Chers amis,

Autrefois, à l’école, on pouvait avoir des cours de rhétorique : il s’agissait d’apprendre l’art de bien parler, mais aussi de persuader… quitte à déformer la réalité. 

La rhétorique repose autant sur des procédés connus (pour certains depuis l’Antiquité), consignés dans toutes sortes de manuels, que sur le talent et l’expérience de celui qui en use. 

La situation vaccinale en Europe, et donc en France, impose à nos gouvernants et aux journalistes à recourir aux ficelles (parfois grossières) de la rhétorique. 

Car les faits sont têtus, et quand ils disent l’inverse de ce que l’on voudrait… il est possible de recourir à la rhétorique pour leur tordre le bras et leur faire « cracher la vérité » que l’on veut entendre.

Je suis tombé sur l’un de ces exercices de rhétorique désespérée dans Le Figaro, au sujet de l’inexorable progression de patients au « schéma vaccinal complet » parmi les hospitalisations pour forme de covid grave :

Vous pourrez trouver cet article dans le lien-source sur mon site (attention : la version complète de ce texte n’est accessible qu’aux abonnés au Figaro)[1].

On sent, dans cet article de « vérification », la journaliste gênée aux entournures.

Car elle ne peut nier l’évidence : non seulement la progression de personnes vaccinées est en constante augmentation dans les services de réanimation, mais elle est désormais majoritaire

Voyons comment elle s’y prend pour faire dire aux chiffres l’inverse de ce qu’ils disent.

Procédé n°1 : décrédibiliser et rabaisser l’adversaire 

Le premier procédé qu’emploie l’auteure de l’article est l’un des plus courants de la rhétorique et, hélas, le moins noble : il consiste à rabaisser l’adversaire, et donc à le décrédibiliser en déniant sa légitimité à prendre la parole. 

Cet article est en effet publié dans une rubrique nommée « la vérification » : la journaliste répond à ceux qui voient dans ces chiffres une confirmation de la faible efficacité de la vaccination. 

Voici donc comment elle nomme ses adversaires :

« Ces chiffres ne sont pas l’invention de quelques réfractaires à la vaccination », commence-t-elle.

-> Celles et ceux qui ont relayé ces informations sont sobrement qualifiés de « réfractaires », et surtout ils sont minoritaires – c’est ce que l’emploi de l’adjectif « quelques » sous-entend. 

Mais au paragraphe suivant elle attaque plus franchement : « Voilà un nouvel os à ronger pour les « antivax » ». 

-> L’étiquette d’« antivax » est évidemment péjorative ici, effet démultiplié par la comparaison de ces personnes avec des chiens : car qui ronge des os ? Les chiens évidemment.

Comprenez donc : les antivax – ceux qui ont relayé l’information de la progression des vaccinés dans les centres de réanimation – sont ni plus ni moins que des chiens. 

Le paragraphe d’après – qui suit une succession de questions, qu’on nomme d’ailleurs rhétoriques, car la réponse est évidente pour le lecteur : « Aurions-nous été floués, comme l’entendent les sceptiques ? Ou est-il en réalité normal qu’il y ait désormais davantage de vaccinés que de non-vaccinés à l’hôpital ? » – débute d’une manière encore plus terrible pour ses adversaires : « Que les rationalistes se rassurent ». 

-> Les rationalistes sont les tenants de la raison – bref les gens sensés. Par exclusion, les « réfractaires » et ces chiens d’ « antivax » sont dépourvus de raison, mais moi, auteure du Figaro, je vais vous expliquer pourquoi ces chiffres ne signifient pas que les vaccins sont inefficaces, et vous allez me croire, car vous êtes un.e rationaliste.

Vous pouvez donc constater la progression du rabaissement sous la plume de la journaliste du Figaro :

  • Les « quelques » réfractaires sont minoritaires : ils sont privés de légitimité;
  • Ils ont besoin d’« os à ronger » et ne valent guère mieux que des chiens : ils sont privés d’humanité;
  • Ils s’opposent aux « rationalistes » : ils sont privés de capacité de raisonnement.

Procédé n°2 : feindre de donner raison à l’adversaire

Quand une réalité est indéniable, mais que son interprétation ne fait pas vos affaires, il est inutile – pire, contre-productif – de nier cette réalité : mieux vaut combattre son interprétation.

Ainsi la journaliste du Figaro ne peut-elle qu’en apparence donner raison aux lanceurs d’alerte (a.k.a. « quelques réfractaires non rationalistes ayant besoin d’os à ronger ») :

« il y a désormais plus de personnes vaccinées admises chaque jour en réanimation pour une forme grave de Covid que de non-vaccinés. Ces chiffres ne sont pas l’invention de quelques réfractaires à la vaccination. Il s’agit de données tout à fait officielles de la Drees, le service « statistiques » du ministère de la Santé. On apprend ainsi que le 31 octobre (date des dernières données disponibles), 26 personnes vaccinées ont été admises dans un service de soins critiques, contre « seulement » 23 non vaccinées. Le même phénomène est constaté pour les hospitalisations conventionnelles. » dit-elle au début de son article.

Elle poursuite un peu plus loin :

« Alors que dire des chiffres de la Drees ? Il faut reconnaître qu’ils sont parfaitement exacts. »

La phrase suivante est une botte connue des rhétoriciens :

« Mais, comme d’habitude en science, extraire des données brutes sans les replacer dans leur contexte est trompeur. »

Traduction : « moi, journaliste du Figaro, je vais vous apporter la lumière, pauvres obscurantistes qui ne voyez que la surface des chiffres ! » .

Or, la « lumière » apportée par la journaliste… n’est qu’un trompe-l’œil.

« Dans une population majoritairement vaccinée, où le vaccin n’empêche pas à 100% les formes graves (mais autour de 90% environ), il était attendu que la part des personnes vaccinées hospitalisées serait probablement plus importante un jour que celle des non vaccinées. D’ailleurs, si 100% de la population était vaccinée, alors 100% des malades hospitalisés seraient vaccinés, CQFD ! »

D’une part, cette explication ne repose sur aucune source scientifique valide puisque le mythe de « l’efficacité à 90% » des vaccins sortis en toute hâte il y a un an repose sur des études non seulement mal effectuées, comme l’a précisément expliqué le médecin Michel de Lorgeril (ce n’étaient pas des essais randomisées en double aveugle[2]), mais, pour une partie d’entre elles au moins, frauduleuses

D’autre part, le « CQFD » de la journaliste escamote l’éléphant dans le couloir : car si 100% de la population était vaccinée ET que les vaccins étaient efficaces… nous ne serions pas là à discuter du nombre de patients vaccinés admis en service de réanimation !

Procédé n°3 : la tautologie

Le troisième procédé consiste à faire d’une conséquence purement logique, un argument et une preuve.

« Avec plus de 7,3 milliards de doses de vaccins administrées dans le monde, cet outil a largement fait ses preuves. » écrit la journaliste du Figaro.

-> Le nombre de vaccinations n’est que la preuve de la vaccination massive… pas de l’efficacité de cette vaccination

« Et la dernière rentrée scolaire n’aurait pas eu la même allure si les 44,6 millions de personnes vaccinées au 1er septembre en France ne l’avaient pas été. »

-> Évidemment, puisque la condition de cette normalisation… était la vaccination !

(vous remarquerez, au passage, que cette vaccination n’a pas empêché de remettre le masque dans les écoles françaises à la rentrée des vacances de Toussaint… à taux de vaccination supérieur !)

« Sans vaccin, nous serions sans doute déjà tous assignés à domicile à l’heure qu’il est, comme c’était le cas il y a un an. »

-> Une fois de plus, c’est la vaccination elle-même en tant qu’acte qui a permis cette mesure, pas son effet (je reviendrai là-dessus dans un petit moment). 

C’est ce qu’on appelle une tautologie, ou encore un pléonasme.   

Le fait de confondre l’acte de vaccination lui-même avec son effet est tragiquement ancré dans la tête des gouvernants et des journalistes, puisque le nouveau chancelier autrichien, commentant sa mesure ahurissante de « confiner les non-vaccinés », s’en est félicité dans ces termes :

« Cette mesure porte déjà ses fruits : l’augmentation massive des inscriptions dans les centres de vaccination [3]».  

C’est remarquable de clarté : l’effet recherché n’est pas la baisse de la circulation du virus… c’est l’augmentation du taux de vaccination !

Mais revenons à notre article du Figaro, qui concentre tout l’aveuglement ambiant au sujet de la vaccination.

Ne pas confondre concomitance et corrélation 

La toute dernière tentative de démonstration de l’efficacité de la vaccination repose, encore une fois, sur un trompe-l’œil : 

« Preuve supplémentaire de l’efficacité vaccinale s’il en fallait, un récent rapport de Santé publique France montre que les décès et les hospitalisations ont drastiquement diminué dans toutes les tranches d’âge, en particulier chez les plus vulnérables, et ce dès la troisième vague épidémique (mars à mai 2021) alors que le taux de couverture vaccinale n’était pas encore optimal. »

La « preuve » avancée par la journaliste est donc la baisse des hospitalisations et des décès en mars-mai 2021, qu’elle attribue au vaccin – alors que, de son propre aveu, la couverture vaccinale n’était « optimale », et pour cause, puisqu’E. Macron n’avait pas encore instauré le pass sanitaire. 

Interprétation tendancieuse des chiffres ou simple méconnaissance scientifique ?

Nous savons en effet :

  • qu’un virus circulant est moins virulent au printemps-été qu’en automne-hiver (situation connue de longue date avec toutes les infections saisonnières comme la grippe, et dont nous avons une confirmation avec le covid en ce moment-même qui « reprend » à la faveur du froid)  ;
  • qu’un virus répandu et, ayant donc beaucoup d’occasions de muter, évolue de façon à être de plus en plus contagieux et de moins en moins dangereux.

C’est d’ailleurs ce qui doit nous rassurer à l’aube de cette « cinquième vague » – j’y reviens dans un instant.

Bizarrement, la journaliste ne semble pas se rendre compte de l’absurdité de son raisonnement : car si la baisse des hospitalisations et des décès en mars-mai dernier est à mettre au crédit du vaccin… comment expliquer ce rebond des hospitalisations et des décès alors que le taux de vaccination est bien supérieur aujourd’hui ?

La fin de l’article est beaucoup plus intéressante. L’auteure a-t-elle conscience que, malgré tous ses tours de passe-passe rhétorique, son argumentaire n’est pas vraiment convaincant ?

« Pour autant, le fait que la moitié des malades hospitalisés aient été vaccinés doit nous interpeller. Si cela ne remet aucunement en cause l’efficacité de la vaccination, cela nous rappelle que les vaccins ne sont qu’une arme parmi d’autres pour lutter contre l’épidémie. Il s’agit certes du meilleur bouclier dont nous disposons, mais celui-ci n’est pas parfait. Et même avec une population en majorité vaccinée, le risque de voir la vague d’hospitalisations continuer de monter est bien réel. Et ce d’autant plus que l’efficacité du vaccin baisse au cours du temps. »

Sacré jeu d’équilibriste ! Elle nous dit, en somme : « la vaccination est efficace… mais ne comptons pas (ou plus) trop dessus ! »

La conclusion de l’article est consacrée aux « autres armes » : les gestes barrière et… la 3ème dose. 

S’aperçoit-elle, notre défenseuse contre vents et marées des vaccins anti-Covid, que ce faisant elle reconnaît de facto que la « promesse » faite au début de la campagne de vaccination d’un retour à la vie normale à la seule condition de l’injection n’a pas été tenue ?

Que non seulement les « gestes barrière » n’ont pas disparu, mais que l’immunité artificielle acquise par le vaccin est si faible dans le temps qu’une 3ème dose est désormais recommandée !?

Le Titanic a heurté l’iceberg, il commence à couler… mais rassurez-vous braves gens, il est insubmersible ! 

Quittons à présent notre article du Figaro pour regarder ce qui se passe en Europe.

Nous assistons ces jours-ci :

  • au retour du masque dans les écoles françaises ;
  • au retour du télétravail obligatoire en Belgique[4];
  • et même, nouveauté du jour, au confinement y compris pour les vaccinés en Autriche[5]… 

… Comment ne pas voir dans ces décisions politiques l’aveu factuel de l’échec de la vaccination (que ses défenseurs acharnés attribueront évidemment aux non-vaccinés !) ?

L’épidémie repart à la hausse – ce qui une fois de plus est non seulement normal mais attendu pour les raisons climatiques et génétiques que j’ai exposées plus haut – et les gouvernants n’ont, malgré maintenant presque deux ans de crise, pas d’autre mot à la bouche que « vaccination ». 

Car le chancelier autrichien est le premier chef d’état européen à rendre la vaccination obligatoire pour l’ensemble de la population, y voyant le « ticket de sortie » de la crise[6]. 

Les gouvernants ont tout misé sur la vaccination et ne peuvent pas admettre qu’elle n’est pas la solution unique à la crise sanitaire.

Ils me rappellent ces adorateurs de la technologie de construction avancée du Titanic qui devaient en faire un paquebot insubmersible, et qui, jusqu’à ce que le navire se brise en deux et s’enfonce dans l’eau, ne pouvaient pas croire qu’il coulerait après avoir frôlé un iceberg ! 

Cette idée fixe, elle a pour moi un nom qui s’impose :

Vaccinomanie 

Les vaccinomanes, comme les toxicomanes, ont besoin de leur dose supplémentaire.

Ils ne jurent que par leur drogue.

Les toxicomanes sont convaincus que leur drogue les rendra plus heureux.

Les vaccinomanes, que leur vaccin les protègera.

Peu importe que les effets secondaires s’accumulent (officiellement 110 000 dans le dernier rapport de l’ANSM[7]) et que ce vaccin de toute évidence n’empêche pas une 5ème vague d’émerger en Europe : le vaccin est, à leurs yeux, la seule et unique réponse qu’ils sont capable d’envisager.

Les vaccinalistes, ou vaccinomanes, flirtent avec la schizophrénie :

  • ils doivent convaincre les non-vaccinés que le vaccin est efficace, pour qu’ils se fassent vacciner…
  • … et doivent convaincre les vaccinés que le vaccin n’est pas suffisamment efficace, pour qu’ils fassent une troisième dose ! 

C’est, vous le savez, ce qu’a mis en place Emmanuel Macron pour les plus de 65 ans, c’est ce que prétend également Boris Johnson[8] : pour eux, comme pour le gouvernement d’Israël, le « schéma vaccinal complet » inclut désormais la troisième dose.

Et avec cela, on pourra revenir enfin à la vie normale, nous promettent-ils.

Et sans doute on pourra lever les restrictions.

Le triste paradoxe de cette situation, c’est que ce durcissement européen au sujet de la vaccination se fait à la faveur d’une cinquième vague qui s’annonce en réalité peu meurtrière : je l’ai écrit plusieurs fois, et je le répète, il est normal qu’un virus installé dans la population mute de façon à devenir plus contagieux et moins meurtrier. 

Ces deux aspects (plus d’hôtes infectés, mais surtout plus d’hôtes vivants !) est la condition de son succès évolutif. 

Oui, la cinquième vague arrive, mais tout indique qu’elle aura plus d’ampleur en termes de volumes de contaminations (c’est ce qu’on voit en Allemagne, qui n’a jamais eu en deux ans autant de cas positifs quotidiens) et moins de gravité, proportionnellement, en termes de formes graves et de décès.

Quoiqu’il arrive, rassurez-vous, les rhétoriciens auront raison.

Si la vague est effectivement moins grave que les précédentes, ils l’attribueront à l’efficacité de la vaccination.

Si elle est plus grave, ils l’attribueront aux « réfractaires »… pourtant minoritaires… mais toujours trop nombreux.

Portez-vous bien,

Rodolphe Bacquet


Sources :

[1] Thibert C (17.11.2021). Covid-19 : est-il normal qu’il y ait désormais plus de vaccinés que de non-vaccinés à l’hôpital ? Le Figaro. https://www.lefigaro.fr/sciences/covid-19-est-il-normal-qu-il-y-ait-desormais-plus-de-vaccines-que-de-non-vaccines-a-l-hopital-20211117

[2] De Lorgeril M (17.11.2021). La protection conférée par les vaccins antiCOVID est-elle réelle ? https://michel.delorgeril.info/politique-de-sante/la-protection-conferee-par-les-vaccins-anticovid-est-elle-reelle/

[3] RTN (15.11.2021). Autriche : le confinement des non vaccinés « porte déjà ses fruits ». https://www.rtn.ch/rtn/Actualite/Monde/Autriche-le-confinement-des-non-vaccines-porte-deja-ses-fruits.html

[4] Deschamps C (18.11.2021). Retour du télétravail obligatoire : allons-nous bientôt quitter les centres-villes, au profit de la campagne ? RTBF.be. https://www.rtbf.be/info/societe/detail_retour-du-teletravail-obligatoire-allons-nous-bientot-quitter-les-centres-villes-au-profit-de-la-campagne?id=10881110

[5] 6medias (19.11.2021). Covid-19: reconfinement général en Autriche, vaccination obligatoire dès février. Capital.fr. https://www.capital.fr/economie-politique/covid-19-reconfinement-general-en-autriche-vaccination-obligatoire-des-fevrier-1420488

[6] Ibid.

[7] Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). https://ansm.sante.fr/actualites/a-la-une

[8] John T (17.11.2021). The definition of «fully vaccinated» is changing to three Covid-19 doses. https://edition.cnn.com/2021/11/17/world/coronavirus-newsletter-intl-17-11-21/index.html