Chers amis,

Le président de Madagascar, Andry Rajoelina, a déclaré hier qu’il lançait un remède traditionnel composé d’Artemisia annua et de plantes médicinales locales contre le Covid-19[1].

Les scientifiques ayant travaillé sur ce remède (baptisé le « Covid-Organics ») ont entamé des tests cliniques aux premiers résultats « encourageants », bien que son efficacité contre le Covid-19 demande encore à être confirmée.

Les chercheurs avancent que ce remède pourrait à la fois prévenir et traiter le Covid-19, mais nous n’avons actuellement pas d’informations plus précises sur sa composition.

Le président malgache est tellement confiant dans l’efficacité de cette préparation qu’il a commencé à mettre en place des mesures de déconfinement progressif[2].

La plante à la base de ce remède, l’Artemisia annua, est déjà connue et utilisée contre le paludisme, au même titre que la chloroquine – qui fait beaucoup parler d’elle depuis le début de la crise.

La différence avec la chloroquine, c’est que l’Artemisia annua est une substance totalement naturelle qui présente très peu d’effets secondaires.

Seul hic : cette plante est interdite en France, et les raisons invoquées pour cette interdiction ont de quoi laisser perplexes…

Depuis quand interdit-on une plante pour son manque d’efficacité ?

Dès 2012, l’OMS s’est positionnée contre l’Artemisia annua dans son utilisation anti-paludique sous prétexte que « toutes les plantes d’Artemisia annua L ne contiennent pas nécessairement d’artémisinine [son principe actif] et dans certains endroits, en fonction de la qualité du sol et des précipitations, la teneur peut être très faible[3] », avant d’ajouter que « les patients traités contre le paludisme avec du thé A. annua risquent de ne pas être suffisamment dosés. »

L’OMS s’inquiète que de faibles doses d’artémisinine ne favorisent une résistance du parasite dans l’organisme, faute de l’éliminer complètement.

Par ailleurs, Philippe Deloron, directeur de l’Unité santé de la mère et de l’enfant face aux infections tropicales à l’IRD (Institut de recherche pour le développement), précise : « L’intérêt du médicament est de donner une dose précise de principe actif. Avec une infusion, vous ne pouvez rien contrôler[4]. »

Si l’on résume, donc : l’Artemisia annua est interdite car son efficacité serait… trop faible ! Cherchez l’erreur…

La plante entière est plus puissante que la molécule isolée

Autre fait notable : les détracteurs de l’Artemisia annua ont pour seul argument sa faible teneur en substance active, l’artémisinine. C’est d’ailleurs cette substance qui est à la base des médicaments contre le paludisme, associée à d’autres médicaments à l’action plus prolongée.

Pourtant, la puissance de l’Artemisia annua vient précisément de sa composition complexe : elle contient plus de 400 composants ! Or, il est plus difficile pour un parasite de s’adapter à une telle composition qu’à une molécule unique isolée[5].

Pour preuve, certaines espèces d’artemisia comme l’Artemisia afra sont aussi efficaces contre le paludisme alors qu’elles ne contiennent pas d’artémisinine.

En attendant que des recherches plus poussées confirment (ou non) des effets positifs de l’Artemisia annua contre le Covid-19, sachez que rien ne vous empêche de cultiver cette plante chez vous (vous pouvez trouver des graines sur le site de l’association Kokopelli).

Portez-vous bien,

Samira

[1] Jean-Baptiste Loin, « Madagascar rend public le CVO, ou Covid-Organics, premier remède testé officiellement contre le Covid-19 », Réponses bio, 20 avril 2020, disponible sur : https://www.reponsesbio.com/madagascar-rend-public-le-cvo-ou-covid-organics-le-premier-remede-teste-officiellement-contre-le-covid-19/#comments

[2] Martin Mateso, « Madagascar : Covid-Organics, le « remède » du président Rajoelina contre le coronavirus voit le jour », Franceinfo, 20 avril 2020, disponible sur : https://www.francetvinfo.fr/monde/afrique/societe-africaine/madagascar-covid-organics-le-remede-du-president-rajoelina-contre-le-coronavirus-voit-le-jour_3925621.html

[3] Camille Gaubert, « Question de la semaine : qu’est-ce que l’Artemisia et pourquoi l’OMS ne la recommande pas ? », Sciences et avenir, 19 septembre 2019, disponible sur : https://www.sciencesetavenir.fr/sante/question-de-la-semaine-qu-est-ce-que-l-artemisia-et-pourquoi-l-oms-l-interdit-elle_137411

[4] Cécile Thibert, « Paludisme : Artemisia, la plante de la discorde », Le Figaro Santé, 18 décembre 2018, disponible sur : https://sante.lefigaro.fr/article/paludisme-artemisia-la-plante-de-la-discorde/

[5] Christophe Bernard, « Artemisia annua (armoise annuelle) : anti-malaria et anti-cancer », Althea Provence, 28 septembre 2018, disponible sur : https://www.altheaprovence.com/artemisia-annua-armoise-annuelle-anti-malaria-et-anti-cancer/