Chers amis,

J’en ai conscience, je vous ai envoyé beaucoup de pétitions récemment.

En moins de quinze jours, j’en ai écrit deux : l’une contre la criminalisation des porteurs de canif[1], l’autre demandant au nouveau gouvernement Barnier de renoncer à son projet de généraliser la vidéosurveillance algorithmique[2].

Ces deux combats peuvent paraître éloignés l’un de l’autre. Le premier, dérisoire. Le second, illusoire. Ils participent pourtant de réactions à un même phénomène.

Je n’avais pas du tout prévu, dans mon emploi du temps, de rédiger ces deux textes ; ils se sont imposés à moi pour faire face au caractère absurde et révoltant de ces « mesures » sorties du chapeau (hélas) sans fond de notre régime technocratique.

Et dans l’espoir d’alerter et de réveiller les esprits qui peuvent encore l’être.

L’« avenir dystopique » de la France

Car au scandale de cette accumulation inarrêtable de règlementations, de restrictions, de contrôle, s’en ajoute un autre : le consentement silencieux de l’opinion.

Les voix, pour dénoncer ces insultes au bon sens et ces gifles à l’État de droit, sont désormais rarissimes dans la presse, les médias, et même les partis politiques.

Quand elles s’élèvent, elles sont soit réduites au silence (c’est-à-dire censurées), soit raillées et décrédibilisées par les amalgames habituels (complotisme, extrémisme, etc.).

Seules quelques associations internationales mettent en garde contre les coups de boutoir répétés que les autorités infligent à cette démocratie qu’elles prétendent encore défendre.

Dans son rapport 2023[3], l’une de ces associations, Amnesty International, dénonce la dégringolade de la liberté d’expression en France : « Les autorités ont imposé à de nombreuses reprises des restrictions excessives, disproportionnées et illégitimes du droit de manifester […] invoquant des risques de “troubles à l’ordre public” ».

Amnesty International alerte également depuis plusieurs mois sur la pente dangereuse de la surveillance de masse dans laquelle la France s’est engagée, « inaugurant un avenir dystopique » débouchant sur « de graves violations des droits humains »[4].

Entre nous soit dit, Amnesty International pisse dans un violon.

Ces alertes répétées n’ont pas empêché le tout nouveau gouvernement Barnier d’annoncer son ambition de généraliser la vidéosurveillance algorithmique après les JO de Paris.

Et pour cause ! Personne ne moufte !

Ce silence, cette indifférente mollesse, cette indolence résignée, ne viennent pas de nulle part.

J’y vois le résultat de plusieurs années d’infantilisation méthodique de la population.

« C’est pour votre bien »

Comment la France, qui se targue d’être la nation auteure de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen, comment les citoyens français, qui passent pour être les plus attachés à leur liberté en Europe, se retrouvent-ils aujourd’hui mis au pas ?

Comment un peuple, qui a passé tout le XIXème siècle à enchaîner les révolutions dès que l’on rognait trop ostensiblement sur son idéal de liberté, mettant fin à un régime puis à un autre, faisant abdiquer un roi puis un autre, peut-il se laisser aujourd’hui docilement mener par le licol jusqu’à un réduit aseptisé sans lumière ni espace ?

La réponse tient à ces cinq mots : « c’est pour votre bien »

Autrement dit : « c’est pour votre sécurité » ; « c’est pour votre santé » ; « c’est pour votre bien-être ».

Oh, je sais bien que c’était une tendance latente en France depuis la fin du XXème siècle.

Cela fait quelques décennies que les normes, les réglementations, les slogans de santé publique nous indiquent quoi manger et dans quelles quantités – avec des partis pris d’ailleurs discutables, et des raccourcis scientifiques déconcertants.

Mais les choses ont pris un tournant radical, à mes yeux, au milieu des années 2010.

De l’État prescripteur à l’État autoritaire

Jusqu’alors, nous avions affaire, en matière de santé et de sécurité, à un État prescripteur, qui « conseillait » – certes parfois de façon insistante – ses citoyens, petits et grands, sur les bons réflexes en matière de santé.

Il recommandait aux parents les vaccinations à faire faire aux enfants, et se gardait bien d’imposer quoi que ce soit aux adultes eux-mêmes.

Puis sur la question de la vaccination infantile, précisément, l’État est passé de la recommandation à l’obligation, lorsqu’il a décrété du jour au lendemain, en 2018, que nos bambins devraient recevoir non plus 3, mais 11 vaccins obligatoires.

La France est, je le rappelle, le seul pays au monde à imposer autant de vaccins aux enfants.

Déjà, alors, l’autorité de l’État s’est substituée à celle des parents, dépossédés de leur droit à choisir ce qui était bon ou non en matière de vaccination pour leurs enfants.

L’État est passé du statut d’oncle donnant des conseils aux parents, à celui de précepteur et de pédiatre de votre enfant, décisionnaire à votre place.

Il n’a pas fallu attendre deux ans pour que l’État devienne également votre médecin à vous, adulte, et vous prive de votre droit de décider.

C’est en effet un médecin d’un genre particulier qui prend les décisions de santé pour vous, sans vous consulter, sans discuter. Par décrets.

Nous avons en effet, à la faveur du Covid, basculé de l’État prescripteur à l’État autoritaire.

Les gouvernements successifs, depuis 2020, ont, sous prétexte de crise sanitaire, multiplié les mesures de coercition, les contraintes arbitraires, les mesures absurdes ; par seule pulsion autoritaire, sans réelle base scientifique.

Les confinements successifs ; le port du masque obligatoire ; les fermetures de lieux publics puis leur accès conditionné ; l’obligation vaccinale tacite ; bref, les restrictions de liberté ont été présentées comme des actes « responsables ».

Mais à quel moment avez-vous été invités à véritablement participer à ces décisions ?

Le gouvernement, les médias autorisés, avec leur cortège d’invités dans la ligne du parti, ont propagé l’idée que toute critique de cette gestion était irresponsable, voire dangereuse.

Depuis, c’est triste à dire, nous avons pris le pli.

Par « nous », j’entends la majorité de la population française, qui semble désormais habituée à ce que l’État outrepasse régulièrement ses droits et ses prérogatives, et rogne un peu plus sur notre liberté de conscience et d’action au profit affiché de plus de sécurité, et se substitue à notre capacité de jugement et de décision.

Exactement comme un adulte le ferait avec un enfant irresponsable.

Êtes-vous en danger… ou êtes-vous un danger ?

Il ne se passe désormais plus une semaine sans que de nouvelles directives soient émises pour vous « protéger » d’un danger réel ou fantasmé, ou vous protéger de vous-mêmes.

Il y a eu la crise sanitaire, puis la crise énergétique, la crise climatique.

Et à chaque fois, un pas de plus est franchi vers une infantilisation généralisée.

Cela va du plus ridicule au plus sérieux.

Vous n’avez plus, aujourd’hui officiellement en France, le droit de vous promener avec un couteau de poche : vous serez passible d’une amende de 500 euros et d’une inscription au casier judiciaire !

Aujourd’hui à Paris, demain dans toute la France, vous ne pourrez plus sortir dans la rue sans que vos moindres faits et gestes soient captés, enregistrés et analysés par une intelligence artificielle.

C’est la généralisation de la fameuse vidéosurveillance algorithmique mise en place sous prétexte de sécurité durant les JO 2024, et qui va – quelle surprise ! – être définitivement adoptée par le gouvernement Barnier.

Dans ces deux cas, et dans presque tous les autres, on ne saisit pas bien si ces mesures sont imposées parce que vous êtes en danger, ou bien parce que vous êtes un danger.

Quoi qu’il en soit, cet État autoritaire et paternaliste vous impose ces décisions sans jamais vraiment vous consulter, que ce soit sur la gestion de votre santé, les vaccins, ou même votre alimentation.

Vous êtes traité comme un enfant, incapable de faire des choix éclairés pour votre propre vie ; pire encore, vous êtes implicitement considéré comme un danger potentiel pour autrui.

Les médias mainstream ont bien joué leur rôle en renforçant cette peur permanente, alimentant un climat d’urgence qui justifiait ces mesures excessives.

Et ce n’est pas seulement une question de santé. Cette infantilisation s’insinue dans notre quotidien. Les réglementations de sécurité sont parfois si poussées qu’on se demande s’il nous reste une marge pour décider comment nous voulons vivre.

Les décisions politiques sont prises sous couvert de nous protéger, mais à quel prix ?

L’abandon progressif de nos libertés, de notre autonomie.

De notre dignité.

Jusqu’où cela ira-t-il ? Quand cessera-t-on de croire que l’État a toujours raison et que nous, simples citoyens, sommes incapables de comprendre ce qui est bon pour nous ?

Il est vrai que notre civilisation assise, la tête baissée en toute circonstance vers son smartphone, dans le bus, dans le métro, désormais plus soucieuse du programme qu’elle consommera le soir-même sur Netflix que de ses libertés fondamentales, paraît bien docile. 

Nous devons à plus forte raison rester vigilants et refuser d’être passivement dirigés comme des enfants trop immatures pour comprendre.

C’est pourquoi, pour ma part, je continue, je continuerai, à dénoncer et à alerter, dans la mesure de mes moyens, chaque pas de plus vers cette infantilisation orchestrée.

Car un peuple infantilisé est un peuple faible, à la merci des pires sévices.

Restez éveillés, critiques et, surtout, adultes.

Portez-vous bien,

Rodolphe Bacquet


[1] https://www.leslignesbougent.org/petitions/non-a-la-criminalisation-des-porteurs-de-canif-19194/

[2] https://www.leslignesbougent.org/petitions/non-a-la-videosurveillance-algorithmique-generalisee-voulue-par-le-gouvernement-barnier-19382/

[3] https://www.amnesty.org/fr/location/europe-and-central-asia/western-central-and-south-eastern-europe/france/report-france/ – « France 23 », site d’Amnesty International

[4] « France : les technologies intrusives de surveillance lors des Jeux Olympiques pourraient inaugurer un avenir dystopique », communiqué d’Amnesty International, 20 mars 2023