Chers amis,  

L’une des toutes premières victimes du coronavirus a été… le baiser. 

Le bisou des grands-parents, la bise entre bons amis, le baiser volé à un séduisant inconnu ont été proscrits du jour au lendemain. 

Ce qui est fondamentalement une marque d’affection, d’estime, d’amitié, d’attirance aussi, est devenu avec cette crise dangereux ; et ceux qui s’y adonnent sont désormais accusés d’irresponsabilité. 

Je pense que, malheureusement, ce changement va durer. 

Il suffit d’allumer la radio pour apprendre que, « quand on aime ses proches, on ne s’approche pas ».

Une telle propagande fait des dégâts : le baiser, mais aussi l’accolade et la poignée de main, sont suspects. Et la généralisation des masques a encore plus marginalisé cette pratique ancestrale. 

J’ai conscience de l’audace inouïe dont je fais preuve : je vous invite à redécouvrir les vertus du baiser sur la bouche.

Les origines du baiser sur la bouche 

Le baiser sur la bouche n’a rien de romantique à l’origine. 

Selon les anthropologues, il viendrait du processus de pré-mastication :

« Les jeunes mères, à une époque où il n’y avait pas encore de petits pots ni de bouillies pour bébé, étaient contraintes, dans la phase de sevrage de l’allaitement, de mâcher préalablement la nourriture solide pour offrir délicatement cette bouchée à leur bébé dans un contact de bouche-à-bouche.[1]  »

Le baiser sur la bouche moderne aurait ses origines dans le don de nourriture maternel, d’une mère à son enfant. 

Les oiseaux conservent ce mode d’alimentation de leurs tout-petits, comme les jeunes manchots, qui viennent se servir directement dans le gosier de leur papa ou de leur maman :  

 Je trouve ça très beau : le baiser comme acte profondément lié à la vie, à la survie.

On retrouve d’ailleurs ce « don », d’oxygène cette fois, dans le bouche-à-bouche pour sauver quelqu’un…

L’union de deux âmes… 

Dans la culture chrétienne, le baiser a une place ambiguë. Le baiser de Judas marque le début du calvaire de Jésus… et dans le même temps ; pour marquer son respect au Pape, on baise sa bague.

Au Moyen-Âge, en Europe, un baiser sur la bouche en public équivalait à une obligation de mariage.

En Inde, le baiser sur la bouche signe l’union et la fusion des âmes :

« Les Indiens croyaient qu’une partie de l’âme s’exhalait dans l’expiration, et que la fusion des lèvres de deux personnes avait pour but l’union de leurs âmes et l’accomplissement d’une osmose spirituelle.[2] » 

La science, aujourd’hui, nous permet de mieux comprendre comment cette « osmose » se réalise. 

J’espère que je ne vais pas casser votre romantisme en vous disant… que c’est aussi la rencontre de deux systèmes immunitaires. 

… et un échange d’informations vitales !

La science du baiser porte un nom : la philamatologie

Grâce à elle, on sait qu’un baiser sur la bouche permet de brûler entre 5 et 26 calories et active entre 23 et 34 muscles faciaux !

Par ailleurs, lorsqu’un couple s’embrasse, il échange en moyenne 9 ml d’eau, 0,7 mg de protéines, 0,18 mg de composés organiques, 0,71 mg de graisses et 0,45 mg de sodium[3]. 

Toutes ces données sont amusantes mais ne servent à rien, me direz-vous !

Mais la philamotologie permet d’apprendre des choses plus intéressantes, notamment sur la façon dont les corps communiquent par un baiser et dont notre santé en profite

Si les jeunes couples s’embrassent autant, c’est parce que le baiser serait une façon inconsciente, pour leurs deux corps, de mesurer leur compatibilité. 

Autrement dit, c’est un échange d’informations biologiques qui s’opère, sur la santé du partenaire et sa qualité de reproducteur. 

Chez les femmes, le baiser permettrait d’évaluer l’état de santé et l’histocompatibilité des hommes qu’elles embrassent, c’est-à-dire la diversité de leur patrimoine génétique comparé au leur, laquelle assure une descendance en bonne santé[4]. 

Chez les hommes, l’échange de salive permettrait de « transmettre » de la testostérone à sa partenaire, faisant grimper le désir et en échange de « mesurer » son taux d’œstrogènes – autrement dit de juger de sa fertilité[5].

Fascinant non ? 

Et le plaisir dans tout ça ? 

Notre comportement n’est pas intégralement régi par nos hormones et nos phéromones, la première raison « consciente » pour laquelle nous nous embrassons, c’est évidemment le plaisir. 

Nos lèvres et notre langue sont en effet très riches en terminaisons nerveuses, stimulées par un baiser, avec des effets physiologiques comparables à une « bonne drogue »[6] :
–    Le pouls s’accélère ; 
–    La tension augmente ;
–    Les pupilles se dilatent ;
–    La respiration est plus profonde ;
–    Les centres du plaisir sont activés dans le cerveau.

Bref, s’embrasser accroît le bien-être, et donc permet de lutter contre le stress. 

Dans une étude menée pendant six semaines sur 52 adultes, les marqueurs biologiques de stress se sont retrouvés plus bas chez les personnes vivant en couple s’embrassant régulièrement sur la bouche…

…jusqu’à faire baisser leur taux de cholestérol[7].

Selon une autre étude, plus sociologique, la fréquence des baisers est corrélée à la « durabilité » d’un couple[8]. Là, j’imagine que vous n’aviez pas besoin de moi pour vous en convaincre !

Mais le baiser a d’autres bienfaits sur la santé.

En meilleure santé quand on s’embrasse ! 

C’est notre système immunitaire tout entier qui se « charpente » grâce au baiser

Un baiser produit un échange de quelque 250 familles de bactéries, celles du microbiote buccal. 

Bizarrement, à de rares exceptions près – les plus connues étant la contagion au virus d’Epstein-Barr (qui donne la mononucléose, la « maladie du baiser ») et à celui de l’herpès – les personnes qui s’embrassent ne tombent pas malades de cet échange salivaire de millions de bactéries.

Au contraire, leur microbiote buccal tend à devenir identique[9] ! Avec des effets positifs sur la santé buccale elle-même (notamment pour la protection des caries). 

D’après une étude publiée en 2010, le baiser sur la bouche serait même, pour les femmes, le premier facteur de protection immunitaire contre le cytomégalovirus, une infection latente et persistante de la même famille que l’herpès, qui peut avoir des répercussions dangereuses sur le développement du fœtus[10]. 

Autre bienfait pour le système immunitaire : s’embrasser réduirait la sévérité des symptômes allergiques[11] et améliorerait la réponse immunitaire[12]. 

La conclusion de ces études, vous l’avez compris, est que les baisers réguliers permettent à ceux qui se les échangent de renforcer mutuellement leurs défenses. 

Alors d’accord pour les masques…

Mais si vous êtes en confiance avec quelqu’un, suivez ce conseil : pour mieux résister aux infections, embrassez-vous ! 

Portez-vous bien, 

Rodolphe 


[1] Zorica Tomić, Le Baiser en voie de disparition ? pp.13-14, éd. L’Âge d’homme, Lausanne, 2013

[2] Ibid., p.14

[3] QUORA, « Ce qu’un baiser avec la langue nous apprend sur l’autre », Slate, 4 août 2018, disponible en ligne sur :  http://www.slate.fr/story/165479/embrasser-bouche-hormone-cerveau-baiser-langue-salive

[4] Ibid.

[5]LLOYD Robin, “Saliva : secret ingredient in the best kisses”, Live science, 13 février 2009, disponible en ligne sur https://www.livescience.com/3328-saliva-secret-ingredient-kisses.html

[6] Zorica Tomić, op. cit., p.18

[7] FLOYD Kory et al., « Kissing in Marital and cohabiting relationships : effects on blood lipid, stress and relationship satisfaction”, Western Journal of Communication, 2009, disponible sur  https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/10570310902856071

[8] WLODARSKI Rafael, DUNBAR L. M. Robin, “ Examining the possible functions of kissing in romantic relationships” Archives of sexual Behavior, Octobre 2013, disponible sur https://link.springer.com/article/10.1007/s10508-013-0190-1

[9] REMCO Kort, CASPERS Martin et al. “ Shaping the oral microbiota through intimate kissing”, Novembre 2014, disponible sur :https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25408893/

[10]https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19828260/

[11]https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16650596/

[12]https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0031938403002956?via%3Dihub