Chers amis,
Au mois de juin, l’agenda social de mes enfants est nettement plus rempli que le mien.
Ce ne sont qu’anniversaires, kermesses et autres goûters en plein air, dont la cadence augmente à mesure que la fin de l’année scolaire approche.
Je passe donc mon temps à préparer des pique-niques, chercher des casquettes, vérifier que les maillots de bain et les serviettes sont bien dans les sacs, négocier des heures de retour.
En fait, le mois de juin est celui des célébrations tous azimuts. On y célèbre les jours les plus longs – celui du débarquement de 1944, le 6, et celui du solstice d’été, le 21.
Les écoliers célèbrent la fin de l’année scolaire ; les lycéens, leur baccalauréat ; les mélomanes, la musique ; les Québécois, le Québec.
Aux fêtes de la Saint-Jean, durant la nuit du 23 au 24, on allume des feux de joie pour célébrer la jeunesse et le début des moissons.
La nuit est si courte qu’on prolonge le jour par ces grands bûchers accompagnés de rires et de musique.
Mais l’été ne fait pas l’unanimité.
L’été : regain d’activité ou repos bien mérité ?
Prenez ne serait-ce que ses dates.
Selon les astronomes et le calendrier des postes, l’été a débuté hier, le 21 juin.
C’est, en fait, je le disais, la date du solstice (pour l’anecdote, c’est également la date à laquelle on fête les Rodolphe ; et la fin astronomique de l’été correspond, elle, à l’équinoxe d’automne, le 22 septembre, date de mon anniversaire !).
Mais selon les météorologues, l’été a en fait commencé le 1er juin – une convention, basée sur les moyennes climatiques des températures. Ils le font terminer au 31 août.
La médecine traditionnelle chinoise, elle, situe le début de l’été vers le 5 ou 6 mai, au moment du Lìxià (立夏), littéralement « commencement de l’été », et le font terminer dès le 6 août, avec le début de la saison appelée Liqiu (立秋), soit le « début de l’automne ».
Pour l’éducation nationale française, les vacances d’été débutent cette année le 5 juillet et s’achèvent le 1er septembre…
Personne n’est d’accord sur les dates ! Au mieux, selon tous ces indicateurs, vous êtes sûr et certain d’être en été du 5 juillet au 6 août, soit pendant un mois seulement !…
Bref, si juin rime pour beaucoup avec « fin » à cause du calendrier scolaire, c’est en réalité le moment le plus propice à de nouveaux départs mais également à l’accomplissement : la longueur maximale des journées nous permet de nous lever de bonne heure et de nous coucher tard sans fatigue excessive.
Il faut tirer les fruits de cet ensoleillement généreux, au sens propre comme au sens figuré : c’est le moment de récolter !
Mais cet été qui débute est, pour beaucoup d’entre nous, le début des vacances, du repos.
Or les températures élevées et l’effort physique favorisent, par la transpiration, l’élimination des toxines.
C’est en réalité maintenant qu’il faut être le plus actif ! Quand il fait chaud, les muscles peuvent fonctionner à plein régime avec un risque réduit au minimum de tensions et de contractures.
Le soleil levé tôt nous offre une pleine et longue journée productive.
Et la meilleure façon de saluer ce pic d’activité, c’est le réconfort et le plaisir de se retrouver, entre amis ou en famille, en fin de journée, pour partager les fruits et les expériences des uns et des autres dans la lumière du soir.
Car il y a une chose qui met tout le monde d’accord : c’est que l’été est la saison de l’apéro !
On trinque : on mange
Un apéritif c’est, d’abord, un moment convivial qui « stimule l’appétit » (dixit le Larousse) et qui, par extension, désigne l’alcool que l’on boit à cette occasion[1].
C’est, en Provence, l’incontournable pastis ; le pommeau en Normandie ; le Crémant en Alsace ou en Bourgogne.
J’avoue, pour ma part, un faible pour l’Armagnac et le Floc de Gascogne (ça me vient de mon père).
L’effet de l’apéritif sur l’appétit est bel et bien réel et a fait l’objet d’études.
Des chercheurs en neuroimagerie ont montré que chez les femmes (pourquoi seulement les femmes ? Je l’ignore !), une petite quantité d’alcool consommée avant le repas active plus fortement l’hypothalamus – le centre de la faim dans notre cerveau – lorsqu’on sent des odeurs alimentaires[2].
C’est « l’effet apéritif » : un verre d’alcool ouvre littéralement l’appétit. Mais pas l’appétit pour n’importe quoi : ce sont les aliments salés, riches en protéines, qui deviennent irrésistibles.
Ce qui explique peut-être pourquoi on se jette plus volontiers sur une tranche de saucisson ou un morceau de fromage que sur une carotte crue…
Un lubrifiant pour les rapports… sociaux
Mais l’apéritif est aussi un lubrifiant social.
Une étude de l’Université de Pittsburgh a observé 720 personnes initialement isolées : lorsqu’elles partageaient un verre (à dose modérée), elles riaient plus souvent ensemble, parlaient davantage et ressentaient un sentiment plus fort de lien social[3].
Ce moment privilégié de l’apéritif, vous l’avez (je l’espère sincèrement pour vous) déjà vécu, et peut-être pas plus tard qu’hier soir.
On se sent plus proche, plus complice, plus en phase émotionnelle avec les autres. Ce n’est pas l’alcool en soi, mais le moment partagé, le relâchement qu’il induit, qui ouvre à l’autre.
L’apéro est un lubrifiant ; il peut aussi être un ciment.
Selon des chercheurs d’Oxford, fréquenter son « local » (pub de proximité) améliore la cohésion sociale, la confiance entre voisins, et le sentiment de bien-être, via une activation endorphinergique similaire à celle induite par la danse ou la musique[4].
L’apéro n’est pas le propre de l’homme
Cet effet de l’apéro est plus universel qu’il n’y paraît.
Il y a quelques semaines, des chercheurs ont documenté un « rituel » similaire chez des chimpanzés en Guinée-Bissau.
Rassurez-vous, personne n’a vu les singes se pointer avec un pack de bières et un bol de cacahuètes, et commencer à taper le carton.
Les éthologues ont en revanche filmé un groupe de primates du parc national de Cantanhez se réunissant en groupe pour consommer des fruits tombés à terre – et pas n’importe quels fruits : ceux de l’arbre à pain qui, fermentés, produisent un léger alcool visiblement apprécié des chimpanzés[5] !
Cet apéro prend, chez les singes, exactement les mêmes formes et remplit les mêmes fonctions que chez les êtres humains : il réunit pacifiquement des individus des deux sexes et de tous les âges, sans lien de parenté[6].

Or, pour ces singes, le fait de partager un mets, qui plus est en-dehors de toute territorialité alimentaire, est très inhabituel.
Car si l’ingestion d’alcool (en l’occurrence l’éthanol produit par la fermentation des fruits) dans la nature n’est pas rare, sa dimension collective chez les chimpanzés est, elle, inédite. Et elle résonne avec nos propres habitudes humaines : boire ensemble, à petites gorgées, tout en conversant, en s’observant, en tissant des liens.
Il semblerait que ce besoin de partage, cette volonté de créer un moment de détente en groupe autour d’une boisson légèrement euphorisante, soit inscrit dans les profondeurs de notre évolution.
La fête est-elle vraiment plus folle sans alcool ?
Je n’entends pas ici, bien entendu, faire l’apologie de la consommation d’alcool. Mais rappeler que ce moment d’apéritif, à la tombée du jour ou à l’approche du repas, joue un rôle important dans notre équilibre mental et social.
L’alcool est-il nécessaire pour profiter de ce moment ?
Vous vous rappelez probablement cette pub TV pour un succédané de champagne sans alcool dans la France des années 1990 : « Rendez-nous le chien ! » ; et le slogan de proclamer : « Sans alcool, la fête est plus folle ».
Sans alcool, la fête est-elle vraiment plus folle ?
La réponse est non, bien sûr, mais en réalité la fête – et l’apéro – peuvent être tout aussi réussis sans alcool.
Si vous prenez l’apéro régulièrement avec des enfants ou des adultes ayant fait vœu de sobriété, vous l’avez sans doute déjà constaté. Les miens, d’enfants, sont très contents avec leur verre de sirop, de limonade ou de jus de fruit – ne serait-ce que parce que boire une boisson sucrée est, par principe, déjà rare à la maison.
Il y a en fait, avec l’alcool – ou plutôt le faux alcool – un effet placebo.
Une étonnante étude hongroise a démontré que le simple fait de croire qu’on consomme de l’alcool – même s’il s’agit en réalité d’une boisson sans alcool – suffit à induire les mêmes comportements sociaux liés à l’apéro : plus de conversation, de rires, de sensations agréables[7].
Cela montre à quel point le rituel compte. Ce n’est pas tant le contenu du verre que le contexte dans lequel on le lève.
C’est le moment où l’on se raconte sa journée, où l’on se reconnecte les uns aux autres après les heures (parfois des jours !) de dispersion. Il y a souvent dans ces échanges une douceur, une attention, un rire partagé qui font plus de bien que mille pilules.
À votre santé !
Et, comme on lève traditionnellement son verre en se souhaitant « santé ! », l’apéro peut être, lui aussi, un moment santé.
Un bon apéro n’a en effet pas besoin d’être un cocktail de calories vides et de graisses saturées pour être réussi. Bien au contraire.
Il peut être l’occasion d’inviter sur la table les belles couleurs des légumes croquants que vous trempez dans un guacamole fait maison, les arômes puissants d’une tartinade, le pétillant d’un kombucha ou la fraîcheur d’une eau aromatisée.
L’idéal c’est tout simplement l’apéro méditerranéen.
Un peu d’huile d’olive sur une tartine de pain complet grillé, quelques tomates cerises coupées en deux avec un soupçon de fleur de sel, des olives noires charnues, quelques copeaux de fromage de brebis ou de feta, une poignée de pois chiches grillés aux épices… Et un bon petit vin rouge, modeste, mais chaleureux.
Préparez cet apéro avec ceux que vous aimez : invitez vos enfants ou vos petits-enfants à écosser les pois, à composer les brochettes de fruits, à choisir la musique.
L’apéro devient alors ce qu’il a toujours été dans son essence : un rite de passage du tumulte de la journée au calme du soir, un sas de décompression, un moment de grâce simple.
Ce type d’apéro estival est une célébration du soleil et des saveurs franches, sans lourdeur.
Il rassasie sans ballonner, donne envie de rester à table sans précipiter le repas. Un apéritif du sud, où l’on prend le temps, où l’on parle beaucoup, où l’on mange peu… mais bien.
Et vous, que prenez-vous à l’apéro ? Dites-moi en commentaire !
Portez-vous bien,
Rodolphe
[1] https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/ap%C3%A9ritif/4428#:~:text=prend%20cette%20boisson.-,ap%C3%A9ritif%20adj.,le%20repas%20%3B%20moment… – Entrée « apéritif » du Larousse en ligne
[2] https://www.researchgate.net/publication/279303175_The_aperitif_effect_Alcohol%27s_effects_on_the_brain%27s_response_to_food_aromas_in_women – William Eller, Rose Case, et al., « The aperitif effect : Alcohol’s effects on the brain’s response to food aromas in women », in. PubMed, juillet 2015
[3] https://www.sciencedaily.com/releases/2012/06/120629211854.htm – University of Pittsburgh, « Moderate doses of alcohol increase social bonding in groups », in. Science News, 29 juin 2012
[4] https://www.ox.ac.uk/news/2017-01-06-your-health-benefits-social-drinking – « Your health ! The benefits of social drinking », site de l’Université d’Oxford, 6 janvier 2018
[5] https://www.20minutes.fr/planete/4149975-20250423-chimpanzes-filmes-train-prendre-apero-intriguent-chercheurs – « Ces chimpanzés filmés en train de “prendre l’apéro” intriguent les chercheurs », in. 20 Minutes, 23 avril 2025
[6] https://www.cell.com/current-biology/fulltext/S0960-9822(25)00281-7 – Anna C. Bowland, Elena Bersacola et al., « Wild chimpanzees share fermented fruits », in. Current Biology, vol.35, issue 8, 21 avril 2025
[7] https://link.springer.com/article/10.1007/s11469-020-00321-0?utm_source=chatgpt.com – Vivien Bodnar, Krisztina Nagy, et al, « Alcohol and Placebo : the Role of Expectations and Social Influence », in. International Journal of Mental Health and Addiction vol.19, 15 juin 2020
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Bonjour,
Je suis bien d’accord avec vous,l’apéro est un moment bien sympathique de partage.
Nous sommes des adeptes à 100% !
C’est un moment joyeux où l’on peut discuter de tout mais surtout blaguer et rire car de nature nous sommes toujours de gais lurons à 78 et 80 printemps ( Ah bon? Déjà ?)
Ma moitié aime le blanc ou le kir et pour ma part c’est toujours le gin tonic.
Ce que j’aime préparer car c’est délicieux ,c’est du kiri mélangé avec des échalotes hachées et nappé avec des oeufs de lump noirs et rouges.
Tomates cerises et gros cornichons Malossol à la Russe.
J’aime beaucoup les apéros dinatoires ,ainsi la soirée peut se prolonger jusqu’à point d’heure.
Je vous lis dès que je peux car je suis très occupée mais j’espère prendre ma retraite avant 85 ans.
Du coup je vous mets en dossier comme d’autres mails que je reçois mais je compte bien tout lire d’un coup.
Deux mots sur les ARN qu’on nous a forcé à faire alors que nous étions contre.C’est un scandale !!!
Pour nous,pas de bol,ayant eu des problèmes avec le locataire de notre resto à la montagne,nous avons du assurer 2 saisons à 15 et 18 h /jour en plein covid.
Suite aux injections,mon mari qui n’a aucun problème de santé a chopé la maladie de Horton.
Plus d’un an sous cortisone! Merci le gouvernement !!
Quant aux labos n’en parlons pas,il y a tellement de fric en jeu qu’ils ne sont pas près de disparaître.
Il faudrait garder un labo + Boiron et Wéléda ..
Bravo pour vos articles pertinents.
Au plaisir de vous lire.
Nanouche F.
Je n’ai pas l’habitude de prendre un apéro, mais pour moi votre texte est un magnifique digestif intellectuel, Bravo!!
Bonjour et d’abord bonne fête à vous (même si j’ai un peu de retard!), perso, il y a longtemps que je ne prends plus d’apéritif, car j’ai arrêté de fumer (même si je n’en grillais que deux dans la journée – budget serré oblige) il y a au moins cinq ans. Je faisais partie de la tribu des « cafés-clopes » et des « apéro-clopes », et je m’étais dis que même si je ne consommais pas beaucoup d’alcool (une bouteille de vin par mois me durait une semaine), si je voulais arrêter l’une, il fallait aussi que j’arrête l’autre. Ceci dit, je bois quelquefois une bière (une seule) quand je mange asiatique (j’adore les plats chinois ou japonais, et pas que!) et mexicain – mais rarement, toujours à cause de mon budget. Sinon, à une époque, j’étais très « Martini », mais maintenant je préfère le groupe (Pink Martini)! Sinon, je buvais aussi du kir et j’adore le Spritz en été – sinon, je vous recommande un kir royal à la liqueur de melon (vous n’êtes pas obligé de prendre du champagne, un crémant ou du Prosecco fait très bien l’affaire – sans oublier d’ajouter trois billes de melon et une feuille de menthe sur une brochette), en cette saison, c’est top! A votre santé!
Je désirais parler à une personne responsable, et conseiller, quelqu’un qui pourrait m’écouter et me comprendre J’ai confiance, mais peut-on me faire confiance? Peut-on me comprendre? J’attends d’avoir mes réponses il l’écoute savoir si on peut m’avoir compris de ce qu’on pense de l’idée que je peux offrir. Merci bien à vous d’une personne avec un désir fou de réussite, mais avec un manque d’appuis compréhensif et logique. Merci et bien à vous une personne vivant d’espoir avec conjoint.
Bonjour Rodolphe,
J’ai l’appétit de commenter l’apéro (c’est mon premier commentaire) car il est effectivement important pour moi dans son annonce d’un bon moment partagé. Il sera chez nous constitué essentiellement d’olives noires et vertes, de graines de courges grillées aux épices, de chips de chou kale ou de pelures de pommes de terres, de dés de melon, radis et autres tomates cerises et de cubes de fromage de chèvre très sec, plus ou moins de cacahuètes si c’est un peu la dèche.
Le verre: Avec ou sans alcool, mais souvent simplement constitué un verre du vin rouge qui sera terminé pendant le repas convivial.
Pas besoin forcément d’être nombreux pour profiter, l’apéro du vendredi soir est un rituel simple pour mon mari et moi.
Merci pour votre plume toujours aussi agréable à lire. Elle me sert souvent d’apéro intellectuel avant d’autres activités productives.
Bel été à vous
Bonjour,
Il y a plusieurs années, mon neveu nous présentait sa petite amie de l’époque, venue des USA. A. était une fille brillante, pétillante, curieuse et tellement sympathique. A. découvrait à chacun de nos appero ce qu’elle appelait « des mini snacks ». Elle disait que chaque maison avait les siens, et que ce n’était jamais les mêmes. Je me souviens de son regard, le cou tendu prête à découvrir ce que contenaient plateaux, bols et planches lorsque je sortais de la cuisine. Elle découvrait avec plaisir,curiosité et intérêt chacune de ces propositions.
C’est À. et nos partages de ces moments qui m’a fait prendre consciente de cette variété de propositions, de notre créativité autour de ce moment de partage et de plaisir qu’est l’apéritif…
Merci pour votre article qui m’a immédiatement fait repenser à À à qui je n’avais pas pensé depuis un moment, je suis heureuse de cette rencontre et de mes souvenirs …
Un verre de bon vin, ou alors du vin de noix, de coing quelquefois avec de l’eau pétillante, ou également un vin pétillant. Du saucisson, des saucisses cocktail, du fromage, bretzels, et des chips de galettes bretonnes.
C’est effectivement un moment de partage !