Chers amis,

Un message un peu plus « psychologique » aujourd’hui, une fois n’est pas coutume !

Je le confesse, je remets… souvent les choses au lendemain.

Ça peut être trois fois rien : régler une facture, rédiger un mail, laver le sol de ma cuisine.

Ça peut aussi être quelque chose de plus désagréable, que j’évite : déclarer mes impôts, ranger la cave, prendre rendez-vous chez le dentiste.

Je me dis qu’après tout, ça peut attendre « demain ».

Un cercle vicieux

Le problème c’est que si on répète l’opération 2 ou 3 jours d’affilée… la tâche qu’on a repoussée est toujours là !

Et je ne vous apprends rien, d’autres seront venues s’y ajouter.

L’effort demandé, pas si terrible au départ, paraît bientôt insurmontable.

Et ça crée un petit cercle vicieux, nourri de remords, d’anxiété et de culpabilité.

La « procrastination », c’est de ça que je veux vous parler aujourd’hui.

Les psychologues la définissent comme le fait de reporter voire ignorer volontairement une tâche importante, que nous avions l’intention de faire, tout en sachant que ce report aura des conséquences désagréables.

Pas d’inquiétude, cela frappe tout le monde à divers degrés, même les plus productifs d’entre nous.

Mathieu, jusqu’à la dernière minute

Je me souviens d’un ancien camarade des bancs de la fac, appelons-le Mathieu, chez qui la procrastination atteignait des sommets.

Pour éviter de réviser ses examens, Mathieu sortait en ville, regardait la télévision… jusqu’à ce qu’il soit très en retard.

L’anxiété de la dernière minute lui donnait un rush d’adrénaline suffisant pour accomplir tout ce qu’il avait à faire. Son excuse, c’était qu’il ne savait travailler que « dans l’urgence » et « sous la pression ».

D’après le Dr Tim Pychylpsychologue canadien considéré comme un spécialiste mondial de ces comportements, la tendance à la procrastination apparaît entre 15 et 20 ans, âge où on doit apprendre à assumer de nouvelles responsabilités… qu’on n’avait pas quand on était enfant.

Selon lui tout est une affaire de sens.

Si l’on peine à trouver du sens aux « devoirs » qui nous sont imposés, la procrastination apparaît comme un mécanisme de défense.

Bertrand, l’angoisse de « la montagne »

Bertrand était un autre de mes camarades, un procrastinateur « modéré », pourrais-je l’appeler.

La plupart du temps, Bertrand était productif, mais quand il avait à faire une tâche particulièrement stressante, il était alors pris… d’une frénésie de ménage. Je vous assure que c’est vrai ! Il rangeait sa bibliothèque par ordre alphabétique, récurait le sol, faisait la vaisselle, les vitres…

En faisant cela, il faisait TOUT sauf ce qu’il devait faire.

Par opposition avec la « procrastination passive » qui consiste à s’abandonner à une activité agréable, les psychologues parlent, dans les cas des « Bertrand », de « procrastination active ».

Plus constructive, elle consiste à s’adonner à une autre tâche moins désagréable, parfois aussi importante, mais non prioritaire : payer une facture, faire la lessive, plutôt que de s’adonner à son travail.

Isabelle, l’hyperactive qui « précrastine »

Parlons d’Isabelle enfin, toujours en action, productive, ayant toujours une longueur d’avance sur tout.

On peut dire, dans son cas, qu’Isabelle « précrastine ».

En apparence, elle est ultra-performante et épanouie. Il peut lui arriver de reporter certaines tâches désagréables, mais jamais très longtemps.

Pourtant Isabelle souffre aussi, du sentiment tenace de ne jamais en faire assez, et ressent de l’anxiété et de la culpabilité chaque fois qu’elle ne travaille pas ou qu’elle ne fait pas quelque chose de « productif ».

Elle n’a pas la vie plus facile que les deux autres !

Quelques (fausses) solutions

Dans les librairies, vous trouverez une multitude d’ouvrages de développement personnel vous promettant d’accroître votre productivité, d’organiser votre temps et de prioriser vos tâches.

Certaines sont sans doute efficaces :

  • La matrice d’Eisenhower[1], du nom du fameux général américain : qui vous invite à différencier les tâches « importantes et urgentes » (à exécuter immédiatement et soi-même), « importantes mais peu urgentes (à planifier et exécuter soi-même), des tâches « urgentes mais peu importantes » (à déléguer dans la mesure du possible), etc.
  • La méthode pomodoro : qui vous incite à découper votre travail en tranches de 25 minutes, séparées par des courtes pauses de 5 minutes ;
  • La « 5 am morning routine », qui consiste ni plus ni moins à se lever à 5h du matin pour attaquer votre journée façon militaire ;

Mais si vous souffrez d’une tendance marquée à la procrastination, vous savez que ce n’est en réalité pas un problème d’organisation.

La procrastination n’est pas de la paresse

Et pas non plus un problème de paresse.

Une personne qui procrastine est capable de déployer une énergie incroyable… à faire autre chose.

La procrastination est aussi à distinguer de l’apathie, marquée par l’envie de ne rien faire et une absence de raisons de vivre.

Ce cas-là doit vous alerter sur une possible dépression.

Enfin ce n’est pas non plus la tâche en elle-même qui pose un problème : face à une même tâche, une situation sera vécue comme insurmontable par certains et comme un défi amusant par d’autres.

La procrastination, ce n’est donc ni un problème de paresse ni un problème d’organisation, c’est un problème d’émotions[2], lié à notre façon d’envisager la tâche.

C’est fuir une émotion douloureuse ou désagréable

En réalité devoir effectuer une tâche déclenche chez nous une certaine « douleur ».

Nous ressentons de l’anxiété vis-à-vis de cette tâche, et pour réduire cette anxiété et améliorer notre humeur, nous allons déployer une stratégie d’évitement.

D’après le Dr Tim Pychyl, la forme la plus courante de procrastination est ainsi une sorte de « réparation de l’humeur » à court terme.

Le problème chez les procrastinateurs chroniques, c’est que si cet évitement dure, j’en ai parlé, il va générer encore davantage d’anxiété et de culpabilité.

D’après l’Association for Psychological Science, les procrastinateurs chroniques ou les cas « aigus » de procrastination seraient victimes d’un mauvais fonctionnement de leur cerveau, qui les poussent à soulager leur stress par la procrastination, engendrant finalement davantage d’angoisse et de remords.

Les experts appellent cela un « dérèglement du circuit de la récompense » dans le cerveau, similaire à celui qu’on observe en cas d’addictions, où le plaisir du court-terme est préféré à la satisfaction à plus long terme[3][4].

Peur d’échouer et peur de réussir

Selon le Dr Tim Pychyl, plusieurs peurs enfouies causent ce comportement :

  • La peur de l’échec ; « j’ai tellement peur d’échouer que je préfère ne pas essayer » ;
  • La peur de réussir : « Je ne mérite pas le succès » (problème d’estime de soi) ;
  • L’ennui face aux tâches rébarbatives.

La prochaine fois que vous vous surprenez à procrastiner, demandez-vous : « De quoi ai-je si peur ? ».

Selon le psychologue, c’est en acceptant de travailler avec cette peur et non de fuir à cause de cette peur qu’on peut trouver le déclic pour passer à l’action.

Les bénéfices de la fuite

La première étape pour désamorcer le mécanisme de fuite, c’est de comprendre les bénéfices inconscients que nous en retirons.

Reporter au lendemain nous permettrait :

  • d’éviter la frustration, au sens large : tout ce qui nous déplaît, nous agace, nous énerve, nous ennuie, nous rend triste, etc.[5].
  • de protéger son estime de soi : en évitant de s’engager dans la tâche on se protège de l’échec ;
  • de résister aux autres : il s’agit alors d’une résistance passive, plus souvent présente chez les jeunes procrastinateurs. Par exemple : mon chef me demande de faire quelque chose. Je n’aime pas mon chef, je vais donc traîner des pieds, jusqu’à être surchargé et obtenir ainsi… une bonne raison de ne pas faire ce qu’il me demande !

Prenez conscience des méfaits de la procrastination…

Une fois que vous avez compris les avantages que vous retiriez de la procrastination, il faut trouver la motivation de changer.

Et d’ainsi éviter :

  • Du stress inutile ;
  • De la fatigue ;
  • Vous rendre moins disponible pour vos proches et être plus irritable ;
  • Vous contraindre à travailler sur votre temps libre ou à déprogrammer des activités plaisantes pour accomplir ce que vous auriez pu faire plus tôt ;
  • Prendre le risque de décevoir votre chef, votre conjoint(e), vos amis et surtout vous-même ;

La neuroscience nous apprend que notre cerveau a du mal à relier le sens des résultats obtenus demain avec les efforts consentis aujourd’hui.

Les psychologues parlent du « biais du présent » pour expliquer que nous sommes bien souvent incapables de comprendre que :

  • ce que nous voulons à long terme,
  • et ce que nous voulons maintenant,

eh bien ce n’est pas la même chose.

Notre cerveau se trouverait dans une sorte de « conflit cognitif ».

Pour aider votre cerveau, il n’est pas inutile de vous concentrer sur les bienfaits que vous pouvez retirer en passant à l’action.

Entraînez-vous à les visualiser, cela vous encouragera à passer à l’action.

Le test des chamallows

Le Dr Piers Steel, un psychologue américain autre grand spécialiste mondial de la « science de la motivation », a mené dans les années 1960 une expérience restée célèbre.

Des enfants étaient assis devant une table avec des chamallows devant eux, ils pouvaient les manger tout de suite ou attendre que le chercheur revienne, auquel cas il leur offrirait le double de chamallows.

Seuls 30% des enfants ont réussi à résister à la tentation et à attendre patiemment le retour des chercheurs.

Les enfants qui avaient le plus vite saisi les bonbons étaient aussi plus susceptibles d’avoir des problèmes de comportements et ont par la suite obtenu de moins bons résultats scolaires que les autres[6]…

Des études ultérieures ont même montré que cette impulsivité pouvait être détectée dès l’âge de 18 mois, et qu’elle était associée chez l’adulte à une plus grande tendance aux addictions et à la consommation d’alcool [7][8].

On pourrait apprendre la maîtrise de soi « vite et bien », notamment aux enfants[9]. Par la pratique et à force de répétitions, l’idée serait d’apprendre à reporter la gratification immédiate.

Méditer pour apprendre à attendre

L’expérience a montré que la maîtrise de soi dépend d’une compétence essentielle : la « répartition stratégique de l’attention ».

Au lieu d’être obsédés par la guimauve qu’ils avaient sous les yeux, les enfants « patients » ont essayé de détourner leur attention en se couvrant les yeux, en jouant à cache-cache sous le bureau ou en chantant des chansons.

Leur désir n’a pas été vaincu ; il a simplement été oublié.

Chez les adultes, cette compétence à diriger efficacement son attention est souvent désignée comme la « métacognition » ou la « réflexion sur la réflexion ». Elle peut être développée par l’observation de soi ou encore mieux, la méditation.

Une étude réalisée auprès de 300 personnes par l’équipe du Dr Tim Pychyl, de l’Université Carleton, a démontré que la méditation de pleine conscience pouvait aider à éviter « l’échec de régulation de soi-même » qu’est la procrastination.

Selon le Dr Tim Pychyl, nous ne serions pas suffisamment conscients de notre anxiété, des bénéfices à long terme du travail, des résistances que nous ressentons, ni de notre « juge intérieur », cette voix critique en nous qui juge notre comportement… et peut se transformer en tyran !

Écoutez votre « juge intérieur »

Le « juge intérieur », c’est cette petite voix qui vous aide à juger et à donner du sens à ce qui vous arrive, qui vous dicte aussi des « il faut/ il ne faut pas » ou des « je dois, je ne dois pas ».

Ces mots ne vous laissent pas le choix, vous tirent vers le bas et peuvent même vous pousser à vous auto-saboter.

En devenant plus attentifs à votre dialogue intérieur, vous pouvez remplacer les « je dois » par des « je choisis de ».

Plutôt que de ressentir la tâche comme une contrainte, et de réagir en la fuyant, vous pouvez ainsi consciemment prendre les choses en main.

La méditation est une forme d’exercice pour votre esprit.

Je vous encourage à essayer de méditer, en tous cas de vous mettre à l’écoute de votre dialogue intérieur, pour mieux repérer ce qui nourrit votre tendance à procrastiner.

Faites preuve d’auto-compassion

Le plus souvent, comment combattons-nous notre tendance à la procrastination ?

Nous la critiquons, nous la jugeons, la condamnons…

Cette approche, nous disent les psychologues, ne fait finalement que renforcer notre résistance.

Pour appréhender la peur qui est à la racine de notre tendance à reporter l’effort, il ne suffit pas de « se faire violence ». Cela peut marcher une fois, deux fois, mais la tendance de fond finira par revenir.

Car plus vous chercherez à faire taire cette voix intérieure qui vous dit « Tu n’y arriveras jamais ! » ou « Tu es trop fainéant ! », plus elle va vous parler méchamment… et vous pousser à éviter l’effort !

Vous devriez au contraire écouter ces voix sans jugements ni critique, et les accepter.

« La plus grande raison pour laquelle les gens manquent d’auto-compassion est qu’ils ont peur de devenir trop indulgents envers eux-mêmes. Ils croient que l’auto-critique est ce qui leur permet de rester au niveau. Notre culture nous a dit qu’être dur avec soi-même était la façon de fonctionner », explique la psychologue Kristin Neff[10].

Si vous avez une tendance lourde à la procrastination, ne faites donc pas « comme si vous étiez ultra-performant », ne vous faites pas violence, mais acceptez et écoutez ce qui résiste en vous.

C’est l’auto-compassion, et non l’auto-critique, qui va vous inspirer un changement positif et vous permettre d’entendre « ces petites voix intérieures » sans les réprimer.

Débusquez vos fausses excuses

Voici les fausses croyances et fausses excuses que vous serviront probablement ces petites voix du « juge intérieur » :

  • La confusion : « Je ne sais pas quoi faire. »
  • La peur excessive : « Je ne peux juste pas », « J’ai peur d’avoir l’air stupide » …
  • Le perfectionnisme : « Si ce n’est pas possible de faire parfait tout de suite, ce n’est pas la peine. » C’est là aussi notre manque d’auto-compassion qui se cache derrière le perfectionnisme : le perfectionnisme, c’est ne pas s’autoriser à échouer.
  • L’identité : « Je suis une personne paresseuse. »
  • La honte : « Je ne devrais pas être si fainéant ! »
  • La fatigue : « Je suis trop fatigué, je ne me sens pas bien aujourd’hui »
  • Le regret : « C’est trop tard pour s’y mettre. »
  • La fausse anticipation : « Chaque fois que j’ai fait cela, j’ai échoué, je sais très bien comment ça va se passer… »

Ces voix sont simplement des croyances que nous nous sommes forgées, pas des vérités.

La méditation, ou une simple observation de vous-même, peut vous aider à débusquer ces fausses croyances qui vous tyrannisent et vous servent à justifier votre procrastination.

Tout en reconnaissant l’émotion et en écoutant cette petite voix critique, vous pouvez alors choisir consciemment de passer à l’action et de lui donner tort, plutôt que de réagir inconsciemment et mécaniquement à votre peur.

N’essayez plus, commencez, juste 5 minutes !

« Le plus dur, c’est de s’y mettre », dit la sagesse populaire.

« J’essaie, mais je n’y arrive pas » est bien souvent une de ces fausses excuses dont on se sert pour se protéger.

Mais « essayer », c’est bien souvent ne pas vraiment faire…

Comme le dit un sage indien que j’affectionne : « Essayer, faire de son mieux, cela n’existe pas. On fait la chose ou on ne la fait pas.[11] »

Maintenant que vous avez identifié la voix critique qui vous empêche de passer à l’action et que vous avez décidé de ne pas lui obéir…

…voici ce que je vous propose.

Munissez-vous d’un minuteur, d’un chronomètre, d’un téléphone avec alarme, de n’importe quel objet qui peut sonner au bout de 5 minutes.

Prenez une grande inspiration, enclenchez le minuteur, placez-vous devant la tâche longuement procrastinée… et jetez-vous dessus pendant 5 minutes !

C’est tout ?

Oui.

Bien sûr, vous ne viendrez probablement pas au bout de votre tâche en 5 minutes.

Mais sous sa simplicité désarmante, cette méthode est redoutable d’efficacité pour oser « se jeter à l’eau ».

Après tout, vous n’avez qu’à vous y mettre 5 petites minutes.

Ensuite, vous pourrez arrêter librement et reprendre le cours de votre procrastination.

Mais vous aurez plutôt envie de continuer, « encore 5 minutes » !

« Petit à petit, l’oiseau fait son nid »

Si cela marche aussi bien, c’est parce qu’à trop nous focaliser sur le but final de nos actions, sur l’objectif à atteindre, nous perdons de vue l’action elle-même.

Nous dépensons alors toute notre énergie à visualiser les actions qu’il faudrait faire, au lieu de les faire, tout simplement.

Nous nous faisons une montagne de la tâche à accomplir, alors qu’il ne s’agit que de la gravir petit pas après petit pas.

Les procrastinateurs « aigus » peuvent même s’épuiser mentalement à envisager leur action sous toutes les coutures, alors que l’essentiel, c’est de commencer.

Voici un conseil : la prochaine fois que vous ferez face à une tâche que votre être tout entier semble refuser, ne visualisez pas la tâche dans son ensemble.

Demandez-vous simplement : quel est le prochain petit pas, la petite action que je dois faire dans les prochaines secondes pour progresser un peu ?

Divisez votre travail en toutes petites tâches, n’anticipez pas plus que ces quelques premières secondes qu’il vous faut pour vous mettre au travail, pour faire ce premier pas.

Gardez vos actions aussi petites et concrètes que possible.

Et mettez donc votre perfectionnisme de côté ! Vous savez que ce n’est qu’une « fausse excuse », pour protéger votre estime de soi, et une « fausse croyance » qui vous fait croire que pouvez obtenir un résultat idéal en une seule fois.

 Récompensez-vous !

« Après l’effort, le réconfort », dit la sagesse populaire.

Autre conseil pratique : récompensez-vous après avoir fait ce que vous deviez faire.

Même si vous n’avez accompli qu’une petite tranche de travail, accordez-vous une petite tranche de récompense.

Cela vous permettra d’apprendre à ne plus fonctionner que sous la contrainte ou la pression, et d’apaiser votre « juge intérieur ».

Vous redécouvrirez aussi le sens du vrai moment de détente, le « repos du juste » avec le sentiment du devoir accompli.

Car quand vous procrastinez, vous avez tendance à « voler » des moments furtifs de plaisir… qui n’en sont pas vraiment. Puisque dans votre tête, votre juge intérieur nourrit votre sentiment de culpabilité et veille toujours à ce que vous n’y preniez pas trop de plaisir !

Vous pouvez écrire à l’avance une liste de récompenses :

  • Lire un livre ;
  • Appeler un ami pour papoter pendant une heure ;
  • Vous offrir un vêtement, une décoration, n’importe quoi qui vous fait plaisir ; vous autoriser à surfer sur Internet la conscience tranquille pendant une demi-heure ;

Vous pouvez associer une tâche à chaque récompense, et enrichir votre liste au fur et à mesure.

Prendre le temps de ne rien faire ?

Enfin, si vous ne souffrez que rarement de procrastination, mais que comme Isabelle vous avez l’impression de ne jamais en faire assez, j’aimerais vous proposer une autre manière d’envisager les moments d’inactivité.

Jusqu’à un certain point, il est tout à fait normal de procrastiner un peu, nous disent les psychologues. C’est un moyen utile pour nous d’apprendre à nous connaître, de faire le tri et de prioriser entre plusieurs tâches[12].

Quand cela « bloque » sur une tâche et qu’on la reporte au lendemain, ce peut être aussi que la tâche n’est ni importante, ni prioritaire sur le moment pour nous, sans que cela porte à conséquence.

Mais ce temps gratuit, « volé », passé sans rien faire ou à ne pas faire ce qu’on devrait faire, est-il du temps perdu ?

Non. C’est un temps pour vous, un temps pour « être » et vous soustraire au culte de la performance et à la dictature du « faire ».

Un temps pour prendre conscience, peut-être, que votre valeur ne provient pas uniquement de ce que vous parvenez à accomplir (ce qui reviendrait à considérer la vie comme une survie et un combat perpétuels), mais plus profondément de votre capacité à « être » vous-même, riche, unique, avec vos défauts.

C’est aussi un temps propice à l’introspection, à la rêverie, à la curiosité, qui peut stimuler votre créativité, vous permettre de prendre de la hauteur, d’envisager de nouvelles solutions aux problèmes qui vous préoccupent.

Vous ne pouvez pas toujours être « ultra-performant », même si vous vous plaisez à vous définir ainsi.

A doses homéopathiques, procrastiner, ce peut être prendre le temps de repos nécessaire pour mieux reprendre une tâche ensuite.

Nous avons besoin parfois de nous ressourcer, de nous « déconnecter » afin de mieux nous reconnecter avec efficacité.

Et c’est très bien comme ça.

Portez-vous bien,

Rodolphe


[1] Hettl, M. K. (2020). Prioriser les tâches : Fixer les priorités avec la matrice d’Eisenhower. Weka, thèmes, compétences personnelles. https://www.weka.ch/themes/competences-personnelles/gestion-des-collaborateurs/taches-et-instruments-de-direction/article/prioriser-les-taches-fixer-les-priorites-avec-la-matrice-deisenhower/

[2] Kemmis, S. (2019). Procrastination is an emotional problem. Fast Company. https://www.fastcompany.com/90357248/procrastination-is-an-emotional-problem#:~:text=Pychyl%2C%20found%20links%20between%20procrastination,predict%20our%20task%20will%20create.

[3] Tice, D. M., & Bratslavsky, E. (2000). Giving in to Feel Good: The place of Emotion Regulation in the Context of General Self-Control. Psychological Inquiry: 11(3), 149-159. http://www.jstor.org/stable/1449793

[4] Fiore, Neil A (2006). The Now Habit: A Strategic Program for Overcoming Procrastination and Enjoying Guilt-Free Play. New York: Penguin Group. p. 5. ISBN 978-1-58542-552-5.

[5] Blunt, A. K., & Pychyl, T. A. (2000). Task aversiveness and procrastination: a multi-dimensional approach to task aversiveness across stages of personal projects. Personality and Individual Differences: 28(1), 153-167. https://doi.org/10.1016/S0191-8869(99)00091-  

[6] Lehrer, J. (2009). Don’t! The secret of self-control. Dept. of science. The Newyorker. http://www.newyorker.com/reporting/2009/05/18/090518fa_fact_lehrer?currentPage=all

[7] Phillips, J. G., & Ogeil R. P. (2009). Decisional styles and risk of problem drinking or gambling. Personality and Individual Differences. 51:521–526. Sirois & Pychyl, 2002

[8] Sirois, F.M., & Pychyl, T.A. (2002). Academic procrastination: Costs to health and well-being. Paper presented at the 110th Annual Convention of the American Psychological Association; Chicago, Illinois.

[9] Pourquoi remettons-nous souvent les choses au lendemain ? [archive], article du Le Monde, daté du 7 janvier 2011. https://www.lemonde.fr/technologies/article/2011/01/07/pourquoi-remettons-nous-souvent-les-choses-au-lendemain_1462548_651865.html

[10] Parker-Pope, T. (2011). Go Easy on Yourself, a New Wave of Research Urges. The New York Times. https://well.blogs.nytimes.com/2011/02/28/go-easy-on-yourself-a-new-wave-of-research-urges/

[11] Jiddu Krishnamurti, Se libérer du connu, chapitre 6

[12] Pavlina, Steve (2010-06-10). « How to Fall in Love with Procrastination ».