L’émergence de géants industriels qui contrôlent ce qui nous rend malades… et ce qui nous soigne

Chers amis,

Ces derniers jours, les pages « économie » se confondent avec les pages « santé » des grands quotidiens.

Un prometteur laboratoire britannique, Vectura, spécialisé dans les inhalateurs médicaux, vient en effet de se faire racheter pour une somme de plus d’un milliard d’euros.

Rien de surprenant jusqu’ici : Vectura est ce que l’on appelle une biotech, c’est-à-dire une société de biotechnologies appliquées au domaine médical.

Elles ont le vent en poupe.

Ces sociétés ont démontré qu’elles pouvaient faire décrocher le jackpot à leurs repreneurs ou partenaires, depuis que l’une d’entre elles – BioNTech – a pu réaliser, associée à Pfizer, un certain vaccin anti-Covid avec le succès que l’on sait (succès commercial, s’entend). 

Mais c’est l’identité du gros poisson qui a racheté Vectura qui fait jaser : il s’agit de Philip Morris S.A., géant américain… du tabac[1].

Un mélange des genres mû par la grande raison capitale

Le rachat, par un champion mondial du tabac, d’une société dont la raison d’être est précisément de lutter contre les effets du tabagisme, a fait jaser les commentateurs.

Les motivations de Philip Morris sont pourtant transparentes.

Les industriels du tabac, qui voient leurs marges de profit et de manœuvre réduites d’année en année par les politiques de santé publique de la plupart des pays occidentaux, sont forcés de s’adapter pour survivre.

Ils se retrouvent dans la situation des grands pays pétroliers du golfe qui, voyant venir l’assèchement des puits de pétrole et la transition énergétique, cherchent coûte que coûte à reconvertir leurs capitaux, d’une autre manière aussi lucrative que possible.

À ce titre, le rachat par un géant de la cigarette d’un laboratoire spécialisé dans les inhalateurs est mû par la même raison capitaliste que le « rachat » rubis sur l’ongle de Lionel Messi par les fonds qataris du PSG !

Plusieurs commentateurs ont jugé que, par ce rachat, Philip Morris, dont la marque la plus célèbre est Marlboro, cherchait à se racheter une réputation plus « propre » et à diffuser une image plus « saine ».

Le nouveau PDG du géant du tabac répète en effet à qui veut l’entendre qu’il plaide pour « un monde sans cigarette » d’ici 10 ans[2].

Il me semble surtout que la nouvelle direction de Philip Morris, sait pertinemment que l’industrie de la cigarette ne sera plus si lucrative à brève ou moyenne échéance.

Le géant américain sent donc le vent tourner : il empanne ses voiles de façon à pouvoir virer de bord. Et sur son pavillon flambant neuf ne figurera probablement bientôt plus de cigarette…

Les cris d’orfraie poussés par les commentateurs économiques suite à ce rachat témoignent en réalité soit d’une amnésie, soit de la méconnaissance d’un mouvement de fond dans le monde de la santé.

« Big Pharma » vous semblera bientôt bien inoffensif

Le rachat d’une entreprise médicale par un industriel du tabac, pour aussi spectaculaire que soit le phénomène, n’a rien de nouveau.

L’industrie pharmaceutique devient de plus en plus une industrie comme les autres, cotée en bourse évidemment, et prête à tous les compromis, toutes les manœuvres, pour grandir et survivre dans un milieu économique ultra-concurrentiel.

Les grands laboratoires – Johnson & Johnson, Roche, Novartis, Sanofi, Pfizer… – dont les chiffres d’affaires annuels se chiffrent en dizaines de milliards de dollars[3] savent pertinemment qu’ils doivent s’adapter pour rester puissants.

Ces grands labos historiques font en effet face à une crise sans précédent remettant en cause le modèle qui a fait leur succès tout au long du XXe siècle : la découverte et le brevetage de nouvelles molécules.

La source se tarit, comme pour les puits de pétrole.

Ainsi, vous le savez peut-être, aucun nouvel antibiotique n’a été mis sur le marché depuis 30 ans[4].

C’est ce qui explique à la fois la guerre acharnée que les grandes industries pharmaceutiques mènent contre la santé naturelle (laquelle repose sur des solutions non brevetables) et l’aubaine que représentent de nouveaux marchés vaccinaux.

Car les vaccins, eux, sont brevetables, et il est toujours facile de trouver une « urgence » sanitaire à prévenir de façon à développer et diffuser un vaccin. Sans parler du Covid, regardez la scandaleuse campagne autour du Gardasil[5] (je vous en parlais ici).

Mais c’est ce qui explique également la diversification de ces grands groupes.

Car celles et ceux qui s’inquiètent aujourd’hui du rachat de Vectura par Philip Morris sont restés bien silencieux lorsqu’en 2016 une autre « acquisition » beaucoup plus contre-nature s’est opérée : celle du rachat de Monsanto par Bayer.

C’est parce que Monsanto n’existe plus qu’il est beaucoup plus puissant 

Vous connaissez Monsanto, qui a fait régulièrement la Une des pages « Santé » des journaux… et des pages « Justice ».

Car c’est à cette société américaine, spécialisée dans la chimie et la biotechnologie agricoles, que l’on doit plusieurs des « innovations » les plus controversées :

  • L’agent orange, un défoliant employé durant la guerre du Vietnam et cancérogène. Monsanto a payé durant des décennies des scientifiques afin qu’ils camouflent ses dangers[6];
  • Le brevetage de semences génétiquement modifiées: les fameux maïs et soja transgéniques ;
  • Le désherbant Roundup, dont le principe actif, le glyphosate, fait le feuilleton en Europe depuis plusieurs années, et est classé comme « probablement cancérogène » par le Centre International de Recherche contre le Cancer.

Monsanto, officiellement, n’existe plus depuis 2018.

Pourquoi ? Parce qu’il a été racheté par une autre entreprise qui a « effacé » son nom… en gardant ses produits.

Cette société, c’est Bayer[7], l’un des « géants » de l’industrie pharmaceutique allemande, n°2 mondial des médicaments vendus sans ordonnance… depuis son rachat des produits de Merck[8].

Le rachat de Monsanto par Bayer a-t-il mis fin à la production et à la vente de glyphosate ?

Non. Monsanto, qui n’existe officiellement plus, continue ses activités à base de produits OGM et de produits herbicides toxiques, et Bayer continue à vendre ses médicaments. 

Cette seule et même entreprise contrôle donc à la fois ce qui nous rend malades – des aliments industriels pollués aux OGM et aux pesticides – et ce qui est censé nous soigner – des médicaments grand public.

On peut à bon droit s’offusquer du cynisme de cette logique.

On peut s’en offusquer, oui, mais elle est désormais à l’œuvre partout.

Votre vaccin anti-Covid a probablement (aussi) rapporté de l’argent à Google 

Le rachat de Vectura par Philip Morris n’est que l’énième avatar de notre époque où la santé n’est qu’un secteur d’activité parmi d’autres pour des multinationales avant tout intéressées par des technologies d’avenir.

Qu’elles soient éthiques ou non est in fine secondaire pour ces consortiums : le principal est que l’investissement leur permette de gagner des parts de marché supplémentaires. Et soient rentables.

Les couples a priori contre-nature Philip Morris/Vectura ou Bayer/Monsanto ne sont que la partie émergée d’un iceberg méconnu par l’immense majorité de la population.

Tenez, faisons un test : combien êtes-vous à savoir que Google a investi, en 2018, 27 millions de dollars dans une société de biotechnologies (encore) appelée Vaccitech[9] ?

Or Vaccitech n’est rien moins que la société qui a développé le vaccin anti-Covid d’AstraZeneca. Son succès lui a permis de rentrer en bourse[10]. 

Une aubaine pour Google, qui en est l’un des actionnaires ! C’est ce qu’on appelle un investissement réussi.

Mais vous me concèderez, je l’espère, que les efforts de propagande pro-vaccination Covid de Google n’ont pas grand-chose à voir avec la démarche d’une multinationale inquiète de la santé du monde…

Plus problématiques sont les opérations de censure de la même compagnie dès qu’une « fake news » sur la vaccination est publiée sur internet.

Google a donc ce pouvoir d’investir dans une biotechnologie… et de couper le sifflet à toute personne dénonçant les limites de ces produits.

Tout comme Bayer a, dans les faits, le pouvoir de vous rendre malade et de vous soigner.

Tout comme Philip Morris a désormais la capacité de vous faire fumer… et de financer l’inhalateur qui permettra de palier votre insuffisance respiratoire liée au tabagisme.

À notre échelle de simples citoyens, il n’y a pas grand’ chose que nous puissions faire face à tout cela, hormis avoir conscience que le domaine de la santé est plus que jamais un « marché » comme un autre, dont les enjeux économiques dépassent les seules attentes des patients et des médecins.

Ce mouvement est profond, et puissant, et ne sera pas remis en cause sauf crise majeure de ce modèle.

La santé « conventionnelle » est donc un terrain aujourd’hui occupé par des multinationales assez peu mues par le bien-être de leur prochain, pour ne pas dire carrément cyniques.

Contrebalancer cette tendance ne peut venir que de thérapeutes investis et éclairés, et de patients conscients ; cela consiste à croiser les sources médicales, à éprouver des solutions alternatives, le tout si possible en étant accompagné d’un professionnel de santé… sans conflit d’intérêt. 

Portez-vous bien,

Rodolphe Bacquet


[1] Etienne Meyer-Vacherand, « Rachat de Vectura par Philip Morris, une union qui irrite », Le Temps, publié le 13 août 2021, https://www.letemps.ch/economie/rachat-vectura-philip-morris-une-union-irrite

[2]« Le patron de Philip Morris plaide pour « un monde sans cigarettes » », Le Point, 26 juillet 2021, https://www.lepoint.fr/societe/le-patron-de-philip-morris-plaide-pour-un-monde-sans-cigarettes-26-07-2021-2436900_23.php

[3] « Plus grands laboratoires pharmaceutiques du monde (chiffre d’affaires) – année 2020 », Pharmapro, mis à jour le 24 février 2021, https://www.pharmapro.ch/fr/N2768/plus-grands-laboratoires-pharmaceutiques-du-monde-chiffre-d-affaires.html

[4] Anne-Laure Lebrun, « Pourquoi aucun antibiotique n’a été découvert en trente ans », Le Figaro, 6 novembre 2019, https://www.lefigaro.fr/sciences/pourquoi-aucun-antibiotique-n-a-ete-decouvert-en-trente-ans-20191106

[5]« Ce médicament augmenterait le risque de cancer qu’il est censé combattre ! », Alternatif Bien-Être, 2 août 2019, https://alternatif-bien-etre.com/maladies/cancer/ce-medicament-augmenterait-le-risque-de-cancer-qu-il-est-cense-combattre/

[6] Sarah Boseley, « Renowned cancer scientist was paid by chemical firm for 20 years », The Guardian, 8 décembre 2006, https://www.theguardian.com/science/2006/dec/08/smoking.frontpagenews

[7] Sarah Boseley, « Renowned cancer scientist was paid by chemical firm for 20 years », The Guardian, 8 décembre 2006, https://www.theguardian.com/science/2006/dec/08/smoking.frontpagenews

[8] « Merck vend ses produits grand public à Bayer pour 14,2 milliards de dollars », Le Figaro, 6 mai 2014, https://www.lefigaro.fr/flash-eco/2014/05/06/97002-20140506FILWWW00128-merck-veut-vendre-ses-produits-grand-publics-a-bayer-pour-142-milliards-de-dollars.php

[9] Andrew McConahie, « Google invests in UK vaccine pioneer Vaccitech », Pharmaphorum, 16 janvier 2018, https://pharmaphorum.com/news/google-invests-vaccitech/

[10] Ben Adams, « Vaccitech, the company that developed the AstraZeneca COVID-19 shot, files for a Nasdaq IPO », Fierce Biotech, 12 avril 2021, https://www.fiercebiotech.com/biotech/vaccitech-company-who-developed-astrazeneca-covid-shot-files-for-a-nasdaq-ipo