Chers amis,

Au printemps dernier, j’ai rêvé d’éléphants, sans savoir pourquoi.

Puis, sur l’étal d’un marché, je suis tombé sur ce roman avec des éléphants en couverture :

Je n’avais jamais lu ce livre. Il raconte l’épopée, en Afrique équatoriale, d’un Français appelé Morel, pour défendre les éléphants menacés d’extinction.

La protection de la nature, d’actualité depuis plus de 60 ans

La protection des éléphants nous paraît peut-être aujourd’hui « mainstream », banal.

Car les actualités nous apprennent chaque jour qu’une espèce animale est sur le point de s’éteindre.

Mais en 1956 lorsque le roman est publié, cette cause paraît très secondaire, voire futile, comparée à la menace de guerre atomique entre l’Est et l’Ouest, à la crise de Suez ou aux débuts de la guerre d’Algérie.

Romain Gary indique dans son préambule :

« Un seul aspect de mon livre est inscrit dans les faits : l’extermination de la grande faune africaine et en particulier des éléphants…

 « À ceux qui s’étonneraient de ma sollicitude (…) je répondrai que je nous crois assez généreux pour accepter de nous encombrer des éléphants. »

Son personnage, Morel, s’est mis en tête de défendre les éléphants et passe pour un fou auprès de beaucoup.

Tout le monde croit qu’il défend un objectif politique caché. Les nationalistes africains et les communistes tentent de récupérer son combat ; les autorités françaises le jugent anarchiste…

Mais lui, Morel, ne défend aucune idéologie. Il veut juste qu’on laisse les éléphants tranquilles, qu’on les laisse vivre.

Pourquoi ? Parce qu’ils ne servent à rien.

Parce qu’ils échappent à la logique utilitaire des hommes.

« Ce qu’il défendait, c’était une marge humaine, un monde, n’importe lequel, mais où il y aurait place même pour une aussi maladroite, une aussi encombrante liberté. […] Il défendait une marge où ce qui n’avait ni rendement utilitaire ni efficacité tangible, mais demeurait dans l’âme humaine comme un besoin impérissable, pût se réfugier. […] Voilà pourquoi il avait choisi de mener avec tant d’éclat sa campagne pour la protection de la nature. »

La réalité plus cruelle que la fiction…

Ces lignes résonnent de façon puissante soixante ans plus tard.

En 1900, on estimait le nombre d’éléphants vivant en Afrique entre 3 et 5 millions.

Quand Romain Gary écrit Les Racines du ciel, il estime leur population à un million. On est tombé aujourd’hui aux environs des 315 000[1].

On estime qu’à ce rythme, l’espèce pourrait s’éteindre d’ici dix ans[2], comme se sont éteints les tigres d’Indonésie, le dodo de l’île Maurice ou tout récemment le rhinocéros blanc[3].

L’extinction de l’éléphant d’Afrique vous paraît inimaginable ? Elle est pourtant aujourd’hui une possibilité sérieuse.

Dans son roman, Romain Gary évoque l’échec d’une conférence internationale en 1953 à protéger les éléphants et insiste sur la nécessité d’en organiser une nouvelle.

Au moment où je terminais la lecture de son livre le week-end dernier, j’ai appris précisément qu’une telle conférence venait de s’ouvrir à Genève[4].

C’est comme si les journaux poursuivaient aujourd’hui ce récit écrit il y a plus de 60 ans… Cela m’a ému, je ne vous le cache pas.

Cette conférence a donné, pas plus tard qu’hier, un premier résultat : l’interdiction de la vente d’éléphants à des zoos[5].

Ce n’est pas encore ça qui les sauvera mais c’est une véritable avancée.

Soyez optimistes, pour les éléphants… et pour vous

Je choisis l’optimisme pour les éléphants comme pour les autres espèces en voie d’extinction.

Morel m’inspire en ce sens, lui qui subit de sévères déconvenues, perd des compagnons, assiste à un gigantesque massacre d’éléphants… mais persévère, convaincu qu’à force, il finira par y arriver.

C’est un fou mais un fou qui a raison.

J’aimerais élargir mon propos sur l’optimisme en général, cette valeur japonaise de l’Ikigaï à laquelle vous connaissez mon attachement.

L’optimisme nous anime jour après jour. Et nous fait durer plus longtemps.

Je viens de lire une étude qui montre que les optimistes ont 74 % moins de risque de souffrir d’insomnie[6] et bénéficient d’un sommeil plus long et plus réparateur.

Les chercheurs concluent même que l’optimisme serait un atout psychologique majeur pour survivre aux maladies graves et préserver sa santé en général.

Que diriez-vous de m’indiquer en commentaire ce pour quoi vous continuez à être optimiste, envers et contre tout ?

Et surtout, portez-vous bien,

Rodolphe Bacquet


[1] « Éléphant », WWF disponible sur https://www.wwf.fr/especes-prioritaires/elephants

[2] « Communiqué aux médias: CITES CoP18 du 16 au 28 août 2019 – Le destin des éléphants sera décidé cet été à Genève », Fondation Franz Weber, 11 juillet 2019, consulté en août 2019, disponible sur https://www.ffw.ch/fr/nouvelles/communique-aux-medias-cites-cop18-du-16-au-28-aout-2019-le-destin-des-elephants-sera-decide-cet-ete-a-geneve/

[3] Demeersman (X.), « Sudan, le dernier mâle rhinocéros blanc du Nord, est mort », Futura Planète, 21 mars 2018, consulté en août 2019, disponible sur https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/mammifere-sudan-dernier-male-rhinoceros-blanc-nord-mort-55738/

[4] « Genève au chevet de l’éléphant d’Afrique », 24 heures, 16 août 2019, consulté en août 2019, disponible sur https://www.24heures.ch/suisse/cites-chevet-especes-menacees/story/11378836

[5] « L’interdiction de la vente d’éléphants sauvages à des zoos est en bonne voie », Le Monde, 19 août 2019, consulté en août 2019, disponible sur https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/08/19/l-interdiction-de-la-vente-d-elephants-sauvages-a-des-zoos-est-en-bonne-voie_5500640_3212.html

[6] Hernandez (R.) et al., « The Association of Optimism with Sleep Duration and Quality: Findings from the Coronary Artery Risk and Development in Young Adults (CARDIA) Study », Behavioral Medicine, juillet 2019, consulté en août 2019, disponible sur https://doi.org/10.1080/08964289.2019.1575179