Chers amis,
C’était il y a exactement une semaine, soit le 1er janvier 2025.
Nous étions en famille chez ma belle-sœur, qui a une petite exploitation agricole bio dans les Alpes de Haute-Provence. Elle élève des chèvres sur un mode « permaculture » raisonné.
Dans sa bergerie cohabitent une cinquantaine de chèvres, trois chats (pour les souris) et une demi-douzaine de gros canards (qui se chargent des mouches l’été).
Il y a aussi quelques poules évadées du poulailler, dont il faut chercher les œufs dans des endroits improbables (c’est donc toujours Pâques) ; quand on ramène à des amis des œufs de là-bas, ils sont toujours étonnés par leur variété de tailles et de couleurs !
Et une paire de cochons, qui mangent le petit lait, résidu du fromage de chèvre.
Tout ce petit monde ne prend pas de vacances et donc, le 1er janvier, les chèvres sont allées pâturer comme n’importe quel autre jour ; sauf que ce jour-là, une chèvre a mis bas dans les collines !
Le chevreau du nouvel an
C’était la première garde de l’année, et la première naissance de l’année.
Le chevreau – ou plutôt la chevrette – est née à une heure de l’après-midi, comme pour honorer cette collection de 1.
Une petite biquette toute noire, sortie tranquillement, et toute fumante : il faisait beau, sec et froid ce jour-là, et le contraste avec la température du placenta était visible !
Sa maman l’a consciencieusement léchée et nettoyée :
Et la petite biquette n’a pas mis trente minutes à parvenir à se dresser sur ses quatre pattes, et moins d’une heure après, elle têtait déjà (ce qui n’est pas si courant que ça). Un peu plus tard je l’ai ramenée (amenée tout court, en réalité), emmitouflée dans un K-Way, à la bergerie. Elle poussait des petits soupirs de nouveau-né.
Lorsque nous sommes repartis quelques jours plus tard, la mini-biquette et sa maman se portaient à merveille. Elle était douce comme un chat !
L’année a donc bien commencé, par cette naissance ensoleillée.
Le lait aux mille vertus
Comme lors de chacun de nos séjours, je me suis mis de côté un petit pot de lait de chèvre après la traite du matin, que j’ai ensuite bu au petit-déjeuner.
C’est évidemment exceptionnel, car d’ordinaire je ne bois pas de lait, ni le matin ni à aucun autre moment de la journée – mais ce lait-là est bien plus qu’un simple aliment : c’est un trésor nutritionnel que l’on gagne à redécouvrir.
Le lait de chèvre n’est pas issu de filières productivistes comme le lait de vache : les troupeaux de chèvres sont plus réduits, ils reçoivent moins (voire pas) de traitements antibiotiques, ont une alimentation plus naturelle, et leur lait ne subit pas de traitement UHT comme dans la filière laitière.
Le lait de chèvre a alors davantage de chances d’être plus « brut » que le lait de vache, plus proche du lait à l’état naturel. Il est riche en calcium, en magnésium, en potassium et en vitamines (A, D, B2), essentiels pour la solidité des os, la santé cardiovasculaire et une bonne vision.
Tout comme le lait de vache, le lait de chèvre contient surtout des graisses saturées.
Toutefois, les acides gras du lait de chèvre sont à chaîne plus courte que ceux du lait de vache.
En effet, le lait de chèvre contient de l’acide caprique, un acide gras composé de 10 atomes de carbone, quand le lait de vache, de son côté, contient surtout de l’acide palmitique, composé de 16 atomes de carbone[1]. Or les acides gras à chaîne courte sont plus digestes que les acides gras à chaîne plus longue.
Sa composition le rend donc plus digeste, notamment pour les personnes intolérantes au lactose ou allergiques à certaines protéines du lait de vache : il contient moins de caséine alpha-S1, une protéine souvent responsable d’inconforts digestifs[2].
Autre différence considérable avec le lait de vache : il est bien moins riche en hormones de croissance.
Ce sont en effet ces hormones, et en particulier l’une d’elles, l’IGF-1, qui rend la consommation de lait de vache à terme dangereuse pour l’adulte humain, car elle augmente le risque de développer un cancer du sein, du colon ou de la prostate[3].
De la même façon que les vaches, les chèvres produisent des hormones de croissance dans leur lait, indispensables pour faire grandir leurs bébés. Mais comme ce sont de plus petits animaux que les vaches, le taux d’hormones de croissance est bien plus faible que dans le lait de vache, ce qui rend leur consommation par des adultes moins risquée[4].
Côté enfants, une recherche publiée en 2023[5] a démontré que le lait de chèvre était, de tous les laits animaux, le plus propre à compléter l’allaitement maternel humain : ses oligosaccharides ont en effet 7 bienfaits attestés, à savoir leur action « en tant que prébiotiques, modulateurs immunitaires et pièges à pathogènes ; leur modulation des cellules intestinales ; leur effet protecteur contre l’entérocolite nécrosante ; un développement cérébral amélioré ; et des effets positifs sur l’exposition aux facteurs de stress ».
Fromage de chèvre : ne jetez plus la croûte !
Les fromages de chèvre font partie intégrante du régime méditerranéen depuis des millénaires.
Les fromages sont les probiotiques les plus anciennement consommés par l’être humain ; ils « offrent des avantages tels qu’une activité antibactérienne, la prévention du cancer et des maladies cardiovasculaires, des effets anti-obésité, des effets antidiabétiques, une amélioration du système immunitaire et des pro-maladies, entre autres. »[6]
Vous connaissez le principe de la fermentation à l’origine du fromage : des bactéries « prédigèrent » l’aliment, modifiant sa composition protéique à mesure du processus.
Pour le fromage – de chèvre comme de vache – ce qui est prédigéré par la fermentation, c’est précisément ce qui rend, chez certains, le lait indigeste et allergène, soit la caséine et le lactose, déjà en plus faible proportion que dans le lait de vache.
C’est donc très simple : plus un fromage est affiné, moins il contient de lactose.
En revanche, plus votre fromage de chèvre est frais, plus il contient des quantités significatives de vitamine B2 et de phosphore, idéaux pour booster l’énergie et la régénération cellulaire.
En 2022 une étude[7] a permis de distinguer les vertus de la croûte de celles du cœur du fromage de chèvre.
Les auteurs observent que la plupart des fromages de chèvre typiques sont fabriqués avec du lait cru, non transformé, porteur d’un niveau élevé de diversité microbienne, ce qui permet de contrôler la biosécurité alimentaire ainsi que le développement de caractéristiques uniques : ces micro-organismes contribuent à la sécurité alimentaire en inhibant la croissance de pathogènes potentiels.
En étudiant notamment le Caprino Nicastrese, un fromage de chèvre artisanal produit en Calabre, dans le sud de l’Italie, les chercheurs ont découvert que, de la croûte au cœur du fromage, les différentes « couches » du microbiote ont des compositions et des fonctions différentes :
- La croûte contient des bactéries qui produisent des enzymes essentielles pour la digestion et améliorent la biodisponibilité des nutriments. Elle est riche en composés bioactifs, avec des propriétés antioxydantes et antimicrobiennes.
- Le cœur, lui, est plus riche en calcium et en matières grasses et contient des protéines facilement assimilables.
Bref, ne jetez plus la croûte !
Larichesse en probiotiques du fromage de chèvre favorise une bonne santé intestinale, renforçant votre microbiote et votre système immunitaire.
Vous allez peut-être m’accuser de conflit d’intérêt, mais ma conviction est faite : choisir des produits à base de lait de chèvre est non seulement meilleur pour votre santé, mais permet de soutenir des exploitations à taille humaine, où le bien-être animal et le respect de l’environnement sont au cœur des préoccupations, comme c’est le cas dans la ferme de ma belle-sœur.
Chez cette dernière, quand une chèvre ne donne plus de lait, elle n’est pas envoyée à l’abattoir, mais parquée en « maison de retraite », c’est-à-dire dans une bergerie et un champ à part, où elle peut finir sa vie paisiblement.
J’espère que la petite biquette du 1er janvier à la naissance de laquelle j’ai assisté profitera de ces conditions de vie respectueuses, en plein air, et contribuera à vous apporter du plaisir et la santé avec les fromages que son lait permettra de produire !
Portez-vous bien,
Rodolphe
[1] « Le lait et les produits laitiers dans la nutrition humaine – Laits d’animaux laitiers », http://www.fao.org/
[2] https://cordis.europa.eu/article/id/120760-une-etude-scientifique-demontre-que-le-lait-de-chevre-peut-etre-considere-un-aliment-fonction/fr?utm_source=chatgpt.com – « Une étude scientifique démontre que le lait de chèvre peut être considéré comme un aliment fonctionnel », site Cordis Europa, 26 avril 2023
[3] https://news.harvard.edu/gazette/story/1999/04/growth-factor-raises-cancer-risk/ – William J. Cromie, « Growth Factor Raises Cancer Risk », in. The Harvard Gazette, 22 avril 1999
[4] Meyer, Z., Höflich, C., Wirthgen, E., Olm, S., Hammon, H. M., & Hoeflich, A. (2017). « Analysis of the IGF-system in milk from farm animals – Occurrence, regulation, and biomarker potential », in. Growth Hormone & IGF Research, 35, 1–7.doi: 10.1016/j.ghir.2017.05.004 33.
[5] https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37691562/ – Mandy Valerie van der Toorn et al., « Biological Relevance of Goat Milk Oligosaccharides to Infant Health », in. J Agric Food Chem, 27 septembre 2023
[6] https://www.mdpi.com/2311-5637/10/1/8 – Hannah Caroline Santos Araujo et al., « Functionnal Cheeses : Updates on Probiotic Preservation Methods », in. Fermentation, octobre 2024
[7] https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC9698706/#sec2-ijms-23-14131 – Bruno Tilocca, Alessio Soggiu, Federica Iavarone, et al., « The Functionnal Characteristics of Goat Cheese Microbiota from a One-Health Perspective », in. Int J Mol Sci, 16 novembre 2022
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Merci pour ce bel article, ce signe de renouveau de la nature !
Et toutes ces informations sur le fromage de chèvre qui m’incitent à en manger encore plus.
Bonne nouvelle année à vous !
La qualité du fromages de chèvre est indiscutable lorsque ledit fromage provient d’une petite exploitation à l’image de celle qu’est présentée dans l’article … Hélas, mile fois hélas, la majorité des fromages de chèvre ne sont pas produits avec autant d’application .
Pour avoir des fromages au moment des fêtes de fin d’année par exemple, à contre saison donc, on contraint le troupeau par l’insémination et provoquant chimiquement la période de fertilité .
Pour ce qui est de la consommation de la peau du fromage, il faut savoir que l’ensemencement artificiel est monnaie courante … On ne laisse plus le temps au temps … pour des raisons de rentabilité , au détriment de la qualité !
Sans parler de la ionisation , qui me semble être un fléau sans pareil .
Alors, fromages de chèvre, oui , mais attention à son mode de production .
Quelle jolie lettre ce matin! Et qui m’a beaucoup intéressée, moi qui n’utilise plus que du lait de chèvre depuis des années que ce soit pour mon kéfir ou quand je cuisine.
Cependant, pour mes yaourts et par goût, j’utilise du lait de brebis. Pensez-vous possible de nous offrir la même étude pour ce lait (même si votre belle-sœur n’en élève pas 😉)?
Merci d’avance et merci pour vos réflexions, toujours intéressantes.
merci pour cet article intéressant et très complet qui met en valeur le fromage de chèvre
Bonjour, c’est bien se que tu fais.
encore une foi bravo.
Article super intéressant et attendrissant (avec la naissance de la petite biquette)
J’y ai appris bcp de choses et vais en parler autour de moi notamment à ma sœur qui boit énormément de lait de vache et qui ne connaît pas les effets délétères de cette boisson aux fausses vertus :(
Merci à vous pour ce billet du jour !
Merci pour votre article….je privilégie toujours le lait et les fromages de chèvre !
Merci pour cette belle lettre.
En outre j ai appris beaucoup de choses sur ke fromage de chèvre et que je privilégier maintenant au petit déjeuner avec ka croûte plutôt que ke brebis.
Bonne année à vous
Belle lettre
J’ai la chance de pouvoir acheter du fromage de chèvre fermier en circuit court ( moins de 100km)
Tout d’abord Merciiiii !!! Et je vous souhaite une très belle année ☺️
Mon rêve, depuis longtemps, aurait été d’avoir un petit élevage de chèvres (je les adore) et de produire mes fromages aurait été pour moi que du bonheur …… j’ai 70 ans je n’ai pas pu, mais je ne manque jamais d’aller dans les petits élevages les rencontrer et acheter leurs fromages. La seule chose que j’ai réalisé c’est d’avoir (quand j’avais à peine 30 ans avec mon premier époux) quelques chèvres, moutons, lapins pour le plaisir et un bel élevage de Golden Retriever et cela pendant environ 10 ans je garde de cette période un souvenir émouvant (je travaillais à côté quand même et j’avais 2 enfants).
Je voulais juste partager avec vous…..Amicalement Chantal
Excellente année Rodolphe et merci mille fois pour ces articles passionnants, toujours optimistes !
Sympathique, de bon matin, ce reportage « nature » sur la naissance d’une biquette !
Quant aux bienfaits du lait, et surtout du fromage de chèvre, je n’en doute pas un seul instant !
J’apprécie beaucoup les Yaourts…au lait de brebis, moins celui de chèvre.
Question : bienfaits identiques ?
Merci Rodolphe pour vos lettres, toujours passionnantes !
Bonjour, félicitation 👏.
Merciii pour cette article.
Meilleurs vœux 2025.
Cordialement,
J’ai ete elevee au lait de chèvre jusqu’a l’age de treize ans. Ma Sante generale a toujours ete bonne. Je suis maintenant septuagenaire.
En grande surface ce sont des fromages qui proviennent de chèvres élevées en batterie
froma