Chers amis,    

Courir sur de longues distances, des écouteurs branchés à une musique entraînante, peut donner l’impression d’entretenir sa forme physique.

Le jogging est malheureusement l’un des plus grands malentendus de notre époque : les joggers courent avant tout vers des problèmes de santé irréparables.

La Nature fait des sprinters, pas des joggers !

Si vous avez déjà regardé des documentaires animaliers, vous avez forcément déjà vu un guépard courser une antilope dans la savane africaine.

Le guépard est l’animal terrestre le plus rapide : il peut atteindre 110      km/h ! Il court si vite que les réalisateurs de ces documentaires sont obligés de ralentir les images de sa course pour que nous puissions l’admirer !    

Cependant, il ne peut tenir cette allure que sur… 300 à 400 mètres.    

Le guépard, comme tous les animaux terrestres, n’est pas bâti pour courir longtemps.    

L’antilope court moins vite (80 km/h tout de même) que le guépard… mais elle a une bien meilleure endurance ! C’est ce qui la sauve souvent de ses prédateurs.    

Le tragique destin des êtres vivants qui courent trop longtemps (même les chiens !)

À ma connaissance, le seul être vivant capable de passer sa vie à courir, c’est le hamster en cage (dans une roue).    

Et encore : cela l’épuise tellement qu’il décède généralement de crise cardiaque. Souvent jeune, d’ailleurs.

C’est le tragique destin des animaux qui ne savent pas s’arrêter : cela arrive également à certains chiens qui ne sentent pas la fatigue. Leur cœur s’arrête en pleine course.    

En termes d’endurance à la course, tous les animaux savent instinctivement quand s’arrêter.

Tous sauf, donc, le hamster en cage, certains chiens… et l’homme !

On a vu comment finit le hamster.    

Le destin de l’homme jogger n’est pas meilleur (mais son agonie prend plus de temps).    

Pourquoi courons-nous ?    

Contrairement au guépard qui court pour chasser et à l’antilope qui court pour sauver sa peau, l’homme court pour le plaisir.

Ou pour attraper le bus.

Nos ancêtres couraient pour se nourrir, ou pour échapper à des bêtes féroces. Cette époque est révolue               .

Nous courons :

  • pour ressentir un certain bien-être (la poussée d’endorphines), chez certains ça devient une drogue (ou « une passion » comme ils l’appellent) ;
  • pour garder une activité physique lorsqu’on est devenu hyper sédentaire.         

Cependant, si nous ne courons plus pour les mêmes raisons qu’avant, il y a une chose qui n’a pas changé.

Comme les autres êtres vivants terrestres, nos corps sont programmés pour piquer des sprints, pas pour courir longtemps !

Courir trop tue — l’exemple de Philippidès

Vous souvenez-vous de l’histoire de Philippidès, le messager chargé d’annoncer la victoire des troupes d’Athènes contre celles de Sparte lors de la bataille de Marathon ?

Arrivé à destination, après avoir couru 42 km… il mourut !    

Le marathon est à ma connaissance la seule compétition sportive qui imite un exploit qui fit mourir le premier qui essaya !!!    

La mort (ou le développement de maladies cardiaques et articulaires) chez les athlètes pratiquant à haut niveau un sport d’endurance sont bien documentés.    

En 2012, une étude suédoise révélait que ces athlètes – qu’ils pratiquent la course à pied, le vélo ou la natation – ont 5 fois plus de risques de développer une fibrillation auriculaire[1]. Leur rythme cardiaque devient irrégulier car leur cœur est trop abîmé (il s’est littéralement élargi).    

« Oui mais Rodolphe, je ne suis pas athlète de haut niveau, moi ! »

L’exercice physique, je le disais, est aujourd’hui indispensable pour maintenir une bonne hygiène de vie, et vieillir en bonne santé, vu notre mode de vie devenu très sédentaire.    

Pratiquer régulièrement le jogging témoigne déjà d’une prise de conscience salutaire, et d’un courage indéniable.

Mais ne confondons pas tout.    

Toutes les activités physiques ne se valent pas, en termes de bienfaits pour la santé.

J’irai encore plus loin en disant que pour certains sports — et le jogging en fait partie — c’est la dose qui fait le poison.    

Or, avec le jogging… la dose est très vite atteinte (je vais vous dire dans un instant où se situe le curseur).

Malheureusement, de nos jours, « repousser ses limites » est valorisé. C’est « le culte de la performance ».    

Courir longtemps, développer son endurance, est ainsi considéré par beaucoup comme positif. Allez regarder les foules qui s’élancent sur la ligne de départ des marathons et des triathlons qui ont lieu désormais tous les week-ends.

La recherche médicale nous enseigne au contraire que méconnaître les limites physiologiques de l’être humain abîme prématurément le corps.

Dans le cas du jogging, nul besoin d’être un athlète professionnel pour « pousser le bouchon trop loin ».    

En 2015, des chercheurs danois travaillant sur les risques cardio-vasculaires (« the Copenhagen City Heart Study ») ont constaté que, passé un certain seuil, plus on pratique le jogging, plus on risque de mourir prématurément[2].    

Pour ceux qui pratiquent le plus le jogging, le risque de mort toutes causes confondues est même égal à ceux qui ne pratiquent aucune activité physique du tout !!

Y a-t-il une bonne dose de jogging ?

D’après les auteurs de l’étude danoise, pour rester intéressante pour la santé, la pratique du jogging ne devrait pas dépasser une à deux heures et demi grand maximum par semaine.    

Et encore… pas d’un coup !

Il faudrait répartir ce temps en trois séances, à raison de 8 km/h grand maximum.    

Ensuite, plus vous courez, plus vous réduisez votre espérance de vie.          

Il y a une autre raison pour laquelle je déconseille le jogging comme activité physique « de routine ». 

Rien ne vous frappe quand vous croisez des joggers ?     

Lorsque je croise des joggers, je suis souvent frappé par l’expression de leur visage : non seulement ils sont rarement souriants… mais ils semblent souffrir.    

C’est une observation très personnelle, je l’avoue, mais les joggers ne dégagent pas vraiment une impression de bonheur ou de bien-être quand ils courent. J’ai plutôt l’impression qu’ils serrent les dents pour supporter l’épreuve qu’ils se sont imposés.    

D’une certaine façon, c’est normal car il n’y a pas que la fonction cardio-vasculaire qui peut être abîmée par la course : il y a les articulations.    

Le jogging et la course occasionnent des microtraumatismes répétés sur ce que l’on appelle les « articulations porteuses » : les genoux, les hanches, les chevilles.    

On estime que pour chaque kilomètre couru, ces articulations réceptionnent 800 fois le poids du corps multiplié par 8 !    

Autrement dit, un coureur de 80 kg impose, à chaque foulée, une charge d’environ 640 kg sur ses hanches.    

Les ondes de choc de chaque pas couru se répercutent dans les articulations. Les cartilages et les ligaments sont ainsi mis à rude épreuve de façon répétée, et c’est pourquoi les coureurs réguliers se retrouvent assez jeunes frappés d’arthrose.    

Une étude australienne a même révélé que l’arthrose était en train de gagner du terrain chez les plus jeunes générations à cause de la progression conjointe du surpoids…et du jogging[3].    

Ce qui est somme toute logique : plus on est en surpoids, plus chaque pas couru fait peser sur les articulations un poids important.    

C’est extrêmement ironique lorsque l’on songe que la première raison invoquée pour pratiquer le jogging, chez les jeunes gens, est précisément la perte de poids.    

Vous vous dites que vous n’avez pas mal ?    

Ce n’est pas la seule ironie du jogging.    

Courir, comme toute autre activité physique, fait sécréter à la longue au corps humain des endorphines.    

Les endorphines sont des hormones antidouleurs que notre corps produit naturellement.    

Lorsque l’on court un long moment, la sécrétion d’endorphines finit par masquer la douleur potentiellement ressentie au niveau des articulations.    

Mais ce n’est pas parce que l’on ne sent plus la douleur que les articulations ne continuent pas de subir des microlésions !    

Et c’est là que le culte du dépassement de soi et de l’effort peut être tragiquement absurde : dépasser le seuil de la douleur, ça n’est pas s’accomplir, c’est tout simplement ne plus écouter les signaux d’alerte de son corps.    

Les centenaires ne courent pas !

Je termine en revenant sur cette question de l’espérance de vie.    

Dans les zones bleues, ces régions du monde où l’on vit plus longtemps et en meilleure santé qu’ailleurs, les seniors ne courent pas.    

J’ai pu personnellement interroger des séniors à Okinawa qui m’ont confirmé qu’ils bougent énormément.    

Ils s’occupent de leur potager ; certains font des exercices de gym en se levant ; beaucoup effectuent plusieurs kilomètres à pied par jour pour rendre visite à leurs amis ou parents… mais ils ne courent pas.    

Les bergers sardes, qui atteignent des âges canoniques, passent leur vie et leurs journées dans les montagnes, en parcourant des kilomètres avec plusieurs dizaines de mètres de dénivelé… mais ils ne courent pas.    

C’est l’un des principaux points communs des populations de ces zones bleues : l’activité physique est indispensable pour maintenir une bonne santé sur le long terme, mais cette activité physique est « naturelle ».    

Elle respecte le rythme naturel et la physiologie du corps humain.    

Les centenaires d’Okinawa, de la péninsule de Nicoya au Costa Rica, ou de l’île d’Ikaria, en Grèce, n’ont pas d’abonnement dans un club de fitness !    

Ils ne vont pas s’enfermer dans une salle de sport pour suer après avoir passé leur journée assis sur une chaise, avant de revenir chez eux s’affaler devant un écran.

Pratiquer une activité physique saine ne consiste pas à courir comme des hamsters sur un tapis roulant, mais, quand c’est possible, à délaisser sa voiture pour se rendre à pied à son travail ou chez sa famille.    

C’est l’une des plus belles leçons des centenaires d’Okinawa et des autres zones bleues !    

Si vous culpabilisez en voyant passer les joggers… continuez sans état d’âme votre chemin en marchant : vous vous faites du bien, vous n’avez pas moins de mérite et vous risquez moins d’abîmer votre corps !

Portez-vous bien,    

Rodolphe Bacquet


[1] O’Keefer (J. O.) et al., « Potential Adverse Cardiovascular Effects From Excessive Endurance Exercise », Mayo Clinic Proceedings, juin 2012? Vol. 87, no 6, pp. 587-595, consulté en juillet 2019, disponible sur      https://dx.doi.org/10.1016%2Fj.mayocp.2012.04.005

[2] Schnohr (P.), O’Keefe (JH), Marott (JL), Lange (P.) et Jensen (GB), « Dose of jogging and long-term mortality: the Copenhagen City Heart Study », Journal of the American College of Cardiology,           10 février 2015, vol. 65, no 5, pp. 411-19, consulté en juillet 2019, disponible sur https://doi.org/10.1016/j.jacc.2014.11.023    

[3] « Chronic joint disease taking its toll on younger Aussies », Live Better by Medibank, 7 juin 2016, consulté en juillet 2019, disponible sur https://www.medibank.com.au/livebetter/health-brief/health-insights/chronic-joint-disease-taking-its-toll-on-younger-aussies/