Chers amis,

« – Tirez la langue et faites aah ! »

Votre médecin de famille vous a forcément déjà ausculté la bouche de la sorte, avec sa petite spatule en bois.

C’est un examen essentiel qui permet de détecter des maladies déjà installées, des carences en nutriments, ainsi que des prédispositions à développer de futures maladies.

Malheureusement cet examen clinique qui en dit long sur votre santé générale est de moins en moins pratiqué.

En cause : le manque de temps des médecins et la propagation d’une vision de la médecine de plus en plus « informatisée » et morcelée.

Aujourd’hui, en fac de médecine, plus aucun enseignement n’est dédié à la santé de la bouche…

Et même les dentistes n’ont qu’une vision mécanique et fonctionnelle de la bouche et des dents, sans formation solide ni à l’immunologie ni à l’écosystème de la bouche, fait de virus et de bactéries…

Et inutile d’insister sur le fait que ce n’est pas la « télémédecine » et l’arrivée de l’IA dans les pratiques médicales qui va permettre de renouer avec cet examen simple, mais essentiel de votre bouche.

La perte hallucinante d’un savoir classique en médecine

Cet examen classique est en train de disparaître alors même que les découvertes s’accumulent sur le rôle déterminant de la santé de la bouche dans… la santé tout entière.

Des chercheurs du monde entier parlent de l’importance du microbiote buccal (les bactéries et virus contenus dans votre bouche), une spécialité nouvelle qui pourrait bien révolutionner la médecine occidentale dans les années à venir.

Mais ni les généralistes ni les dentistes ne sont actuellement formés à l’analyse du microbiote buccal, une analyse pourtant essentielle, la première à faire pour votre santé.

Les Asiatiques, eux, savent depuis bien longtemps l’importance de ce microbiote et c’est pourquoi dans la médecine traditionnelle indienne (Ayurveda) comme dans la médecine traditionnelle chinoise (MTC), l’examen de la bouche, de l’intérieur des joues, des dents et de la langue est systématique.

Lisez-moi bien jusqu’au bout, vous allez comprendre pourquoi le microbiote buccal est plus important encore que le microbiote du ventre et que celui de la peau dont je vous parlais dans ma dernière lettre.

Pourtant en avez-vous déjà entendu parler ?

Tout part de la bouche

Depuis quelques années, des études scientifiques ont en effet démontré que les bactéries contenues dans votre bouche jouent un rôle capital pour votre santé.

La plupart des maladies infectieuses, comme les angines, la grippe ou les maladies respiratoires, « s’attrapent » soit par le nez soit par la bouche.

Mais ça va beaucoup plus loin que ça : des études récentes ont montré qu’un dérèglement du microbiote buccal est impliqué dans le développement :

  • des caries, gingivites et maladies parodontales[1];
  • des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin[2] comme la maladie de Crohn ;
  • des maladies cardiovasculaires[3];
  • du diabète[4][5];
  • de la sclérose en plaques[6];
  • de l’ostéoporose[7];
  • de la maladie d’Alzheimer[8] et de la maladie de Parkinson[9]: en passant dans le nerf vague via la bouche, certains virus seraient en effet responsables d’une neurodégénérescence accélérée ;
  • de l’anxiété et de la dépression[10]: l’an dernier, une étude passionnante a montré qu’il existe une corrélation directe entre les idées suicidaires et la faible présence de la bactérie Alloprevotella rava dans la bouche[11] ! ;
  • et même des cancers de la bouche[12], de l’œsophage[13], de l’estomac[14], du pancréas[15], du cerveau[16] et des poumons[17]: les bactéries Fusobacterium en particulier, qui apparaissent d’abord dans la bouche, se nourriraient des sucres présents à la surface des cellules tumorales et amplifieraient l’inflammation et le risque de métastase ;

La porte d’entrée des maladies

Ça peut paraître étonnant, mais c’est logique quand on y pense.

Votre bouche est la porte d’entrée de votre organisme, et donc, des maladies.

Aucun virus, aucune bactérie pathogène ne peut se développer à l’intérieur de votre corps s’il ou elle n’est pas d’abord passée par votre bouche.

Les bonnes bactéries et les bons virus (les phages) de votre bouche sont censés faire barrière et ne pas laisser « rentrer » les bactéries et virus pathogènes, en les empêchant de passer dans votre sang, vos muqueuses, votre salive ou vos intestins.

De même aucun dérèglement métabolique (diabète, cancers…) ne peut s’installer durablement dans votre organisme sans qu’il ne soit visible, en amont et à échelle réduite, dans votre bouche.

Bien sûr ça ne veut pas dire que toutes les pathologies que j’ai citées ont pour seule et unique cause un déséquilibre du microbiote buccal.

Mais il est certain qu’en prenant soin de votre microbiote buccal, vous vous assurez une protection renforcée contre ces maladies, avant que les pathogènes impliqués ne puissent coloniser l’intérieur de votre organisme.

Tout ce que vous touchez finit dans votre bouche

Imaginez que vous commandez une tartelette dans un café.

Le serveur touche votre assiette pour vous l’apporter, l’air dépose des poussières et des bactéries sur votre tartelette, puis ce sont vos doigts qui touchent votre assiette.

Autant de bactéries qui vont pénétrer puis coloniser votre microbiote buccal !

Sans vous en rendre compte, tout ce que vous touchez (et tout ce que touche les personnes qui vous entourent) finit ainsi par se retrouver dans votre bouche, sans compter les fois où vous mettez vos doigts sur vos lèvres ou directement dans votre bouche.

C’est un réflexe qui nous vient de l’enfance, et qui permet à l’origine d’enrichir notre flore buccale.

Votre bouche est ainsi un vrai nid à bactéries : chaque individu héberge dans sa bouche près de 100 milliards de bactéries d’environ 300 espèces différentes (sur un total de 771 espèces différentes recensées à ce jour[18]) !

Ce qui fait du microbiote buccal le 2e microbiote le plus important en nombre et en diversité de bactéries, après celui des intestins.

En fait, c’est même le plus important des microbiotes : car votre salive et toutes ses bactéries vont ensuite tapisser toutes vos parois, de votre œsophage à vos intestins et déterminer votre microbiote intestinal.

Flore riche, flore pauvre

Des publications montrent que ceux qui jardinent, ceux qui ont les mains dans la terre, ont une flore beaucoup plus riche que les autres. Et enrichissent la flore de leur famille.

À l’inverse, ceux qui fréquentent la piscine ou des milieux trop stériles, ceux qui utilisent régulièrement des bains de bouche, ont une flore qui devient pauvre.

Il ne faut pas désinfecter une flore mais l’enrichir.

Une flore riche engendre un microbiote « protecteur », qui laisse peu de place pour la fixation des agents pathogènes.

Une flore pauvre, un microbiote déséquilibré, invite les bactéries et les virus opportunistes.

Votre bouche est en fait un champ de bataille : les quelque 300 espèces de bactéries contenues dans votre bouche se battent jour après jour entre elles pour essayer de s’imposer et de gagner du terrain !

En maintenant une flore riche suffisamment tôt, toutes les pathologies dont je vous parlais pourraient être prévenues.

C’est selon moi l’un des champs de la recherche médicale les plus excitants et prometteurs des années à venir…

…qui ouvre la voie vers la vraie médecine du futur, une médecine dite « de précision », personnalisée, et qui agit sur les déséquilibres profonds à l’origine des maladies avant même qu’elles ne se déclenchent.

Important : 8 signaux d’alerte à ne pas prendre à la légère

D’après un expert du microbiote buccal que j’ai rencontré, il existe 8 signaux d’alerte qu’on a trop tendance à négliger, alors qu’ils témoignent d’un déséquilibre important de notre microbiote buccal[19] :

  1. le saignement des gencives : c’est l’un des 4 symptômes avant-coureurs de la maladie parodontale (avec le déchaussement, des dents qui bougent et une hypersensibilité des racines). Des changements alimentaires (en particulier un apport supérieur en vitamine C) s’imposent alors, ainsi qu’un détartrage et une meilleure hygiène bucco-dentaire ;
  2. la candidose buccale : on la reconnaît au dépôt blanchâtre sur la langue et elle apparaît souvent après la prise longue ou répétée d’antibiotiques ou en cas d’immunité diminuée (chimiothérapie, VIH…).
  3. les aphtes : s’ils peuvent paraître anodins, des aphtes à répétition doivent vous alerter et peuvent marquer le début d’une maladie sous-jacente : maladie de Cohn, carence en vitamine B12, intolérance au gluten (maladie cœliaque), baisse importante des globules blancs… La réduction du nickel et de certains aliments allergènes (noix, tomates, cacahuètes, gruyère, fraises) aide souvent à réduire les aphtes. Il est en tout cas toujours utile d’en parler à votre médecin ;
  4. la mauvaise haleine : elle est causée par une synthèse exagérée d’hydrogène sulfureux, un gaz qui sent l’œuf pourri et est produit par les mauvaises bactéries Fusobacterium nucleatum et Desulfovibrio. Il est alors conseillé de faire un détartrage et un check-up chez le dentiste. Il faut éviter que la bactérie Fusobacterium ne contamine les autres tissus digestifs ou sanguins et une stimulation de l’immunité par la prise de vitamine D2/D3 est recommandée ;
  5. la bouche sèche : la flore contenue dans la salive détermine celle des intestins et un manque de salive ou de diversité dans sa flore va peu à peu contaminer les intestins et peut entraîner une dysbiose intestinale (SIBO, pullulation bactérienne dans l’intestin grêle). Un manque d’hydratation, la destruction des glandes salivaires (maladies auto-immunes, radio/chimiothérapie…) ou encore la prise de médicaments (antidépresseurs, anxiolytiques, neuroleptiques, antihistaminiques, antalgiques à base de morphine, anticholinergiques, certains antihypertenseurs) peuvent en être à l’origine ;
  6. le bouton de fièvre (herpès labial) : causé par un virus de la famille des Herpes simplex virus, on considère souvent que le bouton de fièvre est bénin. En réalité, s’il se répète plusieurs fois par an, il faut s’en inquiéter d’après les experts du microbiote buccal : le virus peut migrer vers le nerf vague, rejoindre le cerveau et la moelle épinière et s’y installer durablement, où il abîme les nerfs. À terme, plusieurs études ont ainsi montré que ce virus considéré « bénin » jouerait un rôle majeur dans l’apparition de la maladie d’Alzheimer[20] et de Parkinson[21]!
  7. la langue fissurée : des zones rouges, lisses et irrégulières apparaissent sur la langue, avec de petites fissures qui se creusent. C’est souvent le signe d’une maladie auto-immune latente (psoriasis, lichen) ou d’un terrain allergique (asthme, rhino-conjonctivites à répétition…)
  8. la langue gonflée avec empreinte des dents visible : elle témoigne souvent d’une carence en vitamines B (B1, B6, B9, B12), d’une déshydratation, d’une inflammation de la langue causée par de l’herpès, une candidose, une allergie ou des aphtes, ou encore d’une apnée du sommeil.

Tout ça, je l’ai appris grâce à un grand ponte de la médecine, le Dr Bruno Donatini.

Il est à la fois immunologue, cancérologue, hépatologue, ostéopathe et gastro-entérologue…

… et c’est LE spécialiste du microbiote buccal en France.

Il a gentiment accepté de me rencontrer, de répondre à toutes mes questions, et même d’ausculter ma bouche :

Comme vous le voyez, cet examen se fait dans la pénombre pour pouvoir faire « apparaître » les diverses colonies bactériennes de la bouche au moyen de rayons lumineux.

Tout ce qu’il a pu « lire » dans ma bouche m’a bluffé.

Sans que je ne lui dise rien, il a découvert dans ma bouche que je souffrais de faiblesses articulaires et que j’étais parfois sujet au psoriasis.

Puis il m’a recommandé un complément alimentaire à base de champignons pour corriger le problème !

Car le Dr Donatini est aussi l’un des plus grands spécialistes français de « la mycothérapie » : il utilise des champignons médicinaux bien précis pour rééquilibrer les microbiotes et soigner toutes sortes de pathologies ou de terrains déséquilibrés.

Chaque année, il forme des centaines de médecins généralistes à l’approche du microbiote buccal.

Portez-vous bien,

Rodolphe Bacquet

[1] Di Stefano M, Polizzi A, Santonocito S, Romano A, Lombardi T, Isola G. Impact of Oral Microbiome in Periodontal Health and Periodontitis: A Critical Review on Prevention and Treatment. Int J Mol Sci. 2022 May 5;23(9):5142. doi: 10.3390/ijms23095142. PMID: 35563531; PMCID: PMC9103139.

[2] Hu, Shijia et al. “Oral Microbiome of Crohn’s Disease Patients With and Without Oral Manifestations.” Journal of Crohn’s & colitis vol. 16,10 (2022): 1628-1636. doi:10.1093/ecco-jcc/jjac063

[3] Li Y, Zhu M, Liu Y, Luo B, Cui J, Huang L, Chen K, Liu Y. The oral microbiota and cardiometabolic health: A comprehensive review and emerging insights. Front Immunol. 2022 Nov 18;13:1010368. doi: 10.3389/fimmu.2022.1010368. PMID: 36466857; PMCID: PMC9716288.

[4] Bui, Fiona Q et al. “Association between periodontal pathogens and systemic disease.” Biomedical journal vol. 42,1 (2019): 27-35. doi:10.1016/j.bj.2018.12.001

[5] Farhat S, Hemmatabadi M, Ejtahed HS, Shirzad N, Larijani B. Microbiome alterations in women with gestational diabetes mellitus and their offspring: A systematic review. Front Endocrinol (Lausanne). 2022 Dec 8;13:1060488. doi: 10.3389/fendo.2022.1060488. PMID: 36568098; PMCID: PMC9772279.

[6] Zangeneh, Zahra et al. “Bacterial variation in the oral microbiota in multiple sclerosis patients.” PloS one vol. 16,11 e0260384. 30 Nov. 2021, doi:10.1371/journal.pone.0260384

[7] Contaldo M, Itro A, Lajolo C, Gioco G, Inchingolo F, Serpico R. Overview on Osteoporosis, Periodontitis and Oral Dysbiosis: The Emerging Role of Oral Microbiota. Applied Sciences. 2020; 10(17):6000. https://doi.org/10.3390/app10176000

[8] Bui, Fiona Q et al. “Association between periodontal pathogens and systemic disease.” Biomedical journal vol. 42,1 (2019): 27-35. doi:10.1016/j.bj.2018.12.001

[9] Fleury, Vanessa et al. “Oral Dysbiosis and Inflammation in Parkinson’s Disease.” Journal of Parkinson’s disease vol. 11,2 (2021): 619-631. doi:10.3233/JPD-202459

[10] Simpson, Carra A et al. “Oral microbiome composition, but not diversity, is associated with adolescent anxiety and depression symptoms.” Physiology & behavior vol. 226 (2020): 113126. doi:10.1016/j.physbeh.2020.113126

[11] « Microbiote buccal et idées suicidaires : un lien probable », Alternative Santé, août 2022, https://www.alternativesante.fr/microbiote/microbiote-buccal-et-idee-suicidaire-un-lien-probable

[12] Zhao, Hongsen et al. “Variations in oral microbiota associated with oral cancer.” Scientific reports vol. 7,1 11773. 18 Sep. 2017, doi:10.1038/s41598-017-11779-9

[13] Peters, Brandilyn A et al. “Oral Microbiome Composition Reflects Prospective Risk for Esophageal Cancers.” Cancer research vol. 77,23 (2017): 6777-6787. doi:10.1158/0008-5472.CAN-17-1296

[14] Huang K, Gao X, Wu L, Yan B, Wang Z, Zhang X, Peng L, Yu J, Sun G, Yang Y. Salivary Microbiota for Gastric Cancer Prediction: An Exploratory Study. Front Cell Infect Microbiol. 2021 Mar 10;11:640309. doi: 10.3389/fcimb.2021.640309. PMID: 33777850; PMCID: PMC7988213.

[15] Herremans, Kelly M et al. “The oral microbiome, pancreatic cancer and human diversity in the age of precision medicine.” Microbiome vol. 10,1 93. 15 Jun. 2022, doi:10.1186/s40168-022-01262-7

[16] Wen Y, Feng L, Wang H, Zhou H, Li Q, Zhang W, Wang M, Li Y, Luan X, Jiang Z, Chen L, Zhou J. Association Between Oral Microbiota and Human Brain Glioma Grade: A Case-Control Study. Front Microbiol. 2021 Oct 18;12:746568. doi: 10.3389/fmicb.2021.746568. PMID: 34733261; PMCID: PMC8558631.

[17] « Le cancer du poumon et le microbiote oral, parlons-en ! », Journal International de médecine, http://www.jim.fr/e-docs/cancer_du_poumon_et_microbiote_oral_parlons_en__186947/document_actu_med.phtml

[18] https://www.sciencesetavenir.fr/sante/os-et-muscles/gare-au-desequilibre-du-microbiote-buccal_139453

[19] Dr Bruno Donatini, La bouche, miroir de votre santé – Cancer, diabète, Alzheimer… Ce que notre bouche révèle, éditions Flammarion, 2022

[20] Itzhaki RF. Overwhelming Evidence for a Major Role for Herpes Simplex Virus Type 1 (HSV1) in Alzheimer’s Disease (AD); Underwhelming Evidence against. Vaccines (Basel). 2021 Jun 21;9(6):679. doi: 10.3390/vaccines9060679. PMID: 34205498; PMCID: PMC8234998.

[21] Shen S, Zhang C, Xu YM, Shi CH. The Role of Pathogens and Anti-Infective Agents in Parkinson’s Disease, from Etiology to Therapeutic Implications. J Parkinsons Dis. 2022;12(1):27-44. doi: 10.3233/JPD-212929. PMID: 34719435; PMCID: PMC8842782.