Chers amis, 

Les bilans quotidiens sur le nombre de décès, de nouveaux cas et d’admission en réanimation causés par le Covid-19 s’améliorent de jour en jour. 

On ne voit toujours pas venir de « rebond », et encore moins de « deuxième vague”. Les scientifiques, qui peinent encore à savoir exactement ce qui est en train de se jouer, émettent plusieurs hypothèses pour expliquer ce net ralentissement.

Des scénarios pessimistes… et optimistes !

Certains spécialistes émettent des hypothèses pessimistes :

  • l’apaisement de l’épidémie en cette fin de printemps serait lié à la hausse des températures, et l’on peut craindre une nouvelle vague à la rentrée : « Il peut y avoir un tropisme lié au climat. Dans ce cas-là, la deuxième vague reviendra avec une saison plus hivernale », explique Philippe Halfon, virologue à l’hôpital Européen de Marseille[1], au journal la Provence.
  • la pandémie évoluerait vers une endémie, ce qui veut dire que le virus pourrait « se maintenir à bas bruit », selon ce même médecin. Avec, de temps en temps, des foyers qui repartent, comme c’est le cas ces derniers jours. Nous devrions alors apprendre à vivre avec le Covid-19, non plus dans l’urgence, mais sur le long terme.

Mais d’autres hypothèses sont plus optimistes :

  • Les foyers (ou « clusters ») vont désormais être rapidement maîtrisés : s’il s’avérait, comme nous vous l’expliquions récemment dans une lettre, que la majorité des contaminations soit en réalité causée par un petit nombre de personnes (« des super-propagateurs ») ou dans des circonstances très précises (des situations de « super-propagation »), le net ralentissement pourrait s’expliquer par la capacité nouvelle des autorités de santé à détecter ces foyers et à stopper les chaînes de transmission à temps.
  • On peut espérer aussi que la population a acquis une immunité beaucoup plus forte qu’attendue (on parlait jusqu’ici de 5 à 10 % des Français déjà immunisés), grâce à l’exposition à d’autres coronavirus. C’est ce que l’on appelle l’immunité croisée

Des personnes immunisées grâce à d’autres virus ?

Depuis le départ, les scientifiques sont partis du postulat que le Covid-19 était un virus totalement nouveau, et donc que nos systèmes immunitaires étaient entièrement « ignorants » face à lui. 

Mais le Covid-19 fait partie d’une grande famille de virus dont vous connaissez sans doute maintenant le nom : les coronavirus.

Certains de ces coronavirus sont connus et bénins. Ils causent des rhumes, de la fièvre et des maux de gorge, principalement en hiver et au début du printemps. Les coronavirus seraient ainsi la cause de 15 à 30 % des rhumes courants [2]. 

Ainsi, en étant infectée par d’autres coronavirus, il est possible qu’une partie de la population ait fabriqué des anticorps qui ont persisté dans son organisme et la protègent contre… le Covid-19. 

Deux études récentes en faveur d’une immunité croisée

Deux études sérieuses publiées récemment dans des revues de référence appuient cette hypothèse :

  • Une étude américaine, parue dans la revue scientifique Cell [3], montre tout d’abord que toutes les personnes infectées ont produit des cellules CD4+ qui permettent de stimuler la fabrication d’anticorps contre le Covid-19. Un point rassurant sur la résistance des anticorps et qui écarte le risque de réinfection à court terme.
    Mais surtout, l’étude montre que cette réaction immunitaire est également présente chez des individus n’ayant pas été infectés par le Covid-19. Les auteurs de l’étude ont examiné des échantillons de sang prélevés entre 2015 et 2018 : entre 40 % et 60 % de ces échantillons contenaient des cellules CD4+, particulièrement réactives contre le Covid-19. Cela suggère donc l’hypothèse d’une immunité croisée.
  • Une seconde étude, publiée dans la revue américaine Nature [4], révèle qu’un anticorps présent chez un patient infecté par le SRAS en 2003, une des formes les plus graves de coronavirus, montre une bonne efficacité contre le Covid-19.

L’hypothèse d’une immunité croisée pourrait ainsi expliquer certains mystères autour du Covid-19, comme la faible mortalité dans de nombreux pays d’Afrique. Ces derniers ont en effet déjà été touchés par le SRAS, mais sont aussi beaucoup plus exposés à divers micro-organismes. Cela pourrait également expliquer en partie la faible infection chez les enfants, souvent exposés aux rhumes et grippes.

Comme nous vous l’avons expliqué dans une précédente lettre sur l’immunité collective, il faudrait, selon les scientifiques, qu’entre 60 % et 70 % de la population soit immunisée contre le Covid-19 avant que l’épidémie ne s’arrête. 

Mais ce chiffre pourrait être atteint plus rapidement qu’on ne le pensait, si une bonne partie de la population est en fait déjà immunisée contre les coronavirus.

Une bonne raison de rester optimistes ! 

Portez-vous bien, 

Malik

[1] https://www.laprovence.com/article/sante/6000376/coronavirus-des-clusters-plutot-quune-epidemie-generalisee.html

[2] « Coronaviruses: an overview of their replication and pathogenesis », Methods in Molecular Biology, vol. 1282,‎ 2015, p. 1–23 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25720466/

[3] https://www.cell.com/cell/pdf/S0092-8674(20)30610-3.pdf

[4] https://www.nature.com/articles/s41586-020-2349-y