Chers amis,

L’information a de quoi surprendre. On compte très peu de fumeurs parmi les malades du Covid-19 : 

  • Une étude chinoise publiée fin mars dans le New England Journal of Medicine [1] et portant sur plus de 1 000 personnes infectées avait déjà montré que la proportion de fumeurs était de 12,6 %, bien inférieure à la proportion de fumeurs en Chine (28 %).
  • En France, une nouvelle étude d’une équipe de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP), révélée ce mercredi 22 avril, basée sur une cohorte de 343 patients hospitalisés et 139 patients suivis en ambulatoire, montre que le taux de fumeurs parmi les patients infectés n’est que d’environ 5 %.
  • Une enquête de terrain réalisée sur 661 personnes dans un lycée de Crépy-en-Valoise (dans l’Oise, l’un des principaux foyers de l’épidémie en France) publiée ce 23 avril, confirme cette tendance : l’infection a touché beaucoup moins de fumeurs (7,2 %) que de non-fumeurs (28 %) [2].

Ces chiffres sont très étonnants, quand on les compare avec l’ensemble de la population française : environ 30 % des 45-54 ans sont fumeurs ; ainsi que 8,8 % des femmes et 11,3 % des hommes de 65-75 ans, selon le dernier baromètre de Santé publique France (SPF), l’organisme de sécurité sanitaire. 

L’étude confirme donc, selon les auteurs, que « les fumeurs quotidiens ont une probabilité beaucoup plus faible de développer une infection symptomatique ou grave par le SARS-CoV-2 par rapport à la population générale »

Un risque divisé par 4 ou 5

« L’effet est important, cela divise le risque par cinq pour les patients ambulatoires et par quatre pour les patients hospitalisés. On observe rarement ça en médecine », constate l’épidémiologiste Florence Tubach, coauteure de l’étude de l’AP-HP[3].

La piste actuellement étudiée par les chercheurs pour expliquer ce constat est que la nicotine contenue dans les cigarettes entrerait en compétition avec le virus pour se fixer sur un récepteur (le récepteur de l’acétylcholine) et diminuerait ainsi la rapidité d’installation du virus dans l’organisme. 

Une autre étude[4] menée notamment par le neurobiologiste Jean-Pierre Changeux (découvreur du récepteur nicotinique), conclut qu’il apparaît souhaitable « d’évaluer rapidement l’impact thérapeutique des agents modulateurs du récepteur nicotinique, directs et/ou indirects, addictifs ou non-addictifs, sur l’infection par SARS-CoV-2 ».

Des essais cliniques strictement encadrés vont démarrer prochainement pour étudier l’effet du patch de nicotine, aussi bien en préventif (sur des soignants) qu’en curatif (sur des patients hospitalisés et d’autres en réanimation).

Ne vous ruez pas sur les cigarettes et les patchs ! 

Rappelons que le tabac représente un risque majeur pour la santé, bien plus important que le Covid-19 : il est responsable chaque année de 75 000 morts en France (c’est le premier facteur de mortalité), et d’environ 7 millions dans le monde. 

Si la nicotine pourrait avoir un effet protecteur, ce n’est pas le cas de la fumée toxique des cigarettes qui peut causer des pathologies respiratoires ou cardiovasculaires qui aggravent considérablement le risque en cas d’infection au Covid-19.

« Ce qui est établi, c’est que des fumeurs présentent des formes graves de Covid, notamment en réanimation », a réagi Jérôme Salomon, directeur général de la santé, ce 22 avril. Les dégâts causés par le tabagisme chronique sur les poumons peuvent allonger la durée des soins en réanimation et augmenter très significativement la mortalité.

Nous ne pouvons évidemment absolument pas recommander la prise de nicotine. Les patchs de nicotine ne sont pas non plus sans risque. « Il faut être très vigilant sur les effets secondaires de la nicotine, surtout pour les non-fumeurs », explique le pneumologue Bertrand Dautzenberg. 

Et si manger des poivrons suffisait ?

Aussi surprenant que cela puisse paraître, ce n’est pas la première fois que la nicotine est suspectée d’avoir des bienfaits thérapeutiques. 

Des études épidémiologiques à large échelle ont déjà montré que l’incidence de la maladie de Parkinson serait plus faible chez les fumeurs. Cet effet préventif augmente de façon proportionnelle avec la durée du tabagisme et la quantité de cigarettes fumées. Ces conclusions sont corroborées par des études de jumeaux qui indiquent que le jumeau fumant « plus » a moins de risque de développer la maladie de Parkinson que le jumeau fumant « moins ». La « nicotinothérapie » est ainsi une piste envisagée dans le traitement de la maladie de Parkinson. [5]

Pour faire la lumière sur ces questions, des chercheurs de l’Université de Washington ont analysé le mode de vie de 490 personnes souffrant de la maladie de Parkinson et de 644 autres en bonne santé [6].

Comme nous le révélions en janvier 2014 dans notre revue les Dossiers de Santé et Nutrition, ils ont alors observé une forte corrélation entre la consommation d’aliments à haute teneur en nicotine, particulièrement les poivrons, et le fait de ne pas développer la maladie de Parkinson !

Peut-on légitimement penser qu’une alimentation riche en nicotine puisse aussi avoir un effet protecteur contre le Covid-19 ? 

Car vous le savez peut-être, il n’y a pas que les feuilles de tabac qui contiennent de la nicotine. On en trouve aussi dans les légumes, bien qu’en quantité moindre : dans les aubergines, les tomates, les pommes de terre, les poivrons, les piments et toutes les plantes issues de la famille des solanacées.

On en trouve également dans les feuilles de thé, vert comme noir, et parfois à des doses supérieures à celles rencontrées dans les solanacées (2 à 7 microgrammes par kilo).

D’autres études doivent encore confirmer ce résultat, et nous vous tiendrons informés des avancées sur ce point. Mais, en attendant, préférez manger des légumes en abondance plutôt que de fumer !

Portez-vous bien, 

Malik

[1] “Clinical Characteristics of Coronavirus Disease 2019 in China”, The New England Journal of Medicine, 28 février 2020, https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2002032

[2] “Coronavirus: des anticorps chez 26% des individus, dans un foyer de l’épidémie en France”, Le Figaro, 23 avril 2020, https://www.lefigaro.fr/sciences/coronavirus-des-anticorps-chez-26-des-individus-dans-un-foyer-de-l-epidemie-en-france-20200423

[3] “Coronavirus : la proportion de fumeurs parmi les personnes atteintes du Covid-19 est faible”, Le Monde, 22 avril 2020,

https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/04/22/coronavirus-une-proportion-reduite-de-fumeurs-parmi-les-malades_6037365_3244.html

[4] “A nicotinic hypothesis for Covid-19 with preventive and therapeutic implications – Preprint v1 ”, Qeios, 21 avril 2020,  https://www.qeios.com/read/article/571

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/des-chercheurs-pronent-des-patchs-nicotiniques-contre-le-covid-19
https://www.francebleu.fr/infos/sante-sciences/coronavirus-la-nicotine-protegerait-de-la-maladie-1587531131

[5] “Le point sur la recherche autour de la maladie de Parkinson > La nicotinothérapie”, France Parkinson, https://www.franceparkinson.fr/la-recherche/pistes-de-recherche/nicotinotherapie/

[6] “Nicotine from edible Solanaceae and risk of Parkinson disease”, Annals of Neurology, mai 2013, https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/ana.23884