Comme moi, vous avez sans doute tendance à vous gratter l’oreille quand elle vous démange, à vous frotter les yeux, à vous mordiller les ongles ou à jouer avec vos cheveux… sans même vous en rendre compte ! Coronavirus : un emballement potentiellement mortel du système immunitaire, Futura Santé, 6 avril 2020.
Comme moi, vous avez sans doute tendance à vous gratter l’oreille quand elle vous démange, à vous frotter les yeux, à vous mordiller les ongles ou à jouer avec vos cheveux… sans même vous en rendre compte !
Or, vous le savez, tout contact avec la figure, et notamment les muqueuses de la bouche, du nez et des yeux, favorise l’entrée dans votre organisme de virus (le Covid-19 bien sûr, mais pas seulement !) et de bactéries.
Mais pourquoi nous est-il si difficile de nous débarrasser de cette manie, souvent inconsciente ?
Avec nos cousins les singes, nous sommes les seuls mammifères à ressentir ce besoin de nous toucher sans cesse le visage. Nous le ferions même… avant la naissance.
Jusqu’à 3000 fois par jour !
Des scientifiques britanniques ont découvert en 2013 [1] que les fœtus portaient leurs mains à leur visage dès les premières étapes de la gestation, afin de découvrir et d’explorer le sens du toucher. Plus étonnant : quand la mère est en situation de stress, le fœtus se touche encore plus le visage [2].
Et cette manie ne disparaît pas ensuite : nous nous toucherions le visage jusqu’à 3 000 fois par jour, d’après l’Agence régionale de santé (ARS) [3].
Les médecins eux-mêmes, conscients des risques infectieux de se toucher le visage, ne semblent pas épargnés par cette manie. En 2015, des chercheurs ont filmé 26 étudiants en médecine lors d’une conférence et compté le nombre de fois où ils se touchaient la figure: 23 fois par heure en moyenne [4] ! 44 % des contacts impliquaient une muqueuse telle que la bouche, le nez ou les yeux.
Mais à quoi cela nous sert-il ?
Au-delà des cas relativement rares de vraies démangeaisons, ces gestes réflexes auraient un rôle majeur dans tous nos processus cognitifs et nous aideraient à réguler nos émotions.
Des « microdémangeaisons » causées par nos émotions
Plus nous sommes émus, plus nous avons tendance à ressentir ces « microdémangeaisons ». La microdémangeaison active certaines zones du cerveau associées au circuit de récompense, et désactive certaines zones associées à la douleur, comme l’a montré une équipe de chercheurs du National Institute for Physiological Sciences, au Japon [6].
En touchant notre visage, nous évacuons une tension et nous nous relaxons, selon Dacher Kelter, psychologue de l’Université de Californie, à Berkeley : « Les études ont montré que le contact de peau à peau déclenche un relâchement d’ocytocine, une hormone connue pour réduire l’anxiété. »
« Quand nous nous concentrons, que nous essayons de résoudre un problème, nous avons tendance à plus nous toucher le visage », explique pour sa part L. Kevin Chapman, psychologue américain spécialiste de l’anxiété [5]. Ces gestes réflexes sont aussi un outil de communication non-verbale et souvent inconsciente, très puissant : se toucher le visage peut nous permettre de communiquer notre gêne, notre nervosité, ou nous servir de moyen de séduction, par exemple.
Notre gestuelle fait enfin partie intégrante de notre identité, et cela nous permet aussi de l’exprimer, comme le souligne L. Kevin Chapman.
Pour toutes ces raisons, même si nous sommes conscients du risque, il paraît très difficile d’arrêter totalement de se toucher le visage.
Faites l’exercice : quand vous essayez de résister à l’envie de vous gratter, une partie de votre corps (votre nez ou autre) se met soudain à vous démanger.
Quelques astuces
La bonne approche est plutôt d’essayer de vous mettre à l’écoute de vos comportements, pour identifier ce qui les déclenche, en ayant une attitude bienveillante avec vous-même.
Plutôt que de vous dire « je dois absolument arrêter de me toucher le visage », qui aura un effet contre-productif, préférez une approche plus douce, en vous disant plutôt « voyons si j’arrive à mieux prendre conscience de mes gestes inconscients ».
Les spécialistes de la psychologie comportementale ont trouvé quelques astuces pour moins céder à la tentation. J’en ai fait une sélection :
- Lorsque vous ressentez l’envie de vous gratter, de vous frotter le nez ou d’ajuster vos lunettes, prenez un mouchoir et utilisez-le à la place de vos doigts.
- Lavez-vous les mains avec du savon parfumé ou appliquez une crème hydratante : chaque fois que vous approchez les mains de votre visage, l’odeur va jouer le rôle d’un rappel et vous aider peu à peu à devenir conscient de vos gestes.
- Porter un masque (des modèles « grand public » devraient être distribués à partir du 4 mai), peut aussi avoir ce rôle de rappel.
- Vous pouvez aussi faire une croix au feutre sur le dos de vos mains. Chaque fois que vous verrez la croix, vous y réfléchirez à deux fois avant de vous gratter l’oreille !
- Occupez-vous les mains avec un accessoire, comme une boule antistress ou un bijou. Il faut bien évidemment le nettoyer et le laver régulièrement.
- Vous pouvez utiliser n’importe quelle méthode dont nous vous avons parlé (méditation, cohérence cardiaque, etc.) pour réduire l’anxiété, qui favorise ce genre de gestes réflexes.
- Si vous avez des enfants ou des petit-enfants à charge, il ne faut pas non plus adopter une approche punitive. La récompense, qui encourage les bons comportements, semble beaucoup mieux fonctionner. Essayez plutôt d’occuper leurs mains en les incitant à jouer à des jeux. Vous pouvez même les encourager à garder les mains dans leurs poches.
Quoiqu’il en soit, cela reste très difficile. Mais c’est un exercice de « prise de conscience de soi » intéressant ! Et si, malgré tout, c’est plus fort que vous, ne vous inquiétez pas trop : vous pouvez continuer à vous toucher le visage, tant que vous avez pris soin de bien vous laver les mains avant !
Portez-vous bien,
Malik
[1] » Babies learn to anticipate touch in the womb », Durham University, 8 octobre 2013, https://www.dur.ac.uk/news/newsitem/?itemno=18810%20
[2] Laterality of foetal self-touch in relation to maternal stress, Asymmetries of Brain, Behaviour, and Cognition, 28 avril 2014 https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/1357650X.2014.920339?journalCode=plat20&
[3] ARS Santé, https://www.ars.sante.fr/les-gestes-barrieres-eviter-de-se-toucher-le-visage
[4] Face touching: a frequent habit that has implications for hand hygiene, American journal of infection control, février 2015, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25637115
[5] Why you can’t stop touching your face, according to science and psychology https://www.cnbc.com/2020/03/20/why-you-touch-your-face-so-much-and-how-to-stop.html
[6] The cerebral representation of scratching-induced pleasantness, Journal of Neurophysiology, février 2014, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24155004
[6] The cerebral representation of scratching-induced pleasantness, Journal of Neurophysiology, février 2014, https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24155004
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