, comme père, une enfance au cours de laquelle on peut jouer, dessiner et lire au coin du feu me semblait d’autant plus précieuse que la plupart des constructions modernes sont dépourvues de cheminée.
Ce critère, qui peut paraître très subjectif, est en réalité bien documenté : les cheminées sont un facteur de bien-être.
Le corps et l’âme au chaud
De fait, l’écrasante majorité des gens qui aujourd’hui se fatiguent à couper ou acheter du bois, à le débiter, à le transporter et à le disposer savamment dans l’âtre ne le font pas seulement pour réchauffer leur salon, voire leur maison.
Ils le font pour réchauffer les cœurs et la vie.
D’abord, en cette saison où la nuit tombe bien avant l’heure du dîner, un feu de cheminée éclaire votre logis d’une façon vivante.
Mais il n’y a pas que la vue qui est ainsi sollicitée par les flammes vacillantes : l’odorat et l’ouïe – et même le toucher pour vous qui manipulez les bûches – participent à « l’expérience » du feu de cheminée, avec son odeur de fumée (qui imprègne ensuite vos vêtements) et son crépitement caractéristique.
Une étude menée par des chercheurs suédois en 2020 a mis en lumière – c’est le cas de le dire – les vertus antistress du feu de cheminée[1] ; les feux de cheminée, assurent les auteurs de l’étude, permettent de réguler les émotions et le système nerveux et procurent un profond sentiment de sécurité.
Ce pouvoir des flammes est si profondément ancré dans notre inconscient qu’il suffit… de regarder des images d’un feu pour commencer à en ressentir les bienfaits !
Peut-être vous est-il déjà arrivé, dans des restaurants, des bars ou même des bureaux, de tomber sur des télés ou des écrans d’ordinateur diffusant des « films » de feux de cheminée.
Cela peut vous paraître absurde, peu écologique, mais ça n’est pas aussi idiot qu’il y paraît : des anthropologues américains ont ainsi pu constater que face à la diffusion d’images d’un feu de camp, la tension artérielle des participants baissait[2].
Cet effet était possible à la condition d’avoir le son en plus de l’image, c’est-à-dire le crépitement accompagnant les flammes.
Je crois que ces bienfaits du feu de cheminée tirent leur origine de la vie que nos aïeux menaient jusqu’à l’invention de l’éclairage au gaz et de l’électricité : dans les maisons, les feux, mais aussi les chandelles, étaient l’unique source de chaleur et de lumière à la nuit tombée.
Histoires au coin du feu
C’est autour du feu que l’on se réunissait, après une journée passée à travailler dans les champs, à l’atelier sur les bancs de l’école : le feu, la cheminée, permettaient de cuisiner, mais aussi de se détendre et de faire famille.
Se réunir au coin du feu consolidait les liens du groupe en permettant de réunir les jeunes et les aînés, d’échanger ses récits de la journée, de raconter des histoires aux plus petits.
C’est la raison pour laquelle le « foyer » du feu a fini par désigner… l’endroit même où la famille se réunit.
Si l’on remonte encore plus loin dans le temps, ce même feu, dont l’allumage était une conquête et la conservation un combat, permettait de tenir à l’écart insectes et animaux dangereux, mais aurait vraisemblablement permis l’apparition de la culture humaine : ce temps gagné sur la nuit, à l’ambiance unique, fut propice au développement des arts premiers, mais aussi au perfectionnement du langage.
Ça n’est pas pour rien que l’une des plus anciennes religions monothéistes de l’humanité, le zoroastrisme, voue un culte au feu : les mages entretiennent le « feu sacré », symbole de la puissance et de la sagesse divines, dans l’enceinte de temples consacrés[3].
L’entretien du feu est une composante essentielle de nombreux rituels au cours de l’histoire humaine, du feu des Vestales dans la Rome antique… jusqu’à la flamme olympique de nos jours !
Sans aller jusqu’à vouer un culte au feu, comment faire pour avoir chez vous, si vous avez la chance d’avoir une cheminée, un bon feu qui dure et ne fume pas ?
Eh bien cela dépend évidemment de votre savoir-faire à l’allumage et au démarrage… mais aussi du bois que vous utilisez.
De quel bois je me chauffe
Un « bon feu » repose sur une alchimie entre bois, air et feu ; tous les feux ne se valent pas, et certains peuvent transformer ce moment de sérénité en véritable calvaire pour vos poumons – et ceux de vos voisins.
Aussi le choix du bois est-il crucial. Optez pour du bois bien sec, avec un taux d’humidité inférieur à 20 %. Cela évitera la fumée dense et les crépitements intempestifs (ces petites explosions qui peuvent impressionner les plus jeunes).
Préférez des essences de feuillus denses comme le chêne ou le hêtre, qui brûlent plus lentement et dégagent une chaleur durable. Plus la bûche est dense, plus elle durera.
Les résineux, en revanche, comme le pin, le sapin, le mélèze, l’épicéa, sont à éviter pour une utilisation régulière : ils encrassent les conduits et produisent plus de particules fines.
Personnellement je ne les utilise que pour un allumage rapide. Si vous souhaitez une montée en température rapide, pensez à alterner grosses bûches et petit bois bien sec pour un allumage efficace.
Un petit conseil pratique : entreposez votre bois à l’abri de l’humidité pendant au moins deux ans avant de l’utiliser.
J’utilise beaucoup de bois de récupération chez moi et au début j’ai souvent fait (et fais encore) l’erreur de ne le laisser sécher « que » un an… et alors bonjour la fumée.
Enfin, un feu de cheminée mal entretenu peut émettre une quantité importante de particules fines, nocives pour vos bronches et pour l’environnement.
Il est donc essentiel de nettoyer régulièrement votre conduit de cheminée – une à deux fois par an – pour éviter les risques d’incendie et limiter les émissions polluantes.
Portez-vous bien,
Rodolphe
[1] https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2214629620302711 – Bodil S.A. Karlsson, Maria Hakansson, Jonas Sjöblom & Henrik Ström, « Light my fire but don’t choke on the smoke : Wellbeing and pollution from fireplace use in Sweden », in. Energy Research & Social Science vol.69, novembre 2020
[2] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25387270/ – Christopher Dana Lynn, « Hearth and campfire influences on arterial blood pressure: defraying the costs of the social brain through fireside relaxation », in. Evolutionary Psychology, 11 novembre 2014
[3] https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-cours-de-l-histoire/zoroastrisme-ainsi-parlait-le-feu-sacre-6701873 – « Zoroastrisme, ainsi parlait le feu sacré », France Culture, 16 avril 2024
Les lecteurs lisent aussi...
La taille des choses
Ressuscitation
Laisser un commentaire Annuler la réponse
En soumettant mon commentaire, je reconnais avoir connaissance du fait que Total Santé SA pourra l’utiliser à des fins commerciales et l’accepte expressément.
Bonjour!
C’est Exactement ce que moi même je pense du feu de cheminée!
Exactement! Il me rassure, c’est une compagnie, une presance … Maternelle!
Merci
Les flambées sont une catastrophe pour la qualité de l’air extérieur. Sauvez vos poumons et ceux des autres !
Le feu est tellement vivant et apporte cette touche de vie, chez moi je l’appelle Calcifer comme dans le Chateau Ambulant de Miyazaki :). Nous n’avons pas de télé car nous avons notre feu et c’est mieux !!
C’est le meilleur des chauffage. Avant j’ai eu la chance d’avoir une cuisinière à bois et c’était un vrai plaisir de cuisiner avec des l’automne. À présent je me contente de faire réchauffer la soupe sur mon godin.
Merci pour cet article
Bonjour, comme vous, nous avons eu des périodes de vue dans des maisons avec ou sans cheminée. Profiter d’un feu de cheminée est une chaleur inégalable. Chez nous, nous venons dans notre nouveau logement, de prendre un poêle à bois, lequel.nous procure la chaleur, la lumière, le crépitement du feu… C’est également une présence pour les gens seuls… Il nous procure toutes satisfactions sans compter qu’il permet une autonomie vis à vis des énergies fossiles… Quelque temps qu’il fasse, il permet de réchauffer la maison et les coeurs même en cas de coupure de courant. Il permet de voir le feu comme avec une cheminée et de bénéficier de toutes les sensations de la cheminée. Nous avons trouvé dans ce mode de chauffage, ce qui nous semble un bon compromis et de retrouver le bonheur de se poser devant le feu de cheminée. Bonne journée à vous tous
Je compte mieux pourquoi il me sera difficile de quitter cette petite maison que je loue dans un « trou du cul » du monde lotois ! Mal isolée, même très mal isolée ! Je peux arriver chez moi après une absence d’un week-end et le thermomètre affiche 7° ! En deux, trois heures, je me retrouve en tee shirt dans ma grande pièce faisant office de cuisine, séjour et salon ! J’adore ma TV même si elle n’a qu’une seule chaîne et que le son crépite !!!
Je suis d’un signe de feu et ai un sang de nomade et je trouve toujours de quoi troquer, un bon repas ou de la couture, contre la coupe du bois qu’on me livre en 1 m et que je dois couper en 0,50 m. En plus j’adore construire mon t’as bien équilibré comme mon papa nous demandait de le faire lorsque j’étais gosse car là aussi c’était un travail à plusieurs. Je ramasse les fagots dans les bartasses (mot local) et cela prémunit contre les feux de « brousse » ! J’avais envie de dire à notre soit disant « 1er de cordée » … » Ben moi ! Je traverse ma route et pas ma rue pour avoir du boulot, et non du bouleau car ici c’est le chêne vert du causse… Mais payez moi car c’est un boulot d’un intérêt collectif que je fais chaque année ! » . Mais je pense que j’aurai pissé dans un violon, sic !
Merci Rodolphe pour ce beau texte qui m’a réchauffé l’âme et le coeur !
Benoite Groult a écrit dans l’un ses livres : « Un feu de cheminée, c’est un emploi du temps : Il craque, il s’illumine; il s’effondre, il meurt en rougeoyant. Et je le contemple dans ses transformations jusqu’aux cendres finales ».
Cette phrase et encadrée au dessus de ma cheminée !
Je partage tout à fait ! Dès que j’ai habité une maison j’ai eu une cheminée et je l’apprécie beaucoup. Je suis donc très agacée par toutes ces campagnes des pseudo écolos contre les cheminées….je pense qu’il y a dans les industries modernes infiniment plus de choses qui polluent et contre lesquelles on ne fait rien car ce serait s’attaquer aus multinationales ! Et je ne parle pas des tankers qui circulent sur nos océans!
Bonjour et merci pour ce très bel article qui réchauffe l’âme et le coeur.Une éloge à un vrai plaisir dont je ne me passes pas depuis 30 que nous habitons une maison avec cheminée.C’est un second modèle moins polluant compte tenu des performances énergétiques en terme de rendement.Moins de bois pour plus de chaleur.Le chauffage au bois est un vrai investisement personnel : rentrer son stock en bonne saison, le ranger,couper si nécessaire.Ce mode de chauffage nécessite aussi que vous soyez suffisamment présent à domicile pour alimenter votre feu.Et oui pensez à l’entretien de votre matériel.
Cependant nous avons toujours hâte au mois de septembre en voyant les premières soirées un peu fraiches arriver un bonne occasion pour un feu vespéral.Nos enfants qui se sont souvent petit réchauffer à la chaleur du feu gardent effectivement cet attrait pour une belle flambée quand ils nous rendent visite.
Bons feux 2025
Bonjour Rodolphe
Merci pour cet article sur le feu. Nous avons un poêle à bois depuis le 22/12/1999 cad qq jours avant la fameuse tempête qui ns a laissée sans électricité pendant 3 j.
Depuis nous chauffons toute la maison au bois. C’est un plaisir immense que cette douce chaleur diffusée par notre poêle entourée de ses pierres olaires. Quand nous avons prévu les plans de la maison. Nous avions initialement prévu d’y installer un poêle en faïence ou Kachelofe comme on dit chez nous. L’architecte était très « direct » en nous déconseillant ce mode de chauffage archaïque à ses yeux dans une maison moderne avec les dernières inventions techniques. Nous nous sommes laissés influencés, avons toute fois opté pour installer une très bonne cheminée à tubage inox et une ouverture au plancher afin de pouvoir alimenter le poêle par la cave, si jamais…. Entre temps notre maison a été dotée d’un chauffage électrique high tech dernier cri au plafond. Il est toujours pre curseur.
L’idée du poêle ne nous a jamais quittée. Et nous avons effectivement suivi les conseils et opté pour ce poêle à pierres olaires. Depuis nous n’avons jamais cessés de nous chauffer et de nous délecter de notre poêle. Nous faisons du bois, mon mari est fan de s’occuper, de couper, stocker, fendre, déplacer, d’empiler, de remplir la brouette … de bois 🪵 pour ce poêle qui est devenu irremplaçable dans notre quotidien. Il est vrai que quelque fois le matin, la température nocturne baissé à 17 degrés dans la maison ou lorsque nous revenons du travail en fin de journée. Nous nous sommes habitués. Et en l’espace de qq bûches, la chaleur est revenue. Nous avons la chance d’habiter cette maison chaleureuse, dessinée et conçue par nos soins il y a bientôt 32 ans. Elle est restée moderne, ossature bois, larges baies vitrées orientées au sud. Presque comme nous…😉elle n’a pas pris une ride. Et je suis presque triste à chaque fois que la saison de chauffe se termine. Nous avons depuis toujours l’alternative : en été, nous faisons des feux d’agréments sur notre terrasse. 🤩🥳Chez nous sans conteste, nous aimons entretenir cette 🔥 flamme. Nous n’avons pas de TV dans le salon, le spectacle des flammes est irremplaçable.
Belle continuation à vous.
Bonjour monsieur Bacquet.
Je lis toujours avec plaisir vos chroniques intéressantes car elles prêtent à réflexion. Hasard ce matin, dans la file des news qui s’affichent sur mon portable, j’ai en même temps que vos propos sur le bonheur d’un feu de bois (j’ai moi aussi l’amour des cheminées), une info sur la ville rêvée d’Elan Musk : Starbase. Sur le sujet, il a beaucoup de « followers ».
Heureuse de ne sans doute jamais connaître cette nouvelle folie humaine (j’ai 77 ans), je prie pour que les humains soient toujours très nombreux à se réunir autour d’un feu de bois.
Bonjour Rodolphe,
J’adore regarder la danse des flammes.. elle m’hypnotise. Et de fait, me calme. Tant et si bien que lorsque la journée de travail a été compliquée, j’appelle mon époux sur la route du retour : allume la cheminée, stp !
C’est le point positif de l’hiver et du jour qui disparaît plus tôt avec le changement d’heure : on met le soleil, sa lumière et sa chaleur, au coeur de la maison 😉..
Éteinte, j’ai l’impression que la maison est triste.
Merci pour cette ode au foyer !
Qu’ajouter à votre lettre très complète, si ce n’est que je suis pleinement d’accord avec tout ce que vous y dites!
Pendant quatorze ans, nous avous eu une belle cheminée en banlieue de Pau (marbre des Pyrénées) et, depuis, suite à un déménagement, cela nous manque assez nettement
Sacré Rodolphe ,on apprécie vos lettres,on retrouve à travers vos anecdotes nôtre vecu…
Pour moi la cheminée représente la chaleur, le bien-être, le cocooning d’une maison en hiver. On oubli vite le bois à commander, à ranger car le sentiment du bien être est au delà de cette journée de rangement.