Chers amis,

La seule modification provoquée par un changement de saison est bien souvent… de porter de nouveaux vêtements. En hiver nous nous couvrons, en été nous nous découvrons.

Mais le changement de saison, c’est bien plus que cela du point de vue santé. 

Par exemple manger la même chose en toute saison a des conséquences très concrètes : davantage de rhumes et de gastros ont montré des dizaines d’études.

Certains chercheurs prétendent même que les pics épidémiques annuels se produiraient nettement moins si nous adaptions notre corps (alimentation, mais pas seulement) à chacune des saisons.

On ne suit plus la marche des saisons

Le « gaz à tous les étages » et la fée électricité nous ont permis de ne pas avoir froid l’hiver, de nous éclairer dès que la nuit tombe, de nous préparer un repas chaud facilement.

Et c’est très bien comme ça.

Mais il faut reconnaître que parfois nous :

  • « Poussons » le chauffage pour atteindre des températures trop élevées dans nos maisons et appartements ;
  • Mettons du ventilateur ou de la climatisation dès que la chaleur nous semble un peu forte ;
  • « Contournons » la tombée de la nuit par l’emploi excessif d’écrans (tablettes, téléphones, télévision) dont la lumière bleue brouille notre accueil de la lumière naturelle.

Tout cela nous coupe d’un cycle saisonnier essentiel pour notre santé.

La lumière du jour, grande horlogère des organismes vivants

Commençons par la lumière : si les feuilles des arbres tombent en automne avant de réapparaître pimpantes au printemps, c’est dû à la photosynthèse vous le savez, qui permet aux plantes d’absorber les lumières bleue et rouge du soleil via la chlorophylle.

A l’automne au contraire, le raccourcissement de la lumière ralentit cette photosynthèse et les feuilles jaunissent. En hiver, l’arbre « dort ». Au printemps, le rallongement progressif de la lumière du jour produit de nouvelles pousses.

Chez les animaux qui hibernent c’est pareil.  C’est la baisse de la durée du jour qui lance le signal du ralentissement du métabolisme chez la marmotte, par exemple. 

On appelle ce mécanisme la photopériode[1], ancré au plus profond de l’histoire de la vie animale puisque même les êtres vivants les plus « simples » sur terre, comme les cyanobactéries, l’observent.

Chez les humains on appelle ça l’horloge circadienne. Elle est calée sur l’alternance jour/nuit sur une échelle de 24h.

A la tombée de la nuit, c’est elle qui nous fait sécréter de la mélatonine – l’hormone du sommeil… qui nous endort.

Au lever du jour, c’est elle encore qui nous fait sécréter du cortisol – l’hormone de la vigilance… qui nous réveille.

Cette horloge vous ne pouvez rien y faire, elle fonctionne toute seule

 Le problème aujourd’hui c’est que l’horloge circadienne est perturbée

  • Par l’éclairage démultiplié des villes, qui transforment nos nuits en « jour bis » ;
  • Par les écrans dont nous sommes entourés, dont la lumière bleue retarde notre sécrétion naturelle de mélatonine.

Les dégâts de ce dérèglement commencent à être bien connus :

  • risque accru d’obésité ;
  • risque accru de cancer ;
  • dérèglements hormonaux ;
  • affaiblissement du système immunitaire ;
  • troubles de l’humeur et stress augmenté.[2]

La dépression saisonnière est d’abord affaire de lumière ! 

Le phénomène le plus ressenti par nous tous est la dépression saisonnière, décrite pour la première fois en 1984 par le psychiatre Norman Rosenthal et le physiologiste Alfred Lewy dans un article scientifique retentissant[3].

Cette « dépression » nous fait dormir plus longtemps, nous empêche de sortir de notre lit, nous laisse toute la journée avec l’envie de dormir.

Ce n’est pas rien : cette forme de dépression concernerait entre 2 et 8 % de la population.[4] On l’appelle aussi « trouble affectif saisonnier ».

La vraie preuve de l’action des changements de saison, c’est sans doute que plus de 9 personnes sur 10 ressentent des modifications de leur humeur ou de leur comportement en automne et en hiver[5].

Là encore c’est la lumière le problème. Et la façon dont elle agit sur notre production d’hormones – mélatonine d’abord. 

Pour contrecarrer cela certains utilisent la luminothérapie, technique décrite et développée par le même Dr Norman Rosenthal dont je vous parlais plus haut, en particulier dans son livre Winter blues.

Chez vous, à l’aide d’une lampe émettant une lumière blanche intense (mais pas dangereuse), vous obtenez 5 fois plus de lumière que sur une journée d’hiver. 

Il vous suffit d’allumer la lampe 30 minutes tous les matins, vous pouvez même le faire à votre bureau ou en prenant votre petit-déjeuner[6].

Ses adeptes disent combattre ainsi efficacement la fatigue, n’ont plus de somnolence en journée, ne ressentent plus d’humeur dépressive[7].

Je n’ai pas encore essayé pour ma part. Mais l’hiver prochain comptez sur moi, car les résultats positifs semblent apparaître dès la fin de la première séance[8] !

La luminothérapie serait « aussi efficace » qu’un traitement antidépresseur, a aussi montré une étude menée au Canada en 2006[9]. Durant trois hivers successifs, 96 adultes souffrant de dépression saisonnière ont été sélectionnés pour comparer l’efficacité de l’administration de fluoxétine (le principe actif du Prozac) à celle de séances de luminothérapie. Les 2/3 des participants ont vu leur état émotionnel s’améliorer. Mais la luminothérapie « l’a emporté » grâce à deux atouts majeurs :

  • très peu d’effets indésirables par rapport au médicament, responsable d’agitation, de perturbations du sommeil ou de palpitations cardiaques chez certains ;
  • une action bénéfique plus rapide.

Les changements saisonniers pour être en meilleure santé

La dépression saisonnière n’est qu’une partie émergée de l’iceberg.

Chaque saison devrait nous conduire à adapter notre corps à ces saisons, pour être « plus en phase » avec elles. 

Si nous le faisions, les effets sur notre santé seraient spectaculaires.

C’est ce que je vais vous montrer, saison par saison, dans ma prochaine lettre. 

Portez-vous bien,

Rodolphe


[1] Wikipédia, L’encyclopédie libre. Photopériodisme. https://fr.wikipedia.org/wiki/Photop%C3%A9riodisme

[2] Doctissimo (2018). Le dérèglement de l’horloge biologique et ses conséquences sur la santé. https://www.doctissimo.fr/sante/news/dereglement-horloge-biologique#:~:text=Des%20risques%20graves%20pour%20la,ou%20les%20ouvriers%20aux%203×8.

[3] Rosenthal, N. E., Sack, D. A., Gillin, J. C. et al. (1984). Seasonal affective disorder – a description of the syndrome and preliminary findings with light therapy. Archives of General Psychiatry. 41(1): 72-80. https://www.researchgate.net/publication/16614070_Seasonal_Affective-Disorder_-_a_Description_of_the_Syndrome_and_Preliminary_Findings_with_Light_Therapy

[4] Nussbaumer-Streit, B., & Winkler, D. (2017). Prevention of seasonal affective disorder in daily clinical practice: results of a survey in German-speaking countries. BMC Psychiatry 17(1):247. DOI:10.1186/s12888-017-1403-2

[5] Kasper, S., Wehr, T. A., Bartko, J. J., et al. (1989). Epidemiological findings of seasonal changes in mood and behavior. A telephone survey of Montgomery County, Maryland. Arch Gen Psychiatry. 46(9):823-33. DOI: 10.1001/archpsyc.1989.01810090065010 

[6] Lewy, A. J., Bauer, V. K., Cutler, N. L. et al. (1990). Morning vs evening light treatment of patients with winter depression. Arch Gen Psychiatry. 55(10):890-6. DOI: 10.1001/archpsyc.55.10.890

[7] Rastad, C., Ulfberg, J., & Lindberg, P. (2011). Improvement in Fatigue, Sleepiness, and Health-Related Quality of Life with Bright Light Treatment in Persons with Seasonal Affective Disorder and Subsyndromal SAD. Depress Res Treat. 2011:543906. DOI: 10.1155/2011/543906

[8] Gagan, V., Reeves, G., Rosenthal, N., et al. (2009). Short exposure to light treatment improves depression scores in patients with seasonal affective disorder: A brief report. Int J Disabil Hum Dev. 8(3): 283–286. DOI: 10.1901/jaba.2009.8-283

[9] Lam, R. W., Levitt, A. J., Levitan, R. D., et al. (2006). The Can-SAD study: a randomized controlled trial of the effectiveness of light therapy and fluoxetine in patients with winter seasonal affective disorder. Am J Psychiatry. 163(5):805-12. DOI: 10.1176/ajp.2006.163.5.805