Chers amis,
Parmi les méthodes de santé naturelles régulièrement brocardées par les médias mainstream et la médecine officielle, on trouve tout ce qui se rapporte au jeûne.
Le jeûne sous tous ses formes, c’est-à-dire la démarche de réduire ses apports de nourriture, d’une façon ou d’une autre : le jeûne complet (plusieurs jours d’affilée), le jeûne intermittent (plusieurs heures par jour), ou encore la restriction calorique.
C’est précisément de cette dernière dont j’aimerais vous parler aujourd’hui.
Une étude importante, publiée la semaine dernière dans la prestigieuse revue Science, vient en effet de confirmer sur l’être humain les bienfaits que l’on prête depuis des siècles (vous allez voir que je n’exagère pas) à cette pratique.
Ces bienfaits se résument d’une manière admirable : la restriction calorique favorise bel et bien une vie plus longue, et en meilleure santé.
Ne confondons pas restriction calorique et privation de nourriture !
La restriction calorique, ça n’est pas seulement moins manger : c’est avant tout, comme son nom l’indique, réduire les calories dans son alimentation.
Ça n’est donc ni de la dénutrition, ni de la sous-nutrition !
La restriction calorique n’a rien d’une nouveauté, et sa « formule » scientifique remonte aux années 1930.
Comme beaucoup d’objets d’étude, la restriction calorique a d’abord été expérimentée sur des animaux de laboratoire. Ces derniers peuvent, généralement, consommer les quantités de nourriture qu’ils ont envie de consommer.
On a, depuis longtemps, observé que si l’on réduit fortement les quantités données de nourriture – d’un tiers ou de moitié par exemple – les animaux subissent des effets négatifs de ces restrictions : leur durée de vie est abrégée.
C’est en 1935, aux États-Unis, qu’un chercheur en gérontologie, Clive McCay, a l’idée de ne restreindre que les calories et de compenser par des compléments les manques en vitamines et en minéraux résultant de ces moindres quantités d’aliments.
Ce qu’a alors observé McCay a déterminé toutes les recherches sur ce sujet depuis lors.
Car non seulement les rats de son étude n’ont pas vu leur durée de vie réduite… mais leur longévité maximale (pas seulement moyenne) était augmentée de 40 %, et ils présentaient nettement moins de pathologies dégénératives[1].
Peut-on reproduire ces effets chez l’être humain ?
Depuis les années 1930, cette expérience a été répétée des centaines de fois, sur toutes sortes d’espèces animales, y compris des primates (on sait par exemple qu’une espèce de lémuriens peut augmenter son espérance de vie de 50% par la restriction calorique[2] !).
Mais s’il est facile d’observer les effets d’une restriction calorique chez des animaux de laboratoire, dont l’espérance de vie est par nature plus courte que la nôtre, les conditions de « mesure » chez l’être humain sont plus compliquées.
C’est pourtant ce que sont parvenus à réaliser des chercheurs de l’université de Yale, aux États-Unis.
Ces scientifiques ont réuni 200 volontaires, qu’ils ont suivi durant plusieurs années : 100 d’entre eux ne devaient rien changer à leurs habitudes (groupe contrôle), tandis que les 100 autres devaient diminuer leurs apports en calories de 14% (en moyenne).
Les chercheurs se sont particulièrement intéressés aux effets de cette restriction calorique sur le système immunitaire des participants, et notamment sur la production des « soldats » de défense immunitaire, les lymphocytes T.
Qu’ont-ils observé ?
Que le thymus, la glande qui donne naissance et forme ces lymphocytes T, fonctionne mieux et produit davantage de « soldats » chez les participants suivant une restriction calorique.
Autrement dit : la restriction calorique améliore les défenses immunitaires chez l’être humain, le rendant plus apte à affronter les pathogènes, et donc… à vivre plus longtemps en meilleure santé[3].
Ils n’ont pas attendu les études scientifiques pour vivre plus longtemps grâce à la restriction calorique !
À présent, remettons les choses en perspective.
Car la « confirmation » par cette étude des bienfaits de la restriction calorique sur la longévité humaine revient à demander à une médaille Fields (le « Nobel » des mathématiques) de confirmer que 2 et 2 font 4 !
La restriction calorique, et le jeûne sous ses différentes formes, fait partie des « prescriptions » de nombreuses cultures, notamment via les religions.
Dans la religion juive, on jeûne au moins une fois par an (le jour de Yom Kippour) ; Jésus jeûna 40 jours dans le désert, et les Chrétiens observent le Carême ; durant le Ramadan les Musulmans jeûnent du lever au coucher du soleil…
Cette tradition du jeûne dans les grandes religions monothéistes a une dimension évidemment spirituelle. Mais elle trouve également sa source dans l’observation, empirique et ancestrale, des effets de ce jeûne intermittent ou prolongé sur la santé.
En Occident, l’un des grands « démonstrateurs » de la restriction calorique fut Luigi Cornaro, un Vénitien de la Renaissance, qui après avoir fait la noce pendant des années, décida, la quarantaine venue, de mener une vie plus modérée afin d’épargner sa santé et d’accroître sa longévité.
Il a exposé, dans quatre livres[4], les règles de vie qu’il a suivies au fil des années. Voici ce qu’il écrit :
« Pour remédier à tous ces maux que les gens ont dès l’âge de 40 ou 50 ans, l’homme doit vivre selon la simplicité dictée par la nature, qui nous apprend à nous contenter de peu et à ne manger que le strict nécessaire, car tout excès de nourriture cause la maladie et mène à la mort. J’ai décidé de renoncer à l’intempérance à cause du long cortège d’infirmités qui avait fortement affaibli ma constitution délicate. Je me suis livré à un excès de nourriture et de boisson durant des années, et mon estomac a commencé à se détraquer : violentes coliques, accès goutteux avec fièvre continuelle. La seule délivrance que je pouvais espérer était la mort. Je me trouvais dans un état pitoyable à 40 ans. Des médecins m’ont fait comprendre qu’il était impératif que je change de mode de vie. »
Quelques années plus tard, ses proches s’inquiètent et essaient de le persuader de manger de nouveau plus. Il se laisse convaincre, mais en une semaine, son bien-être s’évanouit.
« J’avais à peine mené ce genre de vie pendant huit jours que j’ai commencé à perdre mon entrain, ma gaieté, et à devenir irritable et déprimé. Au douzième jour, j’ai ressenti une douleur au côté, accompagnée d’une fièvre qui a duré trente-cinq jours. J’ai donc renoncé pour reprendre mon régime initial, et tout est allé à nouveau bien… »
« J’ai rappelé à mes proches ces deux proverbes :
– Qui mange peu, mange beaucoup, durant de longues années.
– Ce que nous laissons après un repas copieux nous fait plus de bien que ce que nous avons mangé. À l’avenir, l’homme qui suit ces recommandations ne tombera plus jamais malade, il n’aura plus besoin de médecins ni de médicaments. Il deviendra son propre médecin, car lui seul est son meilleur médecin. »
La restriction calorique réussit à Luigi Cornaro : il vécut 102 ans ! Ce qui, au XVIe siècle, était encore plus rare que de nos jours.
À 95 ans, il faisait encore l’éloge de ce mode de vie sobre dans son ultime livre :
« Malgré mon grand âge, je suis bien portant et joyeux, j’ai bon appétit et je dors bien. Tous mes sens sont en parfait état, mon intelligence est claire et vive, mon jugement sain, ma mémoire fiable, mon moral bon et je chante matin et soir. »
Et ces dernières lignes d’un « bienportant » de 95 ans sont conformes à ce que j’ai pu moi-même observer à de nombreuses reprises à Okinawa.
Hara hachi bu
Car ce que j’appellerai la « restriction calorique spontanée » est également l’une des règles d’or des seniors d’Okinawa.
Lors de mes voyages dans le fameux « archipel des centenaires », j’ai découvert la règle appelée « hara hachi bu » (ce qui signifie tout simplement « quatre-vingt ») qui consiste à cesser de manger lorsque l’on atteint environ 80% de satiété.
En d’autres termes : mettre fin à son repas lorsque l’on n’a plus faim, mais que l’on pourrait encore manger encore.
Mais une fois de plus, il ne s’agit pas seulement de « manger moins ».
On estime que, dans leur alimentation traditionnelle, les Anciens d’Okinawa consomment en moyenne 300 calories de moins que nous et très peu de protéines animales avec le succès que l’on connaît, puisqu’ils détiennent le record mondial de longévité en bonne santé et une fréquence très basse de pathologies dégénératives (cancers, maladies cardiovasculaires, démences)[5].
Le plus beau, et le plus inspirant pour nous, est qu’ils arrivent à le faire sans se priver, au contraire, en étant de fins gourmets. Je peux vous assurer que je me suis rarement autant régalé qu’à Okinawa !
On observe le même phénomène dans plusieurs autres zones bleues, ces régions du monde où l’on vit plus longtemps et en meilleure santé qu’ailleurs : ces peuples à longévité record sont gourmets, voire gourmands…. Mais pas goinfres !
Ils choisissent avec grand soin les aliments qu’ils « invitent » à leur table.
Manger moins, mais mieux
L’étude publiée dans Science la semaine dernière n’est donc pas un scoop : c’est plutôt une confirmation, par une méthode scientifique rigoureuse, des effets sur l’être humain des bienfaits de la restriction calorique.
Ces bienfaits sont connus de longue date empiriquement chez les populations qui la pratiquent, et par différentes études menées sur des animaux.
On sait désormais assez bien comment la restriction calorique agit sur l’ensemble de l’organisme :
- Elle réduit la quantité de radicaux libres émise par les mitochondries, nos petites « centrales à énergie » (moins de carburant brûlé, moins de déchets) et en augmente le rendement (plus d’énergie avec moins de calories)[6];
- Elle renforce nos défenses antioxydantes et réduit l’insuline[7];
- Elle augmente la résistance au stress, l’endurance, et désactive un « nutrient sensor », l’enzyme mTOR, qui est pro-inflammatoire et réduit la longévité[8].
Je soulignais un peu plus haut, au sujet du régime okinawaïen, l’importance de la réduction des protéines animales : une étude de 2008 souligne qu’une restriction calorique marquée par une plus faible consommation de protéines animales permet de faire baisser l’IGF-1, un facteur de croissance dont un fort taux circulant est associé à un plus fort risque de cancer[9].
Traduction : la restriction calorique à dominante végétarienne comme on les trouve dans les zones bleues (où l’on trouve un rapport de 80/20 entre apports végétaux et apports animaux) est encore plus protectrice, notamment pour prévenir les cancers.
Manger moins, ça n’est donc pas seulement vivre plus longtemps, c’est aussi manger et vivre mieux !
Portez-vous bien,
Rodolphe Bacquet
Sources :
[1] McCay C et al, The effect of retarded growth upon the lifespan and upon the ultimate body size, J Nutr, 1935,10 : 63-79, https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/2520283/
[2] Lane MA, Ingram DK, Roth GS, Nutritional modulation of aging in nonhuman primates. J Nutr Health Aging. 1999;3(2):69-76. PMID: 10885801, https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/10885801/
[3] Spadaro O, Youm Y, Shchukina I, Ryu S et al., Caloric restriction in humans reveals immunometabolic regulators of health span. Science. 2022 Feb 11;375(6581):671-677. Epub 2022 Feb 10. PMID: 35143297, https://www.science.org/doi/10.1126/science.abg7292
[4] Les quatre ouvrages de Luigi Cornaro peuvent être consultés sur le site de la Bibliothèque nationale de France (BNF), https://data.bnf.fr/fr/12006922/luigi_cornaro/
[5] Willcox BJ et al., Caloric restriction, the traditional Okinawan diet, and healthy aging : the diet of the world’s longest-lived people and its potential impact on morbidity and life span, Ann N Y Acad Sci, 2007, 1114 : 434-55
[6] Civitarese AE et al, Calorie restriction increases muscle mitochondrial biogenesis in healthy humans, Plos Med, 2007, 4 (3) : e76.
[7] Roth GS, Lane MA, Ingram DK, Mattison JA, Elahi D, Tobin JD, Muller D, Metter EJ. Biomarkers of caloric restriction may predict longevity in humans. Science. 2002 Aug 2;297(5582):811. PMID: 12161648, https://www.science.org/doi/pdf/10.1126/science.1071851
[8] Gallinetti J, Harputlugil E, Mitchell JR. Amino acid sensing in dietary-restriction-mediated longevity: roles of signal-transducing kinases GCN2 and TOR. Biochem J. 2013 Jan 1;449(1):1-10. PMID: 23216249; PMCID: PMC3695616, https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23216249/
[9] Fontana et al., Long-term effects of calorie or protein restriction on serum IGF-1 and IGFBP-3 concentration in human, Aging Cell, 2008; 7 (5): 681.
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c’est toujours très intéressant de vous lire et je prends le temps d’aller jusqu’au bout merci