La santé naturelle bientôt retirée des rayonnages ?

Chers amis,

Fréquentez-vous régulièrement une bibliothèque municipale ?

Si tel est le cas, ne vous étonnez pas qu’au cours des prochains mois vous trouviez de plus en plus difficilement en rayonnage des livres consacrés à l’homéopathie, aux huiles essentielles, à la naturopathie ou à la méditation de pleine conscience.

Soit, d’une manière générale, à la santé naturelle et au développement personnel.

Au mieux, ils auront été remisés en réserve.

Au pire, purement et simplement « retirés des collections ».

Un document publié par le syndicat Sud Collectivités territoriales vient en effet de publier un « guide militant à l’intention des bibliothécaires militants » pour les « aider à faire face aux pseudo-sciences et à l’obscurantisme ».

J’ai lu ce document (et vous pouvez le faire également, le lien est en source[1]) et j’ai dû me pincer à de nombreuses reprises pour m’assurer que je ne rêvais – cauchemardais – pas.

Y sont explicitement ciblés toutes les « médecines alternatives », les « régimes alimentaires discutables » comme les régimes cétogène, paléo, et d’une manière générale tous les « thèmes discutables ».

Voici ce que vous n’avez plus le droit de lire

Le document du syndicat Sud CT est un splendide exercice orwellien.

Il commence en effet par rappeler que « selon la loi n° 2021-1717 dite Loi Robert sur les bibliothèques et le développement de la Lecture publique, les bibliothèques “représentent la multiplicité des connaissances” et contribuent à “offrir un égal accès de tous à la culture, à l’information, à l’éducation, à la recherche, aux savoirs et aux loisirs”. […] Ces missions s’exercent dans le respect des principes de pluralisme des courants d’idées et d’opinions, d’égalité d’accès au service public et de mutabilité et de neutralité du service public. (art. 1) »…

… puis, ses auteurs s’empressent de rappeler que tous les livres ne se valent pas :

« Ainsi, on peut tomber sur des guides de médecines alternatives, des titres faisant la promotion de pratiques sectaires, de thèses complotistes, climatonégationnistes, masculinistes ou LGBTQIphobes… »

Grands dieux ! Des guides de médecines alternatives ! Vite, au rebut !

Mais, nom de nom, qu’est-ce qu’un « guide de médecine alternative » ?!

La liste arrive, page suivante :

  • ostéopathie,
  • naturopathie,
  • homéopathie,
  • huiles essentielles,
  • soins ayurvédiques,
  • aromathérapie,
  • psychogénéalogie,
  • lithothérapie,
  • sylvothérapie,
  • acupuncture,
  • acupression,
  • réflexologie,
  • reiki,
  • iridologie,
  • décodage biologique,
  • féminin sacré (gynécologie, sexualité),
  • neurosciences appliquées à l’automédication,
  • médecine fonctionnelle,
  • étiopathie,
  • pranisme,
  • kinésiologie…

Bref, c’est très simple : tout ce qui est « valable » et validé selon ce document, ce sont les livres vous prescrivant des cachets issus de la biochimie et, bien évidemment, ne remettant pas en cause la science « officielle ».

Le reste : à la poubelle !

Le « développement personnel », ce danger pour votre santé mentale

Les médecines alternatives ne sont pas le seul péril risquant de vous laver le cerveau.

L’ennemi public n°1, d’après les syndicalistes de Sud CT, c’est le développement personnel.

« En 2018, 32 % du marché du livre était constitué de livres de développement personnel et de médecines alternatives, avec une pointe en 2020-2021. Dans cette profusion on trouve beaucoup de titres contestables, et même des éditeurs renommés sont susceptibles – voire avides – d’en publier. En effet, le modèle économique des groupes éditoriaux les pousse à la rentabilité immédiate, au détriment de la rigueur intellectuelle. »

Parmi ces livres sulfureux, on trouve ceux traitant :

  • de la méditation de pleine conscience ;
  • de la psychogénéalogie ;
  • des constellations familiales ;
  • de la communication ;
  • de la sagesse toltèque ;
  • des synchronicités (Jung doit se retourner dans sa tombe) ;
  • du magnétisme ;
  • des shakras (sic)…

Ce n’est pas tout : sont également proscrits de dangereux courants de pensée comme la biodynamie et l’anthroposophie, la pédagogie Montessori, la mémoire de l’eau, l’écologie intégrale, le chamanisme, le survivalisme…

Un « index » dans la plus pure tradition inquisitoriale

Ne vous y trompez pas : ce document hallucinant, qui a reçu un accueil dithyrambique dans la presse[2], est bel et bien assorti d’un appel à l’action.

Il y est écrit « vigilance », mais il faut y lire : « censure ».

Ainsi, pour chaque catégorie ciblée, est dressée une liste de tous les méchants éditeurs publiant ces titres voués au pilori :

Je ne connais pas toutes ces maisons.

Mais je connais la probité, l’exigence et même la précieuse nécessité de la plupart d’entre elles : L’Artilleur (qui a publié les livres du statisticien Pierre Chaillot), Jouvence, Trédaniel, Mama éditions…

Si ma bibliothèque était municipale et non privée, je devrais, d’après ces syndicalistes, balancer à la déchetterie les trois quarts de mes livres.

Il ne resterait plus que les bandes dessinées ! Et encore, même pas le dernier Spirou… censuré par son propre éditeur[3].

Vous voici, chers amis lecteurs, face à un véritable « index » dans la plus pure tradition inquisitoriale.

Bientôt, les bibliothèques prenant pour argent comptant cet « index » cesseront d’acheter les nouvelles parutions liées à ces thématiques.

Puis se mettront à coller des avertissements sur les couvertures des livres concernés.

Avant l’invisibilisation des titres posant problème.

Puis leur mise en réserve.

Et enfin, leur destruction.

Tout ceci est franchement inquiétant.


Nous suivons visiblement les traces des Etats-Unis, qui depuis quelques années « sortent » des bibliothèques des rayonnages entiers d’ouvrages jugés non-conformes à l’idéologie du moment… quand ils ne les brûlent pas, comme au Canada[4] !


On a l’impression, également, de revenir aux XVIIème et XVIIIème siècles, où il fallait aller à Amsterdam pour éditer ou lire les auteurs dont la pensée n’était pas compatible avec la monarchie française.

Tout livre devait en effet obtenir un privilège royal avant publication. Ce privilège était accordé par le roi et attestait de la conformité du texte aux normes religieuses et politiques.

Avant d’être publiés, les ouvrages devaient être examinés par des censeurs officiels, souvent membres du clergé ou de l’Académie française.

J’ai mal à nos bibliothèques

Depuis tout petit, je fréquente assidument les bibliothèques.

Ce sont, à mes yeux, des endroits où l’on vient certes trouver ce qu’on est venu y chercher, mais où l’on trouve, également, ce qu’on n’y cherchait pas initialement.

Ce sont des endroits propices à la curiosité et à la liberté.

Mon stage de troisième… je l’ai fait dans la bibliothèque de ma ville.


Outre que cette pulsion de censure est assez ridicule, elle « coupe » un peu plus les bibliothèques des lecteurs.

Si tant de gens se tournent vers la médecine alternative ou le développement personnel c’est, peut-être, au hasard, parce qu’ils ne sont plus dupes des politiques pilotées par l’industrie pharmaceutique, ou qu’ils souffrent de l’anémie spirituelle de notre époque.

Couper les lecteurs des ouvrages évoquant ces sujets ne va les inciter ni à se tourner aveuglément vers le scientisme agressif en vogue, ni à épouser le matérialisme dépourvu de transcendance qu’on nous érige aujourd’hui en modèle.


En revanche, cela va de facto les pousser à chercher ailleurs ce qu’ils ne trouvent plus en bibliothèque.

À l’heure où l’on assiste au retour ahurissant des incendies volontaires de bibliothèques, comme le mois dernier à Grenoble[5], ou encore pas plus tard qu’au début de ce mois de mars où une bibliothèque de Dijon a été incendiée… pour la seconde fois en deux semaines[6], je trouve hallucinant qu’une bande de syndicalistes fanatiques ne trouvent rien de mieux à faire que de les étouffer de l’intérieur !

Un quelconque syndicat n’a pas à se poser comme « l’étalon de la vérité » des livres disponibles en France.

Portez-vous bien,

Rodolphe Bacquet  

[1] https://www.sud-ct.org/IMG/pdf/sud-ct-supplement-bibliothe_que-2025-vdigit.pdf?4673/a8da97d930f65512284a065e0da9001257148d0f3dcee2a6df2991d26cd9d78a – Solidaires Sud, « Bibilothèques : ne donnons pas notre langue au chat ! Petit guide militant à l’intention des bibliothècaires vigilant-e-s »

[2] https://actualitte.com/article/122633/bibliotheque/pseudo-sciences-en-bibliotheques-le-syndicat-sud-appelle-a-la-vigilance – Antoine Oury, « Pseudo-sciences en bibliothèques : le syndicat Sud appelle à la vigilance », in. Actualitté, 18 mars 2025

[3] https://alternatif-bien-etre.com/alimentation/qui-arretera-censure/ – Rodolphe Bacquet, « Qui arrêtera Censure ? », site d’Alternatif Bien-Être. 11 novembre 2024

[4] https://alternatif-bien-etre.com/societe/ca-censure/ – Rodolphe Bacquet, « Ça censure », site d’Alternatif Bien-Être, 7 janvier 2024

[5] https://actu.fr/auvergne-rhone-alpes/grenoble_38185/grenoble-bibliotheque-entierement-brulee-par-une-voiture-belier-ce-que-l-on-sait_62271714.html – Lisa Rodrigues, « Grenoble. Bibliothèque entièrement brûlée par une voiture-bélier : ce que l’on sait », in. Actu Grenoble, 19 février 2025

[6] https://www.liberation.fr/societe/police-justice/a-dijon-la-mediatheque-champollion-brule-pour-la-deuxieme-fois-en-deux-semaines-20250302_O6CLAFJ6MRANTAMK3IKOYQHPOM/ – « A Dijon, la médiathèque Champollion brûle pour la deuxième fois en deux semaines », in. Libération, 2 mars 2025